C'est la faute à Restif. Et un peu à la Crevette, aussi. Depuis quelques années, je ne songeais à rien moins qu'à Mikhaïl Boulgakov. Et le doux prénom de Marguerite me laissait parfaitement serein – pour ne pas dire inerte. Et voilà que cette diablesse (c'est de circonstance) de Crevette, après avoir prétendu – sans doute faussement – qu'elle n'avait rien compris au majuscule roman de Boulgakov, nous gratifie d'une critique de celui-ci, faite au pied levé par son ami Restif. Lequel m'a donné, sans doute par pur mimétisme, une furieuse envie de m'y replonger – ce que j'ai fait illico. Comme j'arrive seulement au bout de la première partie (il y en a deux, de longueurs à peu près égales), je ne vais pas me risquer à une quelconque “analyse” du roman. Je m'aperçois tout de même que je n'avais gardé en mémoire qu'un très pâle reflet de sa fantastique (et c'est encore le cas de le dire) et irrésistible drôlerie. De même, je ne suis pas certain d'avoir vu, à l'époque de ma première lecture, à quel point l'irruption de Satan dans la Moscou stalinienne provoque beaucoup moins la folie qu'elle ne révèle celle qui préexistait à sa survenue : folie du communisme, folie de la tabula rasa, folie surtout de qui prétend dépouiller l'homme de ses oripeaux afin de trouver ce qui se cache dessous, l'Homme. Mais il en va de l'homme comme de l'oignon : une fois qu'on l'a débarrassé de toutes ses strates, on ne rencontre pas plus l'Homme que l'Oignon : rien que du vide, et du vide mort. Et c'est bien cette folie proprement humaine, cette folie particulière aux révolutionnaires de tous temps et lieux, qui est à l'œuvre dans Le Maître et Marguerite.
Écrivant ce qui précède, je me disais qu'il était bien regrettable que notre littérature n'ait pas su produire un roman équivalent, où se serait développée cette même folie mais à l'époque de la Révolution française. Ou bien il existe, et mon inculture m'empêche de le voir (discret appel du pied aux lettrés...), mais je ne crois pas. Peut-être cette carence tient-elle au fait que la Révolution n'a duré que fort peu de temps, même si ses ravages se sont prolongés jusqu'à ce matin, voire à midi.
Enfin, bref, je suis immergé dans ce roman, j'y ai passé la journée (au lieu de travailler...) et je ne peux qu'engager tous ceux qui ne l'ont pas encore lu à le faire séance tenante, ou à la rigueur à la séance d'après.
Je voulais aussi dire quelques mots de ma “période russe” d'il y a quelques années et des romans qui m'ont le plus marqué, mais ce sera pour une autre fois. Là, il faut que j'aille nourrir les bestiaux – c'est le partage des tâches, on est très politiquement correct, au Plessis.
Écrivant ce qui précède, je me disais qu'il était bien regrettable que notre littérature n'ait pas su produire un roman équivalent, où se serait développée cette même folie mais à l'époque de la Révolution française. Ou bien il existe, et mon inculture m'empêche de le voir (discret appel du pied aux lettrés...), mais je ne crois pas. Peut-être cette carence tient-elle au fait que la Révolution n'a duré que fort peu de temps, même si ses ravages se sont prolongés jusqu'à ce matin, voire à midi.
Enfin, bref, je suis immergé dans ce roman, j'y ai passé la journée (au lieu de travailler...) et je ne peux qu'engager tous ceux qui ne l'ont pas encore lu à le faire séance tenante, ou à la rigueur à la séance d'après.
Je voulais aussi dire quelques mots de ma “période russe” d'il y a quelques années et des romans qui m'ont le plus marqué, mais ce sera pour une autre fois. Là, il faut que j'aille nourrir les bestiaux – c'est le partage des tâches, on est très politiquement correct, au Plessis.
Bon, vous avez bien de la chance que cette critique vous ait donné envie de lire "Le maître et marguerite" chez moi, elle provoquerait plutôt l'effet contraire.
RépondreSupprimerLire Marguerite, c'est vache.
RépondreSupprimerNan désolée, je n'y pigeais que pouic à cette Marguerite.Mais c'est très bien, comme cela on en parle un peu... et on rit beaucoup, c'est vrai.
RépondreSupprimer« Écrivant ce qui précède, je me disais qu'il était bien regrettable que notre littérature n'ait pas su produire un roman équivalent, où se serait développée cette même folie mais à l'époque de la Révolution française. »
RépondreSupprimer«La monde slave s'élève, menaçant pour l'Europe en raison de son excès d'âme. La France, trop peu. Elles forment le contraste le plus significatif qui soit : elles se réclament, comme le matin et le soir. Les romans de Dostoïevski nous révèlent la désolation prophétique du coeur de l'homme ; ses personnages sont des héros. Les Fleurs du mal — désolation privée d'avenir ; l'individu souffre sans pouvoir agir dans une direction du temps. (...) La France n'a plus l'énergie qui constitue l'existence des héros. Les Russes peuvent être négativistes, car ils croient aux négations, elles ne sont pas pour eux un simple spectacle. »
Cioran, De la France
Hop acheté ! Et aussi le Journal d'un homme de trop de TOURGUENIEV. Merci Didier, merci Amazon
RépondreSupprimerBeuche est le petit-fils d'Emil. Je le dis parce qu'il est timide.
RépondreSupprimerHenri : de relire...
RépondreSupprimerNicolas : vous faites le prisonnier ?
La Crevette : je ne vous crois pas...
Beuche : depuis quand Cioran est-il romancier ?
Farr : je vous envie de ne pas l'avoir encore lu !
Georges : par les femmes ? Par les cuisines ? Par Belzébuth, pour rester dans une tonalité boulgakovienne ?
(Note à moi-même, sur l'époque : gloubi-boulgakovienne.)
Depuis quelques années, je ne songeais à rien moins qu'à Mikhaïl Boulgakov.
RépondreSupprimerAvouez que ça vous a plus Morphine.
Moi aussi.
Écrivant ce qui précède, je me disais qu'il était bien regrettable que notre littérature n'ait pas su produire un roman équivalent, où se serait développée cette même folie mais à l'époque de la Révolution française. Ou bien il existe, et mon inculture m'empêche de le voir
RépondreSupprimerLes Dieux ont Soif peut-être?
Mais comme je n'ai pas lu celui dont vous parlez je ferais mieux de me taire.
Et puis le roman d'Anatole France a été écrit bien après la révolution....
Depuis quand Cioran est romancier ? Depuis que les aubergines vont en week-end en article de loi.
RépondreSupprimerCher Didier Goux c'est merveille de vous voir replongé avec tant de bonheur dans ce "maitre" livre. J'entends bien que vous ne voulez pas analyser, mais quel dommage! Quand on lit ce que déjà vous inspire votre entrée dans l'enchantée Moscou boulgakovienne, on a soif d'une suite.
RépondreSupprimerDu même auteur "Cœur de chien" est assez hallucinant,(et lui valu les foudres du parti) sans atteindre à la grandeur quasi allégorique du Maître et Marguerite, 12 ans d'écriture quand même, et d'écriture menacée...
J'espère au moins que l'envie vous reprendra de nous conter un peu votre lecture. Mais la liberté, en ces domaines, est sacrée.
Fredi Maque : c'est ça, Anatole France a écrit bien après, alors que Boulgakov (et d'autres avec lui) est en plein dedans.
RépondreSupprimerRestif : ah, je me suis dit, hier, qu'il fallait que je relise Cœur de chien juste après ! Quant à celui-ci, j'y reviendrai sans doute, mais quand je l'aurai terminé. Et à condition qu'il me semble avoir à en dire des choses point trop sottes...
"Beuche est le petit-fils d'Emil. Je le dis parce qu'il est timide."
RépondreSupprimerEt Georges est l'Otto Weininger de Beuche. Je le dis parce que de livre en livre le second atténue (syn. achète) l'intransigeance du premier.
Jane, ce qu'il y a d'ennuyeux avec vous, c'est que vous essayez toujours de paraître intelligente (ce que vous êtes, d'ailleurs). Rien de moins sexy qu'une femme qui essaie sans cesse de se montrer intelligente.
RépondreSupprimerGeorges, mon mignon, arrêtez de croire que vous êtes le centre de mes préoccupations
RépondreSupprimerJe ne vois vraiment pas le rapport avec ce que j'ai écrit, mais ça n'a aucune importance.
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