lundi 19 octobre 2009

Attention à la marche (de Radetzky) !

C'est une question qui a surgi hier, non seulement entre l'Irremplaçable et moi, mais également entre le premier et le deuxième pastis (dosés comme pour un homme...) : si on trouvait sur e-bay la baguette magique idoine, en quelle période aimerions-nous vivre ? Et dans quel pays ? Et dans quelle catégorie sociale ? Je me suis même dit que ce pourrait faire une “chaîne” amusante, mais je ne citerai personne à comparaître : que ceux que le jeu amuse saisissent le cornet à dés sans plus de cérémonie.

J'ai, pour ce qui me regarde, d'abord pensé au XVIIIe siècle français. Naître dans une famille de bonne noblesse – mais sans excès de prestige tout de même : comte d'Évreux m'aurait été très bien, en plus c'est à trois ou quatre heures de carrosse de Versailles. Venir au monde vers 1690, de manière à bien profiter de l'appel d'air frais et libertin créé par la mort du vieux Louis et l'arrivée au pouvoir du délicieux Régent. Ensuite, une vie de plaisir et de littérature, de découverte des idées nouvelles (qu'en bon réactionnaire j'aurais repoussées avec des étouffements d'indignation), de femmes de chambre saillies dans les escaliers dérobés de Versailles et de marquises lutinées sous les frondaisons du parc, le déduit étant soutenu par les harmonies, au loin, de M. Rameau. Tout cela avant de s'éteindre paisiblement vers 1775, avant que les choses ne sombrent dans le cauchemar pouilleux des sans-culottes. Oui, pas mal, le XVIIIe français...

Mais, en y réfléchissant, je me suis demandé si je ne préférerais pas encore avoir vécu dans la grande bourgeoisie lettrée de l'empire austro-hongrois du XIXe siècle. Naître vers 1830 dans une famille aisée des confins de l'empire, en Galicie, en Transylvanie ou encore en Bucovine. Débarquer à Vienne vers 1848, pour de nonchalantes études assorties de la tournée des bals, avant d'entrer dans l'armée impériale, afin que mon somptueux uniforme d'officier de la garde personnelle de François-Joseph ne vienne suppléer auprès des dames à ma jeunesse enfuie. Plus tard encore, meubler une vieillesse douce et studieuse en lisant les auteurs des années 1880 - 1900, écoutant Mahler mais regrettant Wagner. Et puis, mourir imbibé de schnaps en 1912 ou 13, sans même me douter que le rêve est au bord de s'évanouir.

Plus j'y pense et mieux je me vois, droit sur mon cheval, bottes rutilantes aux pieds, regardant avec une mâle émotion passer les moustaches du vieil empereur, aux accents de la Marche de Radetzky s'échappant du Musikverein.

36 commentaires:

  1. Le XIX, j'aurais bien aimé, moi aussi. Pour les crinolines, les calèches (une ou deux des premières dans une seule des dernières, et moi au milieu). En uniforme de hussard, surtout, s'il y en avait encore, je ne sais plus…

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  2. Je serais tenté de saisir la chaine .... mais je redoute le pire.

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  3. Au risque de me répéter, ce sera pour moi sans hésitation le Paléolithique supérieur, entre - 21965 et - 21930 environ (oui, je sais, je serais déjà mort à cette heure, mais serait-ce tout compte fait si grave ?), histoire de faire plus souvent usage de mon gros gourdin.

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  4. Il me faut des loups, des gibets, de la peste et du choléra à foison : donc le XIIIe ou XIVe ou XVe siècle me conviendrait. Je veux entendre du cornet à bouquin et des vers de Christine de Pisan, aller trinquer avec Villon à la Pomme de Pin, caresser les mollets velus de femmes brunes et violentes, croquer des gousses d'ail à pleines dents, chasser à courre, roter « à pierre fendre » (Réjean Ducharme).

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  5. Et la Bessarabie, non ? ma grand-tante l'artiste venait de là bas, vous vous seriez peut être bien entendus, je ne crois pas qu'elle était réac (ça existait, ce mot là ?), mais était hyperactive et extravertie.

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  6. Bon, vous m'inspirez, je crois que je vais choisir le cosaque...

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  7. Cosaque en Bessarabie... Je ne veux pas dire, Poison-Social, mais ça n'est pas vraiment de gauche.

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  8. Je suis assez d'accord avec Yanka (sauf pour les mollets velus des femmes brunes, mais vous l'aviez déjà deviné). Ou durant le Quattrocento à Florence, tiens, pourquoi pas ?

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  9. Sans hésiter, l'uniforme vous irait mieux que la perruque à bouclettes.

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  10. @ Chieuvrou
    Je sais, ils étaient loin parfois de faire de belles choses, mais il doit forcément y avoir un rapport politique ? le personnage et sa dévotion au patron me fascinent.
    Je peux choisir aussi dans ce cas le soldat de l'armée rouge qui massacre au nom de son maître du Kremlin, si ça vous froisse.
    :)

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  11. Le Coucou : fascination pour l'uniforme et pour les crinolines ? Vos ais progressistes et vos sœurs féministes vont tordre le nez !

    PRR : allez, lancez-vous, bon sang !

    Chieuvrou : ça ne manquait pas un peu de bistrots ? Je sais bien qu'on parle de l'homme des tavernes, mais tout de même...

    Suzanne : il faut reconnaître que le maillot est seyant !

    Chieuvrou : il sent la Californie, votre paléolithique !

    Yanka : ah oui, le côté "Paris au XIIe siècle ou au XVe", c'est tentant ausdsi ! (Evitons le XIVe, cependant : peste noire + guerre de Cent ans, c'est déjà moins tentant...)

    Poison Social : mais oui, pourquoi pas ? Seulement, il faudrait développer, hein !

    Pétronille : J'avais pensé à Florence aussi. D'autant que je connais déjà un peu la ville...

    Mère Castor : vous me flattez...

    Nicolas : on se demande parfois si le mot "monomaniaque" n'a pas été inventé exprès pour vous...

    Monsieur Social : pour le soldat de l'Armée rouge, faites gaffe tout de même : il y a Stalingrad au bout du chemin...

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  12. Didier, je vous aurais bien vu en prélat, évêque d'Evreux donc... ;))

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  13. Ah bien, pour ce qui est de développer, si vous patientez un peu, je compte me lancer dans une biographie de la tantine (Olga Olby, si ça vous amuse d'aller voir sur Google), mais je ne suis pas sûr que l'époque vous plaise, c'était bien après celle qui vous passionne (elle est née en 1900)

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  14. Je voudrais vivre dans dix siècles, au moins. Plus, si besoin, pour voyager d'une galaxie à l'autre, admirer des crépuscules et des aurores depuis l'espace, et rencontrer des gens étranges.

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  15. « (Evitons le XIVe, cependant : peste noire + guerre de Cent ans, c'est déjà moins tentant...) »

    Justement, si. Des hommes en ce temps, pas de tafioles, pas de bobos sur patins, ni de PS, de NPA, de Paris-Saint-Germain, de Chinois, d'Américains und so weiter...

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  16. Quant à moi, je crois que j'aurais aimé vivre dans quelqu'une de ces cités grecques où l'amour et la guerre était encore permis aux garçons !

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  17. "étaiENT encore permis", évidemment... Et puis il y avait les esclaves, mâles ou femelles, qui étaient, entre autres choses, de vivantes poupées gonflables ! Le paradis !

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  18. Pluton : évêque m'irait très bien, en effet, mais pas à la façon de l'ex-clown d'Evreux, le pas-du-tout-regretté Mgr Gaillot, de sinistre mémoire. Évêque non croyant, mais respectueux des ors et des pompes de l'Église, ainsi que du dogme – et paillard en ses alcôves : voilà comme je me vois.

    Monsieur Social : il est exact que le XXe siècle n'est pas celui qui me fait le plus envie (parce que j'en ai réellement vécu une petite moitié ?). A vous de susciter mon désir...

    Mifa : tâchez d'y inventer la machine à voyager dans le temps et revenez nous raconter.

    Yanka : Bon, alors, dans ce cas, choisissons carrément le VIIIe et allons bouter le Sarrasin hors du royaume, bordel !

    Olivier Brulet : Évidemment, l'Athène de Périclès, ça reste tentant. Et je suis sûr, en effet, que l'on a beaucoup trop médit de l'esclavage, qui n'avait sûrement pas que des mauvais côtés...

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  19. "je suis sûr, en effet, que l'on a beaucoup trop médit de l'esclavage, qui n'avait sûrement pas que des mauvais côtés..."

    ah, oui, surtout si vous vous placez du côté esclave...

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  20. Non, non, côté esclaves, il n'y aura que des jeunes filles de gauche et/ou écolos.

    (Plus un ou deux jeunes éphèbes, si jamais M. Brulet vient dîner un soir et qu'il choisit de rester dormir...)

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  21. Eh bien moi, si j’avais la baguette magique dont vous parlez (trouvée sur ebay – j’ai adoré cette précision), j’irais chercher tous les personnages que vous et vos lecteurs évoquez, et bien d’autres encore, qu’ils soient illustres ou inconnus, et je les ramènerais avec moi dans notre époque. Leur air ahuri et leurs commentaires seraient une source intarissable de distraction. Mon côté vicieux, sans doute.

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  22. Bab : ah, oui, l'idée est bonne ! (Quoiqu'un peu sadique pour ces pauvres gens...)

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  23. Je voudrais être trotsko-maoïste en 2009, en tant que rédacteur en chef au Monde. Pour la tranquillité d'esprit. Je passerais mon temps à couvrir mes sujets de flatulences sucrées, et l'on me respecterait pour ça.

    ^^

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  24. Comme vous tiens, je parle du XVIIIe...

    Du coup, j'en aurais profité pour vous inviter chez moi, à Venise, où vous auriez campé un excellent Cardinal de Bernis.

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  25. Je serais née vers 1850 à Paris, dans un milieu social très aisé j'aurais connu la fin de l'Empire de Badinguet (toute ma jeunesse...)Vers 1880, bien que femme et célibataire, j'aurais entrepris grace à l'héritage de mon père et aux revenus de ses entreprises, le tour du monde. Nous nous serions croisés (et plus si affinités...) un soir à Vienne.
    Je serais morte (de phtisie car bien sûr je fumais beaucoup) peu avant le grand conflit et j'aurais connu le monde d'avant,celui qui me parait encore un peu civilisé...
    Bien sûr j'ai choisi le bon côté de la barrière parce que finir à 30 ans alcoolisée par un mauvais gin dans les slums de Londres, c'est pas très glamour...

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  26. Cher Didier, je n'en attendais pas moins et un tel prélat vaudrait son pesant d'or !! Tiens je veux bien vous assister pour "la messe paillarde des alcôves", wouah..!

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  27. Olivier Bruley : à la suite d'une panne momentanée (j'espère...) de cerveau, j'ai estropié votre nom : mille pardons...

    Hank : mais dans votre cas, il n'est pas encore trop tard...

    Christophe : volontiers ! d'autant que Vienne - Venise, ça se fait tout seul.

    Anonyme (qui a bien tort de le rester) : je vous aurais bien entendu rendu la politesse en venant vous visiter à Paris : vous m'auriez présenté à votre vieil époux, qui lui-même m'aurait fait connaître des actrices et des danseuses...

    Pluton : ah, ça, dès qu'il s'agit de vider les burettes !

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  28. Christophe Bohren : votre blog a explosé en vol ?

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  29. Effectivement, se retrouver dans le roman de Joseph Roth, rien que pour connaître l'initiation du narrateur. Prière de remplacer le s par un z, à défaut vous finiriez dans les bras d'un officier d'ordonnance.

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  30. Mince, vous avez raison ! Je file corriger, le rouge de la honte au front (et le savon à la main) !

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  31. Cher Didier, vous êtes tout pardonné. Il m'arrive parfois aussi d'avoir de telles pannes.

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  32. Ah, il n'y a pas à dire, vous m'amusez, tous autant que vous êtes, avec vos petits sauts de puce dans le temps, alors qu'existent d'innombrables autres possibilités bien plus dépaysantes. Comme, par exemple, disons... au hasard... le Paléolithique supérieur.

    Certes, en ces temps reculés, il fallait pouvoir mériter son steak. Cependant, même si les relations étaient sans doute parfois un peu orageuses, quelle joie ce devait être de se sentir intégré au sein de la tribu.

    Ah, ça, évidemment, il y avait bien le problème des bellâtres qui vous raflent les gonzesses avec leurs colliers de tarlouzes à la con... Mais bon, ça, quelle que soit l'époque, on y échappe difficilement.

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  33. @ Chieuvrou
    Sinon, on peut tenter le grand bond vers le "paléolithique très inférieur" de l'an 3000 !
    :D

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.