dimanche 13 septembre 2009

Nos pères ne furent pas des couards

« Le Résistant qui fut l'emblème héroïque des années d'après-guerre quitte aujourd'hui la scène au profit d'autres acteurs. Je ne m'en afflige nullement puisque j'ai toujours refusé les honneurs. Le Résistant, c'est un combattant, il fait en situation d'exception la discrimination entre l'ami et l'ennemi et il assume tous les risques. Son image ne cadre pas avec l'amollissement que l'on veut cultiver. C'est peut-être pourquoi on lui préfère aujourd'hui les victimes. Mais assurément, leur exemplarité n'est pas du même ordre. Ce que je voulais vous suggérer, j'y reviens, c'est la simultanéité de ces deux phénomènes ; le ressassement du génocide hitlérien et l'obsession antiraciste. Ils se renvoient sans cesse la balle dans un délire d'analogie. C'est extravagant. La mémoire produit un effet de sidération qui confisque l'immigration et nous interdit d'en parler autrement que dans le langage de son intrigue. [...] C'est la rééducation du passé par les procureurs de l'absolu. Cette génération hurlante n'a connu que la paix ; ce sont des nantis de l'abondance qui tranchent sans rien savoir des demi-teintes de l'existence concrète dans les temps tragiques. L'ambivalence et les dilemmes sont le lot de ce genre d'époque. Nos pères ne furent pas des couards. »

Julien Freund in Pierre Bérard, Conversation avec Julien Freund.

Et puis encore ceci :

« La décolonisation a été une réaction xénophobe de peuples qui ont profité d'une conjoncture favorable pour chasser l'étranger, redevenir maîtres chez eux et préserver avec l'indépendance politique leur identité collective. Il est contradictoire d'être en même temps un ardent partisan de la décolonisation tous azimuts et un adversaire de toute xénophobie. »

Julien Freund, Les garde-fous et le mirador.

4 commentaires:

  1. Relu l'intégralité de la conversation hier. Leçon de vie. Leçon de choses.

    RépondreSupprimer
  2. Hors sujet, certes, mais : enfin, je vous retrouve Didier Goux ! et vous vous proclamez à présent écrivain en bâtiment... je compatis.

    Allez, un apéro pour fêter ces retrouvailles ? (il est probable que vous ne vous souveniez même pas de moi, mais pourtant, il n'y a pas si longtemps, dans la blogosphère...)

    RépondreSupprimer
  3. Aaaah voilà.. Je savais bien que je devais m'énerver sur un truc mais je ne rappelais plus lequel.. Merci de m'avoir rafraîchi les idées !!

    RépondreSupprimer
  4. "demi-teintes de l'existence concrète dans les temps tragiques"... Très juste, et doit nous inciter à l'humilité, à la modération.

    RépondreSupprimer

La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.