Ça s'appelait comme cela. C'était un établissement furieusement hybride, qui avait posé ses assises à l'entrée de la rue Montorgueil (côté gauche quand on a les Halles dans le dos), au mitan des années quatre-vingts. À cette époque, il n'y avait, hors la rue Sainte-Anne, à peu près pas de restaurant japonais dans Paris, et les bouffeurs de sushis passaient pour des originaux, contrairement à aujourd'hui, où il sont devenus les moutons bêlants de la modernité festive.
Le Néo-japonesque avait été ouvert par un Français de souche assez con (rien que la coupe de cheveux, vous auriez ri), retour du Japon où il avait effectué son service civil, appris la langue et épousé une native - six à sept fois plus intelligente et cultivée que lui : je suppose que le côté exotique de notre ami lui avait brouillé l'entendement affectif et sexuel - au point qu'elle semblait tout à fait heureuse avec ce semi-mongolien de modèle assez courant par chez nous.
L'originalité (indéniable) de l'endroit était qu'on y faisait restaurant japonais au rez-de-chaussée (régenté par un ressortissant hongrois à l'humour ravageur, se foutant ouvertement de la bouffe qu'il était payé pour servir), et boîte de nuit au sous-sol. Durant deux ou trois ans, je me suis empiffré de riz au poisson à l'étage de rue, et sévèrement alcoolisé dix-huit marches en dessous.
Un soir (ou était-ce u-u-u-une nuit ?), une jeune femme atterrissant au tabouret de bar voisin du mien m'a dit, avec un charmant sourire que je revois encore, que j'avais "un mignon petit nez".
Elle était plutôt jolie, si mes souvenirs alcoolisés sont exacts, bien plus en tout cas que ce qu'il m'était raisonnablement permis d'espérer en ce genre de lieu. Ce doit sûrement être pour cela que je l'ai envoyée chier avec une réplique d'une bêtise et d'une brutalité qui me fait encore plus ou moins honte aujourd'hui. Elle a compris à quel genre de connard elle avait affaire et s'est éloignée sans faire d'histoire.
En réalité, ce long détour était juste pour vous dire que, depuis deux ou trois mois, le "mignon petit nez" auquel, durant une minute ou deux, cette inconnue a paru être sensible, est en train de se tuméfier merveilleusement, de devenir un archétype de pif d'ivrogne. Et que, bizarrement, j'en conçois un plaisir certain.
Il me semble que si, par miracle, je suis encore vivant d'ici une dizaine d'années, je réaliserai enfin mon rêve d'adolescence : avoir au milieu du visage un tubercule rubescent proche de celui du regretté Robert Dalban.
Le Tonton flingueur est en marche : rien ne pourra plus l'arrêter.
[Je dois préciser que, m'étant brouillé avec la patron de cette hybride gargote, je me suis fait un plaisir de lui laisser un impayé d'environ trois mille francs, ce qui, à l'époque, représentait un nombre de bières assez considérable, Nicolas me comprendra (et j'ai pensé à mettre le lien, ne venez pas me casser les couilles - ni le nez).]
Le Néo-japonesque avait été ouvert par un Français de souche assez con (rien que la coupe de cheveux, vous auriez ri), retour du Japon où il avait effectué son service civil, appris la langue et épousé une native - six à sept fois plus intelligente et cultivée que lui : je suppose que le côté exotique de notre ami lui avait brouillé l'entendement affectif et sexuel - au point qu'elle semblait tout à fait heureuse avec ce semi-mongolien de modèle assez courant par chez nous.
L'originalité (indéniable) de l'endroit était qu'on y faisait restaurant japonais au rez-de-chaussée (régenté par un ressortissant hongrois à l'humour ravageur, se foutant ouvertement de la bouffe qu'il était payé pour servir), et boîte de nuit au sous-sol. Durant deux ou trois ans, je me suis empiffré de riz au poisson à l'étage de rue, et sévèrement alcoolisé dix-huit marches en dessous.
Un soir (ou était-ce u-u-u-une nuit ?), une jeune femme atterrissant au tabouret de bar voisin du mien m'a dit, avec un charmant sourire que je revois encore, que j'avais "un mignon petit nez".
Elle était plutôt jolie, si mes souvenirs alcoolisés sont exacts, bien plus en tout cas que ce qu'il m'était raisonnablement permis d'espérer en ce genre de lieu. Ce doit sûrement être pour cela que je l'ai envoyée chier avec une réplique d'une bêtise et d'une brutalité qui me fait encore plus ou moins honte aujourd'hui. Elle a compris à quel genre de connard elle avait affaire et s'est éloignée sans faire d'histoire.
En réalité, ce long détour était juste pour vous dire que, depuis deux ou trois mois, le "mignon petit nez" auquel, durant une minute ou deux, cette inconnue a paru être sensible, est en train de se tuméfier merveilleusement, de devenir un archétype de pif d'ivrogne. Et que, bizarrement, j'en conçois un plaisir certain.
Il me semble que si, par miracle, je suis encore vivant d'ici une dizaine d'années, je réaliserai enfin mon rêve d'adolescence : avoir au milieu du visage un tubercule rubescent proche de celui du regretté Robert Dalban.
Le Tonton flingueur est en marche : rien ne pourra plus l'arrêter.
[Je dois préciser que, m'étant brouillé avec la patron de cette hybride gargote, je me suis fait un plaisir de lui laisser un impayé d'environ trois mille francs, ce qui, à l'époque, représentait un nombre de bières assez considérable, Nicolas me comprendra (et j'ai pensé à mettre le lien, ne venez pas me casser les couilles - ni le nez).]
Beurk ! Si vraiment tu te fais un nez à la Robert Dalban, tu ne me causes qu'en anglais !
RépondreSupprimerYES, SIR !!!
RépondreSupprimerBon désormais vous ne nous trollererez plus si on vous jappe au nez ! Comme ça on ne se fera plus de sushis.
RépondreSupprimerIl y en avait un de fameux et authentique (restaurant japonais) près du Louvre (je ne me souviens ni du nom, ni de la rue) La cuisine japonaise est ceci étant indispensable au bon goût (ou Goux, of course)
on dit "yes ma'm" quand on parle à une dame.
RépondreSupprimerRien de meilleur, en fait, que la cuisine coréenne (je m'arrête là car Martin-Lothar m'a enlevé de la bouche le puissant jeu de mots qui accompagne ordinairement une telle réflexion, dès lors que l'on tente d'expliquer la spécificité de la susnommée cuisine par l'inimitié qui subsiste parfois entre ressortissants de l'empire du Soleil Levant et du pays du Matin Calme).
RépondreSupprimerQuel beau lien ! Bon. Je retourne lire le billet.
RépondreSupprimerC'est un nez faste ?
RépondreSupprimerUn nez ! Nu phare dans la nuit...
RépondreSupprimerBalmeyer, de grâce, économisez-vous : il vous faut rester vivant, et en une santé mentale acceptable, jusqu'à mardi prochain, ne l'oubliez pas !
RépondreSupprimerah, fallait faire des jeux de mots : vous avez le nez bulleux ?
RépondreSupprimerEt Balmeyer l'est cuit, demain je le kidnappe !
Nez en moins, pour mardi, c'est plutôt le foie qui compte.
RépondreSupprimerExcellente description de ce lieu que j'ai aussi fréquenté assiduement ! Je confirme tous les points ennoncés et étais devenue assez copine avec la femme de "Luc" ! Et Encore, il manque un point essentiel à la description : les premiers temps, en plus de la bouffe japonaise, le karaoke en japonais !! Et oui, j'ai vraiment fait partie des premières adeptes de la boîte !
RépondreSupprimerBravo pour le mot
Laurence
Mais par quel miracle êtes-vous parvenue jusqu'aux tréfonds de ce blog ? Moi aussi, j'aimais bien sa femme, à l'autre andouille (en tout bien tout honneur, comme on dit). En fait, on a certainement bien dû se croiser quelques fois, dans ce bouge…
SupprimerDrôle de souvenir que la Néo Japonesque.
RépondreSupprimerA l'époque on débarquait en bande direct au sous sol pour danser jusqu'à pas d'heure et peloter les copines dans les coins.
L'endroit était assez ringard mais gratuit et la musique ne devait pas être trop mauvaise!
Et vous êtes en train de lire un message d'un des piliers de ce lieu hautement dédié à l'alcool, la fumette et la partie de jambes en l'air dans les recoins sombres et enfumés. Et si un jour elle lit ce blog, bonjour à Natacha (Nathalie de son vrai prénom) institutrice la semaine , barwoman au Néo le wkd. A toute ma bande de cette époque, je vous aime. Yves
RépondreSupprimerVoilà finalement un endroit qui a marqué les esprits, dirait-on bien.
SupprimerC'est pas tous les jours qu'on entend parler de cet endroit !!! J'y ai bossé, et très d'accord, Didier, Mr Luc Martignago, c'était quelque chose !!! Sa femme June aussi. Que de souvenirs là-dedans ! Un nombre incroyable d'anecdotes toutes plus improbables les unes que les autres, mais comme peu de gens connaissaient l'endroit, si t'en parles tu passes vite pour un mytho. J'y ai fait Barman, Plongeur, Dj... Et justement je cherche à joindre ceux qui ont fréquenté l'endroit, en recherche de certains dont j'ai perdu les coordonnées, avec le système de celui qui connait celle qui connait celui qui... IL y a peut-être une chance ?
RépondreSupprimerA+
Marcus
Je crains, malheureusement, de ne vous être d'aucune utilité, ne voyant absolument plus personne des gens que j'ai pu fréquenter (plus ou moins…) à cette époque antédiluvienne. Désolé.
SupprimerMe prend un coup de nostalgie et je cherche Néo-japonesque sur le net, et bingo je tombe sur cette page.
RépondreSupprimerLe Néo à été ma seconde maison pendant des années.
Le paquet de pognon que j’y ai laissé est hallucinant, mais qu’est-ce que j’ai pu me marrer et emballer là-bas (j’étais passé à l’industriel), bon, je devenais aussi alcoolo par la même occasion…
Quelques souvenirs qui me reviennent, le cocktail mort subit et nos interminables parties d’Aballon avec le patron (perdu son prénom).
Concernant June qui était plutôt discrète , j’ai aussi souvenir de notre dernier adieu en petit comité autour de ses cendres.
Dominique ex-fêtard invétéré…
Êtes-vous en train de nous dire que la "patronne" du Néo serait morte ? Où ? Quand ? Comment ?
SupprimerSinon, je viens de reparcourir les commentaires de ce billet : c'est curieux la manière dont, tous les deux ou trois ans, un "ex du Néo" atterrit ici sans crier gare…
Me voici ! Souvenirs...
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