mercredi 26 mars 2008

Le tu de la douleur

Nous avons épuisé la Première heure et ceci est donc la dernière Aurore biblique. Mais, comme je n'ai pas envie de quitter Erri De Luca aussi rapidement, l'aurore deviendra profane à compter de demain matin...


« L'hébreu de l'Ancien Testament avait un rapport intime et jaloux avec Dieu, ils échangeaient un "tu" plein de sentiments bouillants. Ce "tu" s'est estompé dans nos rapports, la force de ce pronom personnel qui préside à l'amour est tombée.

« La dernière fois que ce tu m'a fait sursauter, ce fut pendant que j'accompagnais à sa sépulture, avec un petit groupe, une fillette de dix ans morte d'un cancer. Dans le frottement des pas du petit cortège s'éleva tout à coup le cri terrible du père de cette fille unique, un maçon, un de mes compagnons de travail. Il cria : "Tortionnaire, tu l'as torturée pendant un an, tu me dégoûtes", il cria directement ses blasphèmes vers le ciel, regardant en l'air, puis crachant par terre, lui, l'athée de toujours. C'était le "tu" d'un homme à Dieu, un tu antique qui venait des hurlements des prophètes et qui, après un long sommeil, se cabrait à mes oreilles dans un souffle de douleur pure. Ce tu était si fort qu'il démontrait l'existence de Dieu, du moins en cette heure-là, en cet homme-là. Je crois que Dieu ne s'offense pas des cris de l'homme, s'ils ont le tu dans leur douleur. »

(Erri de Luca, Première heure.)

4 commentaires:

  1. Le "je tue" de la douleur plutôt !


    iPidiblue pater dolorosa

    RépondreSupprimer
  2. Doloroso, cher iPidiblue, doloroso ! À moins que ce ne soit votre part féminine (que nous avons tous en nous, c'est bien connu) qui s'exprime ici.

    RépondreSupprimer
  3. Trop de sexe nuit à la santé ... des mots !


    iPidiblue androgyne ou hermaphrodite ?

    RépondreSupprimer
  4. Merci Didier,
    Je déplorai de ne pouvoir copier cet extrait (hors catégorie aussi) faute d'avoir jalousement gardé l'ouvrage à ma disposition... Mais j'imaginais bien que vous citeriez ce passage avant la fin...

    RépondreSupprimer

La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.