Puisqu'on avait, dimanche, échappé aux fureurs du Vidourle, on a mis la barre un cran au-dessus dès le lendemain : on a carrément franchit le Rhône ; gonflé, non ? Nous étions attendus, à l'heure où se laissent volontiers déboucher les bouteilles de blanc, dans une petite ville (ou un gros village, si vous y tenez), située à quelques kilomètres à l'est d'Orange. Avec Emma et Pluton.
(Je ne peux pas leur offrir de liens, en dehors de ceux de notre amitié dans les langes, puisqu'ils n'ont de blog ni l'un ni l'autre ; comme on disait à la grande époque du PCF et de la compromission des intellectuels avec ce ramassis de staliniens : ils sont juste compagnons de route.)
Emma et Pluton vivent à Marseille, à cause de Pluton qui trouve malin de continuer à travailler : il y a des hommes vraiment prêts à n'importe quoi pour se rendre intéressants. Mais leur véritable maison se situe ici, au bout du bout du village, quasiment au pied des dentelles de Montmirail et sous la placide surveillance du mont Ventoux. Belle demeure de pierre, rectangulaire, assurée d'elle-même, un brin dédaigneuse de l'admiration qu'elle suscite chez l'arrivant, mais la guettant tout de même du coin de ses fenêtre symétriques (là, c'est moi qui fais le malin : je ne suis plus très sûr qu'elles le soient, symétriques). C'est une demeure de famille, que nul n'a jamais songé à brutaliser, et où l'on sent bien que les meubles, luisants, polis par les ans, pourraient demander compte aux humains de leur présence sur leur territoire, plutôt que l'inverse.
Contrairement à Mère et Père Castor, dont nous avons fait la connaissance dans le précédent épisode de cette saga venteuse, bavarde et pleine de trous, Emma et Pluton ont opté pour une descendance à modèle unique ; à mon sens ils n'ont pas eu tort. Je ne sais pas s'ils se sont longtemps entraînés avant de lancer le prototype, mais c'est une belle réussite. Cette jeune femme de 21 ans (ou 22 ?) – que nous appellerons Albertine pour préserver son anonymat, vu qu'elle se prénomme en réalité Brigitte –, marche résolument sur les traces médicales de ses parents, ce qui ne signifie nullement qu'elle ait chopé leurs microbes mais plutôt qu'elle se prépare hardiment à nous débarrasser des nôtres. À condition que nous ayons signé un engagement dans l'armée car Albertine a décidé qu'elle serait médecin militaire – à quoi l'on devine tout de suite une jeune femme résolue mais calme, sachant ce qu'elle veut et ne veut pas ou s'en croyant assurée, ce qui est le principal. Intelligente et volontiers rieuse, ne refusant pas le verre de vin paternel : une jeune femme comme on aimerait en voir plus souvent.
Nous nous serions du reste volontiers contenté de voir celle-ci plus longtemps, mais Albertine avait décidé de ne point participer au déjeuner auquel l'Irremplaçable et moi étions conviés, au motif que nous n'allions « parler que de Renaud Camus durant tout le repas ». Même pas vrai : dans le temps magiquement immobile qu'a duré notre déjeuner, si nous avons en effet évoqué la figure tutélaire du Maître de Plieux, nous avons abordé quantité d'autres sujets – qui n'auraient peut-être pas passionné davantage la damoiselle Albertine, restons humbles. Il n'empêche (car je tiens absolument à ce qu'elle ait tout de même quelque regret) qu'elle a manqué un repas de haute tenue dans un endroit qui tendait vers l'idyllique. Jugez plutôt. Il est dommage que le restaurant où nous tînmes table n'ait pas de site, ça nous aurait fait saliver un peu, surtout vous.
Connaissant nos appétences pour le vin blanc, Maître Pluton nous en avait sélectionné un (je veux dire : plusieurs unités d'un seul vin...), qui s'est défendu vaillamment mais a fini par succomber face à un adversaire résolu, sinon supérieur en nombre. Il va de soi que le nom de ce cru m'échappe totalement. Vous avez remarqué cela vous autres ? Plus on fréquente un vin au cours d'un même repas, moins on se souvient de son nom. Curieux...
Nous sommes ensuite revenus à l'habitation de nos hôtes pour le café qui, vu l'heure, aurait aussi bien pu être rebaptisé goûter. L'heure, c'est bien ce qui brisa l'enchantement, Catherine détestant conduire de nuit. Je ne peux pas la blâmer sur ce coup : elle avait décidé d'assumer héroïquement ses charges de GI Jane - plein d'points en se limitant drastiquement sur le vin ; tant de dévouement et d'héroïsme tranquille : cette femme aurait pu être infirmière dans les tranchées de 14, si elle l'avait voulu. Nous sommes donc repartis pour Lussan, lestés de nourritures terrestres mais allégés par la perspective d'une nouvelle rencontre pas si lointaine.
En deux jours, nous avions donc échappé aux fureurs du Vidourle et bravé tranquilles les envoûtements du côtes-du-Rhône, triomphant tout uniment de la crue et du cru.
Il nous restait à affronter le tsunami.
(Je ne peux pas leur offrir de liens, en dehors de ceux de notre amitié dans les langes, puisqu'ils n'ont de blog ni l'un ni l'autre ; comme on disait à la grande époque du PCF et de la compromission des intellectuels avec ce ramassis de staliniens : ils sont juste compagnons de route.)
Emma et Pluton vivent à Marseille, à cause de Pluton qui trouve malin de continuer à travailler : il y a des hommes vraiment prêts à n'importe quoi pour se rendre intéressants. Mais leur véritable maison se situe ici, au bout du bout du village, quasiment au pied des dentelles de Montmirail et sous la placide surveillance du mont Ventoux. Belle demeure de pierre, rectangulaire, assurée d'elle-même, un brin dédaigneuse de l'admiration qu'elle suscite chez l'arrivant, mais la guettant tout de même du coin de ses fenêtre symétriques (là, c'est moi qui fais le malin : je ne suis plus très sûr qu'elles le soient, symétriques). C'est une demeure de famille, que nul n'a jamais songé à brutaliser, et où l'on sent bien que les meubles, luisants, polis par les ans, pourraient demander compte aux humains de leur présence sur leur territoire, plutôt que l'inverse.
Contrairement à Mère et Père Castor, dont nous avons fait la connaissance dans le précédent épisode de cette saga venteuse, bavarde et pleine de trous, Emma et Pluton ont opté pour une descendance à modèle unique ; à mon sens ils n'ont pas eu tort. Je ne sais pas s'ils se sont longtemps entraînés avant de lancer le prototype, mais c'est une belle réussite. Cette jeune femme de 21 ans (ou 22 ?) – que nous appellerons Albertine pour préserver son anonymat, vu qu'elle se prénomme en réalité Brigitte –, marche résolument sur les traces médicales de ses parents, ce qui ne signifie nullement qu'elle ait chopé leurs microbes mais plutôt qu'elle se prépare hardiment à nous débarrasser des nôtres. À condition que nous ayons signé un engagement dans l'armée car Albertine a décidé qu'elle serait médecin militaire – à quoi l'on devine tout de suite une jeune femme résolue mais calme, sachant ce qu'elle veut et ne veut pas ou s'en croyant assurée, ce qui est le principal. Intelligente et volontiers rieuse, ne refusant pas le verre de vin paternel : une jeune femme comme on aimerait en voir plus souvent.
Nous nous serions du reste volontiers contenté de voir celle-ci plus longtemps, mais Albertine avait décidé de ne point participer au déjeuner auquel l'Irremplaçable et moi étions conviés, au motif que nous n'allions « parler que de Renaud Camus durant tout le repas ». Même pas vrai : dans le temps magiquement immobile qu'a duré notre déjeuner, si nous avons en effet évoqué la figure tutélaire du Maître de Plieux, nous avons abordé quantité d'autres sujets – qui n'auraient peut-être pas passionné davantage la damoiselle Albertine, restons humbles. Il n'empêche (car je tiens absolument à ce qu'elle ait tout de même quelque regret) qu'elle a manqué un repas de haute tenue dans un endroit qui tendait vers l'idyllique. Jugez plutôt. Il est dommage que le restaurant où nous tînmes table n'ait pas de site, ça nous aurait fait saliver un peu, surtout vous.
Connaissant nos appétences pour le vin blanc, Maître Pluton nous en avait sélectionné un (je veux dire : plusieurs unités d'un seul vin...), qui s'est défendu vaillamment mais a fini par succomber face à un adversaire résolu, sinon supérieur en nombre. Il va de soi que le nom de ce cru m'échappe totalement. Vous avez remarqué cela vous autres ? Plus on fréquente un vin au cours d'un même repas, moins on se souvient de son nom. Curieux...
Nous sommes ensuite revenus à l'habitation de nos hôtes pour le café qui, vu l'heure, aurait aussi bien pu être rebaptisé goûter. L'heure, c'est bien ce qui brisa l'enchantement, Catherine détestant conduire de nuit. Je ne peux pas la blâmer sur ce coup : elle avait décidé d'assumer héroïquement ses charges de GI Jane - plein d'points en se limitant drastiquement sur le vin ; tant de dévouement et d'héroïsme tranquille : cette femme aurait pu être infirmière dans les tranchées de 14, si elle l'avait voulu. Nous sommes donc repartis pour Lussan, lestés de nourritures terrestres mais allégés par la perspective d'une nouvelle rencontre pas si lointaine.
En deux jours, nous avions donc échappé aux fureurs du Vidourle et bravé tranquilles les envoûtements du côtes-du-Rhône, triomphant tout uniment de la crue et du cru.
Il nous restait à affronter le tsunami.
Je me "autopub". Il y a une photo de la vue du restaurant chez moi.
RépondreSupprimerElle est en lien depuis cinq minutes !
RépondreSupprimerscène de ménage?
RépondreSupprimern'empêche, ce petit tour de France me plaît bien.
J'avais pas vu ! C'est la première fois que tu m'appelles dentelles de Montmirail...
RépondreSupprimerEh bé, que d'honneur ! Il n'y a que le soleil qui nous a un peu manqué, remplacé par le bon moment passé ensemble.
RépondreSupprimerAnna
C'est-y moi qui suis bavarde et pleine de trous ? J'ai un doute. Beau portrait une fois de plus, vous pourriez faire agent immobilier.
RépondreSupprimerMélina : non, vous verrez demain...
RépondreSupprimerEmma : personnellement, le soleil ne m'a que très peu manqué, vous savez. En plus, on l'aurait eu dans la figure sur la route, alors...
Mère Castor : je ne sais pas trop si je dois prendre votre appréciation comme un compliment...
Didier, " le Plan de Dieu " vous attend tous deux à bras ouverts ! Et le château " La croix chabrières " aussi ( cuvée "la diva" parce que nous le valons bien ).
RépondreSupprimerEn tout cas c'est une excellente journée que vous nous remémorez là !
P.S : Albertine aura 22 ans samedi
Pluton : je savais que, vous, vous vous en souviendriez !
RépondreSupprimerEt tous mes souhaits à la jeune Albertine.
Catherine, belle photo des "dentelles" !
RépondreSupprimerRarement vu une photo aussi réussie (et je ne parle pas de celle de Catherine)!
RépondreSupprimerY'a un truc pour transformer le négatif en positif?
Merci Pluton.
RépondreSupprimerOrage, la photo du billet est aussi de moi, le trucage de phot*shop.
Cher Didier,
RépondreSupprimerles Emmas sont nombreuses, et mutines.
Voilà...
Bises à tous et bonne journée,
Anna R.
C'est que vous parlez des maisons comme si elles étaient des personnes, deux de mes filles ont d'ailleurs apprécié votre portrait de la leur.
RépondreSupprimerTroisième fille et fils unique ne l'ont pas encore lu.
C'est quoi ce blog avec un taulier qui raconte toutes ses cuites ?
RépondreSupprimerAnna : oui, je crois que je commence à le comprendre !
RépondreSupprimerMère Castor : les maisons peuvent être comme des personnes, il me semble.
Nicolas : "cuite" est très exagéré. Un officiel radical de la IIIe République nous aurait sans doute même trouvés très sobres...
Quelques verres de Gigondas et on finit en dentelles! Je sais, je suis passé par là. mais quel beau pays.
RépondreSupprimerNicolas, je confirme les propos de Didier. Il nous en faut vraiment BEAUCOUP PLUS pour nous cuiter..!
RépondreSupprimerTiens ! Bertrand Blier et Isabelle Huppert sont ensemble, maintenant.
RépondreSupprimer@ Chieuvrou : Pour Isabelle Huppert, c'est la troisième fois en trente ans qu'une personne me le dit ainsi spontanément. Mais elle a dix de moins que moi, ah là là, et je n'ai pas ses taches de rousseur ni ses yeux bleu-vert.
RépondreSupprimerEt m...., l'anonymat n'est plus ce qu'il était !
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