dimanche 5 avril 2009

Hier, c'était déjà demain – comme aujourd'hui

Aux trois gros...

« Je lisais dans Critique l'analyse d'un ouvrage du professeur américain James Burnham. Selon lui, si la société capitaliste s'écroule (ce qui saute aux yeux), les faits prouvent qu'elle ne sera pas remplacée par une société socialiste, mais par une société fondée sur l'exploitation de l'homme au profit d'une classe dominante. Quelle classe ? Ce n'est point le lieu d'entrer dans ce débat ; mais que la question soit posée suffit à nous rendre sensible ce dépassement de toutes les notions sur lesquelles nous avons vécu. Sans oser se le formuler, combien de jeunes gens le sentent, moins attirés par une doctrine définie, par un idéal de justice, que par le mouvement, par un élan. Ils ne cherchent plus une vérité abstraite, mais l'assurance d'être accordés aux flux de l'Histoire. Et que leur importe l'aboutissement ! La condition humaine sera ce qu'elle sera. Ce Maurice Sachs dont on publie les Mémoires écrit qu'il a toujours cru que l'esclavage devait être un état délicieux. Ce mot pourrait être repris aujourd'hui sur un autre plan par ces garçons que je connais, suant d'obéissance, qui se surveillent les uns les autres, déjà dressés à faire la police des esprits. »

François Mauriac, janvier 1947.

19 commentaires:

  1. Moi, je suis un peu gênée.


    Le billet sur les croisades, je me demandais si c'était du lard ou du cochon. Autant je suis convaincue qu'il faut résister à tout ce qui, dans l'islam, peut brider nos libertés chèrement conquises, autant rassembler des troupes en brandissant notre culture judéochrétienne comme un étendard ensanglanté et partir en guerre, et contre qui exactement et pourquoi, ça ne me convient pas.

    J'ai lu la charte de vos camarades.

    Mon point de vue est qu'on ne se bat pas pour affirmer ou pire, sauver, une langue, une culture. C'est inutile. Quand on se bat pour ça, c'est qu'on a déjà perdu, alors forcément on se bat mal. Une culture vivante se cultive comme un jardin, on doit l'arroser, la nourrir, l'engraisser pour qu'elle nous nourrisse à son tour.*
    Je trouve, autant que vous, inepte, délétère, tout ce qu'on voudra de négatif, la "culture des banlieues" . Par contre, je sais, et quand je dis que je sais, c'est parce que je le vois tous les jours depuis des années dans la province où je vis que ce n'est pas l'immigration arabe qui a endommagé la culture française, l'école. Pas chez moi, pas à côté de chez moi vu que des arabes il n'y en a pas ou tellement peu que ça ne vaut même pas le coup d'en parler. Je suis bien d'accord qu'il y a un délitement, un décrépissement, pour le moins un appauvrissement culturels mais à part l'effet de mode illustré par ce langage "weshtamerlapute" qui fleurit dans n'importe quel collège rural catholique vendéen ou breton, l'islam dont se réclament les "djeunz des cités" n'a fait (dans ma région encore, je précise) de grand-mal à personne et il faut trouver ailleurs des raisons au fait que tant de collégiens sont dégoutés de l'école, complètement à côté du concept de travail, d'effort scolaire, de démarche culturelle personnelle, tellement pas ou peu lecteurs qu'ils ont du mal à comprendre un texte simple, sans parler de lire autre chose que de la littérature ado dans le meilleur des cas. Quand on voit comment bon nombre de professeurs écrivent, en plus, ça ne rend pas optimiste.
    Si vous croyez que la consolidation de l'occident, le sauvetage de la culture, passent par la rechristianisation de l'Europe, eh bien bon courage. Prenez cent adultes qui se déclarent catholiques, et demandez leur de lire un vitrail, qui sont Rachel et Léa, ce qu'est le transept d'une église et la charité. Il y a du boulot.

    Qu'allez vous faire en cette galère ?

    Bon, ce n'est que mon opinion, sincère et sans détour.


    * oui, je sais, c'est mélo et lyrique...

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  2. ...et intéressant. C'est aussi à peu près ce que je pense. Mais il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre.
    Je ne sais pas s'il est raisonnable d'espérer et d'oeuvrer à une rechristianisation de l'Europe pour prévenir le "choc des cultures" en question et la mort de la culture tout court. Je souhaite néanmoins qu'un mouvement lucide se fasse jour, laïc ou religieux selon les positions privées de chacun, pour contrer ce phénomène de repentance mémorielle qui nous dévalorise de par le monde.
    Sachant que la nature et la politique ont horreur du vide, là où nous reculons, d'autres avancent, et pas obligatoirement bien intentionnés envers nous et notre civilisation.

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  3. Suzanne : personne n'a dit que l'islam était responsable de tous les maux, voyons ! Du reste, il n'est pas impossible que les raidissements et les soubresauts que donne à voir cette religion en ce moment soient tout bêtement ceux de l'agonie, comme il s'est produit un durcissement du catholicisme au XIXe siècle, juste avant sa fin apparente.

    Du reste, l'islam ni l'immigration n'ont autant d'importance dans la dite charte que vous leur en donnez dans votre commentaire, il me semble.

    Et puis, finalement, chacun reste libre : si cette "galère", comme vous dites, m'entraîne dans des eaux où je ne souhaite pas aller, il me sera toujours loisible de plonger et de revenir à la nage. Ce que je ne suis pas tenté de faire pour le moment, ne serait-ce que pour ne pas paraître céder aux couinements comminatoires de nos jeunes antifascistes de confort.

    Quant à la rechristianisation de l'Europe, c'est naturellement une stupidité. Et je ne vois pas trop pourquoi ni comment un athée comme moi la souhaiterait et encore moins la mettrait en oeuvre.

    Marine : au fond, que demande cette fameuse charte ? Le droit pour nous, comme pour tout un chacun, de continuer d'exister, en conservant autant que faire se peut nos caractéristiques communes, nos "coutumes", si l'on veut. Il est tout de même frappant de constater que ce souhait (qui irait de soi dans n'importe quelle autre civilisation) suffise ici à faire hurler au fascisme...

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  4. Ca ne me saute pas aux yeux moi que la société capitaliste s'écroule...C'est pas plutôt une façon d'éviter d'avoir en faire la démonstration que ce "9a saute aux yeux", entre parenthèses en plus :-) ?

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  5. Ah ben... faudra voir ça avec M'sieur Mauriac, hein !

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  6. Ah oui, lu trop vite : j'ai pas vu où commençaient les guillemets, oups... Comme quoi je ne fais pas la différence entre vos écrits et ceux de Mauriac :-) Où l'on constate encore que les faits historiques n'ont pas permis non plus de faire la démonstration des propos de Mauriac !
    Tout est dans le mouvement peut-être...
    A défaut d'être vrai, c'est quand même intéressant.

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  7. BBL n'a pas tort, mais ce n'est pas cela qu'il fallait lire ici.
    M Goux essayait simplement de traiter, élégamment, ses contradicteurs du politburo d'esclaves.
    Si Mauriac le dit...

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  8. Mauriac parle par la bouche de Didier Goux maintenant...

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  9. Mauriac s'étant planté, on peut se demander si vous ne faites pas de même…
    Sinon, l'excellent commentaire de Suzanne tombe à pic pour me permettre de céder à la paresse: je ne vois pas ce que l'on pourrait y ajouter!

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  10. Oui, en ce sens, peu importe que la société capitaliste s'écroule ou non.
    Cela n'empêche pas les esclaves de tenter de prendre le pouvoir sur les esprits, c'est bien ça ? Nietzsche le disait déjà à sa manière non ?
    Pour ce qui concerne le débat caché sous la citation :-), je dois dire que si je suis d'accord pour dénoncer cette tyrannie de la bien-pensance, (et tenter de s'y soustraire partout où cela reste possible), il me semble aussi qu'un certain type de discours qui tente simplement de prendre le discours dominant à "rebrousse-poil" ne fait que le conforter... Les deux se font finalement face, en miroir, et plus rien n'échappe à la relation spéculaire ainsi établie... Je maintiens que le salut se trouve du côté de ce qui échappe radicalement à ce jeu d'images...

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  11. @ Didier : intéressant extrait. Merci de nous aider à mieux vous comprendre.

    @ LCC : Mauriac s'est certes trompé, mais il est loin d'être le seul. Comme je le disais ailleurs, la divination marche quand même assez mal, même quand de grands esprits se piquent de la maîtriser.

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  12. Henri : je le vois mal parler avec la sienne, hein...

    Le Coucou : planté, pas sûr. Ce qu'il pouvait voir, c'était une rapide mutation du capitalisme d'avant-guerre et qui, pour lui, peut-être, ne méritait plus ce nom.

    Mathieu : le hasard a voulu que je lise cela en fin de matinée aujourd'hui : la tentation a été trop forte...

    Sinon, même réponse que pour le Coucou, à propos du "plantage" de Mauriac. Qui peut d'ailleurs se tromper comme tout le monde, oui.

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  13. J'ai oublié : d'accord pleinement avec le Coucou, quant à la qualité du commentaire de Suzanne. Qui nous change des anathémisations braillardes, ici ou là.

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  14. @Didier Goux:
    oui, c'est bien ainsi que j'ai lu la Charte. Et je l'approuve :)

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  15. Je propose de rajouter dans le charte :
    - Les membres de Renovatio Occidentalis s’affirment sans ambiguïté comme des branleurs à petites bites dont tout le monde se fout comme d'une première éjaculation adolescente

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  16. @Tonnégrande: Ah parce que vous vous foutez de la vôtre?
    On s'en souvient toute sa vie pourtant!
    Vous avez manqué ça :-(

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  17. Il me semble que Mauriac n'avait pas si mal vu que ça la situation telle qu'elle se présenterait dans les décénies à venir. Il y a d'abord une confusion courante qui est celle que l'on fait entre capitalisme et libéralisme. Le libéralisme est une doctrine économique tandis que le capitalisme est simplement un outil qui permet aux entreprises de trouver des capitaux ailleurs qu'auprès des banques par la voie d'emprunts soumis à intérêts avec obligation de remboursement, en permettant à des personnes physiques ou morales de participer au capital de l'entreprise par l'intermédiaire d'actions qui sont des titres de propriété et non des créances, titres qui donnent droit, facultativement, en fonction des résultats, à une part des bénéfices appelés dividendes.Passionnant, hein? Voilà pour le capitalisme. Le libéralisme, lui, est une philosophie née aux dix neuvième siècle dans le sillage des grandes révolutions politiques (démocratisation des pouvoirs) et techniques (machine à vapeur). Elle visait à casser le système corporatiste existant qui, en imposant un numérus clausus sévère aux membres des corporations, limitait l'offre de biens et donc maintenait leurs prix artificiellement élevés. Ces corporations étaient bien entendu entièrement controlées par le pouvoir en place qui n'hésitait pas à favoriser l'une ou l'autre des ces corporations en leur attribuant des monopoles (compagnie des Indes). L'idée des philosophes libéraux était donc de favoriser la libre entreprise en permettant au plus grand nombre d'accéder à la production. Dans ce monde libéral, les monopoles quels qu'ils fussent n'avaient évidemment pas leur place. Le système pronait également la transparence du marché (à chaque moment on devait savoir qui était qui et qui faisait quoi) et combattait les ententes illicites qui viendraient la perturber. Ce système davait permettre au plus grand nombre de s'enrichir, certains plus que d'autres, mais dans des proportions raisonnables. Contrairement à ce qui est avancé ici et là, le libéralisme était un système très moral dans son essence, les pères fondateurs étant dans leur immense majorité d'austères protestants et ces gens s'y connaissaient en matière de moralité. Libérées de toutes entraves, l'offre et la demande devaient s'affronter sur le libre marché et determiner un prix d'équilibre pour chaque bien qui satisferait tout le monde. Et c'est là que le bât blessait: si la production, dans ce nouveau système, fit un bon considérable, le traval, lui, fut considéré comme un bien parmi d'autres, et, l'offre excédant largement la demande, son prix fut maintenu à un niveau très faible. Survinrent alors des crises de surproduction: bien joli de produire en masse, s'il n'y avait personne pour acheter la production, faute de pouvoir d'achat (déjà à l'époque). C'est ce que Karl s'appliqua à expliquer avec brio au travers de l'Arbeitskraft et de la chute tendantielle du taux de profit. En fait il se faisait du souci pour les patrons. Donc, une nouvelle école de pensée vit le jour, les néoclassqiues, qui décidèrent qu'il fallait fixer le salaire non plus au niveau de la reconstitution de l'Arbeitskraft mais au niveau de sa productivité marginale, en d'autres termes, théoriquement, un salarié devait être capable de racheter une partie de sa production (exemple: la Ford T que, selon Henry, chaque salarié devait pouvoir acheter). Comme le prix du travail avait augmenté, il fallut l'organiser de manière plus efficace (Taylorisme) afin de sauvegarder le taux de profit de l'entreprise. Ouf! Le système était sauvé. Survint la grande crise de 29 une classique crise de surproduction avec ses implications financières, où l'on vit le retour des pouvoirs centraux dans le jeu économique par le biais de grands travaux (New deal) et d'un encadrement de la politique monétaire. Le hérault de cette nouvelle pensée économique fut sans conteste J. M. Keynes (théorie quantitative de la monnaie. Cet interventionisme étatique, initié dans les années trente fut intensifié après guerre (plan Marshall) et c'est ainsi qu'on se retrouve en 1947, date à laquelle monsieur Mauriac écrivit le texte que vous postez. Faisons maintenant un bon d'une soixantaine d'années dans le temps. Que reste-t-il du libéralisme? Un tissu certes dense de PME gérées à l'ancienne (patron propriétaire qui y laisse son slip en cas de faillite)mais totalement inféodées, par le système de la sous-traitance, à une poignée de grands conglomérats multinationaux où l'on ne sait plus qui est qui et qui fait quoi, mais où tout le monde fait n'importe quoi pourvu qu'on puisse se faire encore un peu plus de pognon même et surtout si on n'en manque pas, conglomérats dont les capitaux détenus par de grands groupes financiers dont on ignore les noms, se déplacent à la vitesse d'un clic de souris au gré des caprices de traders à peine sortis de l'adolescence. Evidemment à ces situations oligopolistiques et à ce manque de visibilité se superpose une absence totale de liberté d'entreprendre, des secteurs entiers de l'économie étant de nouveau soumis aux diktats des corporations nées d'un goût immodéré pour l'hyper-règlementation. Tout ça, et je m'excuse de la longueur de ce billet, tout ça pour dire que le libéralisme est mort et enterré depuis belle lurette, à supposer qu'une lurette puisse être belle.

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  18. Didier faire parti du LHC pouvait être marrant et permettait de se détacher des left-bloggers tout en grapillant quelques places dans le classement Wikio. On le sait, un left-blogger est bête comme ses pieds, il ne pense pas, et à la longue, il devient très fatigant tellement ses thèses éculées, qui ont montré toute leur toxicité vous sont connues puisqu'elles vous ont été rabachées dès la maternelle par des citoyens enseignants "humanistes". Je comprends que cela peut, par la suite, conduire certains à réagir en faisant, par exemple l'apologie de la colonisation ou ce genre de chose.
    Mais et comme Suzanne le note et comme BBL vous le fait remarquer, de là à prêter main forte à un club de boys scouts attardés, le Resistantio Accidentalos, qui se contente de tendre un pauvre miroir mal tainté aux narvalos de gôch... j'ai un peut de mal à vous suivre, cher Didier. Vous vous sentez si seul ?

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  19. Tonnégrande : vous avez sans doute raison, mais, apparemment, il y en a qui ne s'en foutent pas !

    (Pour la petite bite, j'ai déjà ma réputation...)

    Manutara : quand Mauriac parle par votre bouche, ç'a quand même plus de gueule et de sérieux que quand il s'exprime par la mienne !

    Scheiro : je vais finir par me prendre pour un boy scout attardé... ou pour un sale gosse irresponsable, au choix.

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.