jeudi 12 juin 2008

Le jour où l'on n'a pas dîné avec Léo Ferré (IV)

Il a pourtant bien fallu quitter Rome. Quand j'y repense, je me dis que c'est à ce moment-là que j'aurais dû vous parler de mon idée, concernant Ferré, à Jean-Michel et à toi. Sottement, j'ai pensé qu'il serait toujours temps, une fois arrivés à Florence. Qu'on serait plus près, que ce serait mieux. Peut-être était-il déjà décidé que je garderais le silence.

Florence, j'y étais déjà venu, avec toi seul, quatre ans auparavant. Je me souviens qu'on avait envoyé une carte postale à François Mitterrand, fraîchement élu à l'Élysée, en se marrant comme deux crétins. Je devais y revenir huit ans plus tard, avec l'Irremplaçable. Au retour, mon dermatologue (mort depuis : comme quoi...) m'apprendrait par téléphone que le grain de beauté enlevé avant notre départ était "malin". Il était bien le seul, moi je ne l'ai pas fait. On aurait dû davantage se méfier de l'Italie, toi et moi.

Lors de ce deuxième passage, très bref, j'ai tenu à retourner dans la salle longue et lumineuse, au bout de laquelle, au centre d'une rotonde, est exposé le David de Michel-Ange (dont je me demande encore pourquoi on prononce son nom "Mikel" et non Michel ; de même que "Saint-Mar" au lieu de "Saint-Marque" ; enfin bon). Il s'est trouvé un moment où je t'ai vu, immobile, à mi-chemin de l'entrée et du David, entre les deux rangées d'esclaves pour le tombeau de Jules II, commencés puis abandonnés par le sculpteur.

Tu te tenais à exacte distance de celui qui tente désespérément d'extraire sa tête du cube de marbre où Michel-ange l'a laissée emprisonnée, et de la Pietà qui lui fait face, elle aussi inachevée. Le corps mort du Christ, déformé, musculeux, tailladé de coups de ciseau ; la douleur de la mère, d'autant plus intense que son visage reste indécis, brouillé, comme en jachère ; de l'autre côté, les efforts inhumains de l'athlète figé aspirant à l'air libre, sans doute hurlant dans son bloc aux arêtes inégales ; et toi entre eux tous, vivant encore mais déjà appelé par la pierre.

Il m'a paru, à ce moment-là, qui fut très bref, et peut-être même rêvé par la suite, que nous aurions mieux fait de ne pas tenter le sort, d'oublier encore un peu le marbre tant qu'il était possible, de contourner largement Florence et, traçant une diagonale toscane, de filer directement chez Léo Ferré.

9 commentaires:

  1. Les grandes douleurs sont muettes ... vous pensez qu'il aurait pu avantageusement remplacer Pépé dans le coeur de Léo ?
    Michel Simon avait sa Zaza, vous n'avez jamais pensé à aller le voir, c'était pas très loin, du côté de Noisy-le-Grand et puis il valait le voyage le vieil animal !

    iPidiblue (ne jetez pas d'aliments aux animaux du zoo de Didier - don't feed the troll)

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  2. PépéE : c'était une femelle, ne vous en déplaise...

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  3. En matière de chimpanzés et de vieilles guenons, je vous laisse la main !

    iPidiblue zoophobie

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  4. « ... Michel-Ange (dont je me demande encore pourquoi on prononce son nom "Mikel" et non Michel... »

    Michelangelo en italien, qui se prononce « Mikelan'djelo » (Mickey l'âne jet l'eau).

    Pour « Saint-Mar » au lieu de « Saint-Mark », c'est à cause de la lessive.

    Franchement, dites « San Marco » pour régler le problème. Les Anglais disent « les Champs-Élysées » et non « The Elysian Fields ».

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  5. Bonjour Didier : Quelques jours d'absence et un sacré retard à combler... avec plaisir bien sûr. La prière bohémienne m'a plongé dans de vieux souvenirs.

    J'en profite pour rappeler à tous que samedi 13 juin, Alain Finfielkraut reçoit Renaud Camus sur France Culture dans le cadre de l'émission « Répliques ». L'autre invité est le directeur du musée Branly dont j'ai malheureusement oublié le nom.

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  6. Ygor : je sais bien cela. Mais il m'a toujours semblé qu'on devrait l'appeler soit Mikelangelo soit Michel-Ange prononcé à la française. La solution choisie me semble une cote mal taillée. Et rappelons que Louis XIV appelait Buckingham Bouquinguan

    Pluton : merci de le rappeler : j'en fait un billet.

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  7. Et, surtous, n'oubliez pas que samedi prochain, Renaud Camus passe à la !

    Samedi prochain, à la radio.

    Il passe.

    À la radio.

    À neuf heures.

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.