mardi 24 juin 2008

Qu'aurais-tu pensé ?

Pourquoi ne sommes-nous jamais allés à Chartres ensemble ? Sans doute pour la raison que nous avions une éternité devant nous, je suppose. On devrait davantage se méfier. Te souviens-tu de ce temps plus ou moins gaspillé ? Oh, non, pas vraiment, du reste ! Nous n'avons rien jeté au vent, si l'on y réfléchit. Nous attendions que quelque chose se passe, moi surtout. Tu étais plus volontaire, comme si...

La Belle Verrière nous attendait, sans dire rien, patiente, peut-être ironique. Nous avions le temps, elle aussi. Nous ne voyions pas le bleu, comme nos aïeux communs, nous nous en passions fort bien, et les rires remplaçaient souvent la gravité essentielle, celle qui nous guettait, tapie, (pas trop d'adjectifs, pas trop...), elle avait le temps et la loi pour elle, elle nous guettait de haut. Et encore : pas tellement que cela, au fond.

Nous jouions sur le parvis, souviens-toi, sans voir l'ombre portée de la flèche - irréprochablement là, comme l'a dit Péguy que tu n'as jamais lu : pas le temps, sans doute. Les osselets, les billes (la marelle, même, avec les petites filles sitôt oubliées), le souvenir d'une enfance toute proche, non partagée, certes, mais rejointe, face au porche ; une enfance qui, d'une certaine manière, nous écartait l'un de l'autre - peut-être pour nous habituer à ce qui allait se produire, mais rien n'est certain.

Or, tout s'est produit, en temps et heure. Sans le moindre bruit extérieur. La flèche est demeurée dressée vers un ciel qui nous séparait plus ou moins, dans lequel je prends le pari que nous ne nous rejoindrons pas. Néanmoins, j'ai ramené la flèche, je suis seul de nous deux à pouvoir encore le faire. Que Péguy me pardonne, mais il n'est pas d'alexandrin plus régulier et inexorable que celui que j'entrevois, là, maintenant, sans être capable de l'écrire, encore moins de le prononcer. Ton oreille est de pierre, ma langue de plomb (ou d'alliage méprisable), aucune parole ne circule plus.

Il reste le vacarme que je crée parfois, comme hier ou il y a quelques jours, pour te distraire de l'ennui et te forcer à vieillir avec moi ; te pousser à prendre mon parti, te contraindre à l'éveil. Ça ne marche jamais vraiment. Tu restes allongé, moi dressé sur des ergots que je ne me savais guère, le coq pousse à contretemps son cri, et la flèche reste fendant l'air, ondoyant comme l'herbe qui te recouvre et te masque. Elle peut attendre, elle survivra à tout - on l'espère.

8 commentaires:

  1. Vous avez ramené la flèche parce que vous avez pris le pari inverse, mais chut, d'accord.

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  2. Mais non, mais non même les flèches sont mortelles ...

    iPidiblue Zénon d'Elée

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  3. Vous avez du mal à quitter Chartres, à ce que je vois !

    (en passant, cette photo n'est pas de moi, je l'ai récupéré sur Internet (je sais, c'est mal, j'ai honte))

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  4. Quelle flèche, vous faites!

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  5. Philippe[s] : puisque c'est ça, je vous "décrédite" !

    iPidiblue : je crains que vous n'ayez raison.

    iPidigoux zélé des noms

    Dom : pas impossible...

    Henri : n'exagérons rien !

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  6. Ah ! Didier, vous êtes une flèche ...

    iPidiblue coeur de cible

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  7. La Vierge mère porteuse ... finalement elle avait pris de l'avance sur les techniques de fécondation artificielle ! Ah ! ils sont forts ces chrétiens ...

    iPidiblue FIV

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.