samedi 20 mars 2010

Il faudrait avoir trois jambes de bois pour ne pas danser la Polska (Fin)

Résumé de l'épisode précédent : après une vague branlette dans un cinéma porno, la douce fiancée s'apprête à devenir Mme Goux devant les hommes...

Lorsque j'ai répondu “oui” au maire du XIXe arrondissement de Paris, ce jour de 1985, j'avais une très sévère gueule de bois – ce qui ne devrait surprendre personne. Je suppose que j'avais dû saisir le prétexte de cet enterrement de vie de garçon pour rentrer chez moi vers quatre heures du matin, et me relever à neuf dans le but d'être à l'heure à mon mariage. Mon témoin était un oncle de la mariée, qui parlait français avec un accent polak à trancher à la hache. – Rien à dire de particulier quant à cette brève cérémonie. Au sortir de la mairie, je me suis dépêché de quitter tout le monde, car on était en semaine et j'étais attendu à mon boulot.

Deux ou trois jours plus tard, mon ami Jef m'a embarqué dans sa voiture et, de Neuilly où nous travaillions alors tous les deux, m'a conduit au centre commercial de La Défense, où nous avons chargé le téléviseur à moi offert par la nouvelle épousée. Le soir même, pour qu'il n'excite pas les convoitises des noctambules, Jef a monté le poste en question dans son appartement, où il a passé l'intégralité de son existence de poste, vu que je ne suis jamais venu le chercher : ne passant aucune soirée chez moi, je n'avais nul besoin d'une télévision.

Et, là-dessus, j'ai paumé mon épouse.

Je me souviens qu'elle m'a appelé un après-midi, à peu près un an plus tard, alors que mon environnement professionnel immédiat venait de sévèrement me concasser les burettes, ce qui fait que je lui ai répondu assez sèchement – trop sans doute. Du coup, pensant qu'elle m'importunait, elle a cessé de m'appeler ; et moi aussi. Lorsque je me suis dit que, tout de même, je pourrais prendre de ses nouvelles, elle avait déménagé et je n'ai pas réussi à la joindre. Quant à elle, sans doute considérant que lui parler m'était désagréable, elle s'est gardée de me rappeler. C'est comme ça que nous nous sommes perdus. Le plus fort est que, entre notre mariage et l'évaporation de Janina, sa vieille Polonaise de mère s'était mise à aller beaucoup mieux, rendant ainsi notre union sans objet, et donc d'autant plus farcesque. Et les années passèrent...

J'avais tellement bien oublié l'aventure que, lorsque l'Irremplaçable et moi avons acheté notre première maison, à Beaulieu-sur-Loire, en 1992, j'ai répondu “non” au notaire qui voulait savoir si j'étais marié. Je suis donc passé pour un parfait branquignol lorsque je l'ai rappelé, quelques heures plus tard, pour lui dire en gros : « Ah, Maître, au fait, je me suis trompé : je suis marié, mais j'avais complètement oublié... »

Autre épisode burlesque, lié à l'intrigue principale, lorsque ma mère, préparant sa retraite, en 1993, a eu besoin de tout un monceau de papiers officiels, et que sur l'un d'eux elle a découvert que son fils aîné préféré était marié depuis huit ans – car je n'en avais évidemment rien dit à mes parents.

1993, c'est aussi l'année où Catherine a commencé d'être démangée par le prurit des justes noces. J'ai donc entamé une procédure de divorce, chose que je pensais impossible en l'absence de ma femme mais qui s'est avérée tout à fait faisable – et donc fut faite. Ce divorce était encore tiède quand j'ai épousé Catherine en octobre 1994.

L'épilogue se déroulera en 1997, alors que nous vivions désormais, et pour peu de temps, dans la riante petite cité médiévale de Villeneuve-la-Garenne – Hauts-de-Seine. Un soir, coup de téléphone, voix de femme, accent slave. « Didier ? Bonsoir, c'est ta femme !... » Et moi, du tac au tac : « Non, mon ex-femme : nous sommes divorcés depuis quatre ans ! » Janina a eu le bon goût d'en rire. Et même de me dire que ça l'arrangeait puisqu'elle vivait désormais avec quelqu'un. J'aurais pu lui reprocher cet adultère flagrant, mais je me suis abstenu. On a conversé quelques minutes, mais je ne sais plus de quoi, et on a raccroché.

C'est la dernière fois que nous nous sommes parlé. Mais allez donc savoir, avec ces Polonaises.


P.S. : pour ceux qui souhaiteraient lire, ou relire, les trois épisodes dans le bon ordre, je viens de ranger l'ensemble dans le bungalow...

16 commentaires:

  1. Je trouve cette histoire complètement folle... et géniale de bout en bout.Je la trouve sympa et discrète, cette Janina.
    Tellement humble...Toutes les qualités d'une femme, quoi...hum.
    Signé Marine qui vient de prendre un pseudo transparent;)

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  2. C'est fou cette histoire.. Un très bon scénario de film.. Vous devriez l'écrire.. Enfin autre part que sur un blog en tous cas.

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  3. Carine : elle était en effet très gentille, mon épouse ! Et puis, je crois qu'elle éprouvait beaucoup de reconnaissance envers moi, c'en était même un peu gênant car, franchement, je n'ai jamais eu l'impression de faire quoi que ce soit de remarquable...

    Emanu : mais non, c'est très bien comme c'est. Pourquoi développer ? Et pour qui ?

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  4. France-Hélène20 mars 2010 à 20:01

    Et la robe, elle était comment la robe ? Tu n'en parles même pas. On voit bien que tu es un mec, tiens !

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  5. J'ai d'abord cru que c'était une histoire inventée pour la "Brigade mondaine" (genre de titre "Comment Paumer sa Polonaise"!), c'est excellent. Mais elle est donc vraie? Chapeau...

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  6. France-Hélène : m'en souviens pas ! J'étais pas encore tout à fait dessaoulé, il faut le rappeler...

    Passante : mais dans ce blog, tout est toujours vrai, qu'est-ce que vous croyez ?

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  7. Bippppppppppppppppppppppp

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  8. Mais je vous crois volontiers (tout est vrai sur le blog); cela aurait pu être juste de l'autofiction réinventée... étant donné que c'est un genre qui fut à la mode il y a encore peu.
    Mais pouvait-on inventer (non, sans doute) le "on est divorcés depuis quatre ans" intriqué avec le reproche au bord des lèvres: "J'aurais pu lui reprocher cet adultère flagrant, mais je me suis abstenu"...
    La réalité est souvent, en effet, la plus humoristique des possibles.

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  9. C'est vrai, j'me fends la gueule!

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  10. Vous allez vous retrouver un de ces jours avec une polonaise âgée et un vieux téléviseur sur les bras !
    :-))

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  11. Je suis allé visiter doudou-shop.com dont l'image est extraite. Je n'aurais jamais cru ça de vous !
    :-))

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  12. PRR : vous verriez qui, comme acteur, dans le premier rôle masculin ?

    Poireau : vous êtes plus curieux que moi : je n'y suis même pas allé !

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  13. "PRR : vous verriez qui, comme acteur, dans le premier rôle masculin ?"
    Rod Steiger, celui de "Il était une fois la révolution"

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  14. Mais pourquoi un poste de télé et pas une quille de bonne vodka, polonaise bien sûr..?

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  15. Quelle belle histoire ! Je n'avais jamais entendu parler des "blancs" de l'horloge parlante.

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.