J'arrivais de la République, l'Irremplaçable de la Nation : c'est dire si nous étions tricolores jusqu'au bout des babouches, lorsque jonction nous opérâmes rue Boyer, à la Maroquinerie, où Kent s'apprêtait à officier (supérieur). Freddy, épouse du chanteur à la ville, nous y attendait ; d'emblée, elle m'a agacé : dix ans que nous ne nous étions vus et elle n'avait pas pris une ride. Mais pas une !
J'ai tout de même réussi à désarçonner la donzelle lorsque, l'Irremplaçable et elle s'étant commandé chacune un verre de blanc, j'ai crânement demandé au loufiat une rasade d'eau-qui-pique. On a siroté tout ça, tandis qu'au sous-sol se déroulait la première partie du concert, dont nous n'avions rien à battre les uns ni les autres. On s'est donné des nouvelles, résumé nos existences, pour s'apercevoir qu'il ne nous était à peu près rien arrivé de marquant durant la décennie écoulée. Puis est arrivé A., l'Héritier. La dernière fois que nous l'avions vu, A. dormait dans un berceau grand comme deux boîtes à chaussures et il buvait du lait au biberon. Maintenant, il a 13 ans et il joue du trombone à coulisse : qu'il ait choisi la coulisse pendant que son père s'acharne à occuper le devant de la scène ne m'a pas paru tout à fait innocent ni fortuit.
Puis, le concert a commencé. Deux personnes sur la petite scène : Kent et son guitariste-arrangeur, chacun passant, suivant les chansons, de la guitare "normale" à l'électrique. En face d'eux, plusieurs centaines de personnes dans un espace confiné et surchauffé, certaines assises, d'autres tassées debout au "promenoir" où nul n'aurait pu songer à se promener. C'est là que ç'a commencé à se gâter pour nous.
La prestation de l'artiste n'est nullement en cause, je m'empresse de le préciser. Au contraire : le principe consistant à balayer trente ans de chansons - y compris, donc, la période Starshooter - pour proposer des titres "revisités", aux arrangements resserrés, m'a paru excellent, traçant un chemin de fantaisie fort agréable à parcourir. C'était particulièrement vrai pour les très anciennes chansons, Kent chantant beaucoup mieux aujourd'hui qu'alors.
Bon, eh bien ? Pourquoi est-ce qu'il trouve encore le moyen de bougonner, ce vieux grincheux réac ? Sans doute parce que vieux grincheux réac, précisément. D'abord, c'est sans doute un tort, mais je n'en ai plus rien à foutre, des chansons, fussent-elles celles de Kent : elles sont désormais hors-champ. D'autre part, je n'ai plus l'âge de passer deux heures à transpirer debout : j'avais un peu l'impression de faire antichambre au seuil de mon passé, sans arriver à mettre la main sur le ticket d'entrée. En plus, ça jouait trop fort pour mon goût, là. Ajoutez à cela que j'avais oublié à quel point le son produit par une guitare électrique peut être laid, irrémédiablement. Et je crois bien que, même si tout avait été parfait par ailleurs, je n'ai plus envie de communier, encore moins de vibrer à l'unisson de je ne sais qui, je ne me reconnaissais rien de commun avec les gens qui m'entouraient - me pressaient serait plus juste.
M'a tout de même bien amusé la constatation que si je n'étais pas dans la moyenne d'âge du public, je n'étais pas si loin au-delà : l'artiste n'était pas seul à avoir vieilli... Mais c'était un amusement de qualité douteuse, avec un arrière-goût persistant.
Bon, finalement, que dire de cette soirée ? Du concert (ou de ce que j'en ai vu) ? Que c'était à coup sûr très bien, et même recommandable. Mais que ce n'était pas pour moi. Et puis, l'Irremplaçable et moi avons horreur de manquer l'heure de notre camomille vespérale.
J'ai tout de même réussi à désarçonner la donzelle lorsque, l'Irremplaçable et elle s'étant commandé chacune un verre de blanc, j'ai crânement demandé au loufiat une rasade d'eau-qui-pique. On a siroté tout ça, tandis qu'au sous-sol se déroulait la première partie du concert, dont nous n'avions rien à battre les uns ni les autres. On s'est donné des nouvelles, résumé nos existences, pour s'apercevoir qu'il ne nous était à peu près rien arrivé de marquant durant la décennie écoulée. Puis est arrivé A., l'Héritier. La dernière fois que nous l'avions vu, A. dormait dans un berceau grand comme deux boîtes à chaussures et il buvait du lait au biberon. Maintenant, il a 13 ans et il joue du trombone à coulisse : qu'il ait choisi la coulisse pendant que son père s'acharne à occuper le devant de la scène ne m'a pas paru tout à fait innocent ni fortuit.
Puis, le concert a commencé. Deux personnes sur la petite scène : Kent et son guitariste-arrangeur, chacun passant, suivant les chansons, de la guitare "normale" à l'électrique. En face d'eux, plusieurs centaines de personnes dans un espace confiné et surchauffé, certaines assises, d'autres tassées debout au "promenoir" où nul n'aurait pu songer à se promener. C'est là que ç'a commencé à se gâter pour nous.
La prestation de l'artiste n'est nullement en cause, je m'empresse de le préciser. Au contraire : le principe consistant à balayer trente ans de chansons - y compris, donc, la période Starshooter - pour proposer des titres "revisités", aux arrangements resserrés, m'a paru excellent, traçant un chemin de fantaisie fort agréable à parcourir. C'était particulièrement vrai pour les très anciennes chansons, Kent chantant beaucoup mieux aujourd'hui qu'alors.
Bon, eh bien ? Pourquoi est-ce qu'il trouve encore le moyen de bougonner, ce vieux grincheux réac ? Sans doute parce que vieux grincheux réac, précisément. D'abord, c'est sans doute un tort, mais je n'en ai plus rien à foutre, des chansons, fussent-elles celles de Kent : elles sont désormais hors-champ. D'autre part, je n'ai plus l'âge de passer deux heures à transpirer debout : j'avais un peu l'impression de faire antichambre au seuil de mon passé, sans arriver à mettre la main sur le ticket d'entrée. En plus, ça jouait trop fort pour mon goût, là. Ajoutez à cela que j'avais oublié à quel point le son produit par une guitare électrique peut être laid, irrémédiablement. Et je crois bien que, même si tout avait été parfait par ailleurs, je n'ai plus envie de communier, encore moins de vibrer à l'unisson de je ne sais qui, je ne me reconnaissais rien de commun avec les gens qui m'entouraient - me pressaient serait plus juste.
M'a tout de même bien amusé la constatation que si je n'étais pas dans la moyenne d'âge du public, je n'étais pas si loin au-delà : l'artiste n'était pas seul à avoir vieilli... Mais c'était un amusement de qualité douteuse, avec un arrière-goût persistant.
Bon, finalement, que dire de cette soirée ? Du concert (ou de ce que j'en ai vu) ? Que c'était à coup sûr très bien, et même recommandable. Mais que ce n'était pas pour moi. Et puis, l'Irremplaçable et moi avons horreur de manquer l'heure de notre camomille vespérale.
Et puis il fallait nourrir les chiens... Ce sera mieux de le revoir "en civil"...
RépondreSupprimerOh les deux, la camomille vespérale, vous poussez pas le paradoxe un peu loin ?
RépondreSupprimerCamomille vespérale...
En civil, oui... Ce serait en tout cas mieux qu'en civière...
RépondreSupprimer(N'importe quoi, ce commentaire, vraiment !)
grand n'importe quoi bis:
RépondreSupprimeret ben c'est formidable, les copains
on s'est tout dit on s'serre la main
on peut pas mettre 10 ans sur table
comme on étale ses lettro Scrabble.
hop.
«j'avais un peu l'impression de faire antichambre au seuil de mon passé, sans arriver à mettre la main sur le ticket d'entrée.»
RépondreSupprimerChapeau bas.
Je la note et je la copierais à outrance et à l'envi !
Pour le reste, si ce n'est plus d'après vous, votre truc, aucune raison de se forcer. Il y a tant d'autres plaisirs et il ne me semble pas vous connaître d'ascétisme en la matière !
:-)))
Moi j'aime beaucoup le passage du Didier qui ne veut plus vibrer à l'unisson avec on ne sait qui :)
RépondreSupprimer(J'ai une semaine horrible niveau boulot, il y a d'autres dates prévues ?)
Transpiré allongé, c'est en effet nettement mieux...
RépondreSupprimerMélina : c'est de qui ?
RépondreSupprimerPoireau : je vous l'offre de bon coeur...
Marie-Georges : oui, mais en province (voir le lien qui est sous le nom de Kent, dans le billet).
Dorham : à mon âge, quand on est allongé, on ne transpire pas : on dort.
C'est vrai, ça vous êtes vraiment un vieux réac, Didier ... enfin beaucoup plus vieux que moi, qui prends encore un plaisir infini à aller aux concerts !
RépondreSupprimerIl est possible d'aller à un concert même de rock sans être à l'unisson, sans allumer son briquet et sans « pogoter ». Je suis un peu plus jeune que vous, Didier, mais pas au point de vous regarder comme un ancêtre. Et pourtant, il semble y avoir quatre générations entre nous. Vous me paraissez vieux comme Trénet, et mal portant comme ce cher Gaston Ouvrard. Il est vrai que, contrairement à vous, cher ainé, je goute le rock et la guitare électrique m'électrise (moins que le violoncelle et le violon, mais enfin) quand elle est bien maniée. Il y a quatre ans, j'ai vu Ange en concert et j'y étais, aux anges, même si Christian Décamps s'est pas mal arrondi (comme vous), si sa voix n'est plus aussi percutante qu'avant. Toujours cette folie scénique, et cette musique ensorcelante (je parle des premiers albums d'Ange, entre 72 et 76). Et, à la maison, quand je mets du Pink Floyd, les Doors et quelques autres dans ce gout-là, je déménage sur place, tout seul, en communion totale avec me, myself and I, même quand l'épouse est là, qui aime quant à elle Génésis, Yes et autres groupes de musique dite progressive. Cela ne m'empêche pas d'écouter sinon Cohen et des choses bien plus précieuses encore, plus religieuses, plus anciennes...
RépondreSupprimerRéac, c'est bien, très bien même. Vieux con, c'est pas bandant pantoute. Ne prenez pas ce chemin-là, très encombré.
Je ne connais pas Kent, mais je trouve que ça le fait de boire le coup avec la femme et le fils de l'artiste et de faire discrètement allusion à la prochaine camomille que vous prendrez avec lui en toute simplicité! Vous m'en mettez plein la vue!
RépondreSupprimerEt pour votre phrase" j'avais un peu l'impression de faire antichambre au seuil de mon passé, sans arriver à mettre la main sur le ticket d'entrée." Mamamia...
Ygor Yanka : non, non, cela n'a rien à voir avec mon âge, ni un quelconque "vieux-conisme" qui paraderait comme tel ! En réalité, il se trouve que je n'ai JAMAIS vraiment aimé le rock (même si, sous l'influence de mon frère cadet, j'ai pratiqué à une époque les Yes et Genesis dont vous parlez, ainsi que quelques autres. Mais enfin, à 20 ans, je me shootais déjà à l'Edith Piaf - ce que je n'osais même pas avouer à mes contemporains de peur de passer pour un ringard (surtout auprès des filles).
RépondreSupprimerMots d'Elle : une camomille, vous trouvez vraiment que "ça le fait" ?
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerÉdith Piaf ? Assez de cette musique de zazous dégénérés, nous voulons Yvette Guilbert !
RépondreSupprimer(pour mémoire : http://www.youtube.com/watch?v=T8b3u3KRTxI )
Le lien proposé par M. Chieuvrou, concernant Yvette Guilbert.
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