C'était hier soir, peu avant minuit ; j'ai appris la nouvelle par la télévision ; plus bizarrement, c'est Arte qui a donné l'information, nous plongeant, l'Irremplaçable et moi dans la stupeur : le vieux Jacques venait de s'éteindre, paisiblement, dans son lit, après avoir demandé à Max von Sydow d'ouvrir la fenêtre, afin qu'il puisse entendre une dernière fois le chant de son canari en cage.
Le vieux Jacques est le serviteur de Franz von Trotta, personnage pivot de La Marche de Radetzky, le roman le plus connu de Joseph Roth (photo), et sans doute l'un des plus grands de tout le XXe siècle. Juste avant de mourir, Axel Corti en a tiré un téléfilm de quatre heures, remarquable et remarquablement fidèle à l'oeuvre de l'écrivain, qu'Arte rediffusait donc hier soir - en français malheureusement : shame on them.
La scène de l'agonie du très vieux serviteur est superbe et d'une simplicité poignante. La mort opère - sans phrases - un retournement complet des valeurs que l'on devine figées depuis plus d'un demi-siècle, entre le domestique et ce maître qu'il a vu sinon naître du moins grandir. En quelques minutes, dans cette chambre sans apprêts, le préfet von Trotta se met au service de l'homme qui l'a servi toute sa vie, et son père (« le héros de Solférino »...) avant lui ; il obéit tout naturellement à ses moindres désirs, qui sont presque des ordres, exprimés d'une voix douce. Le temps lui-même effectue un vertigineux retour en arrière, puisque le vieux Jacques se remet à tutoyer le baron, comme on suppose qu'il devait le faire lorsque celui-ci était enfant.
Durant toute cette scène, Franz von Trotta laisse affleurer à son visage (magnifique Max von Sydow) un peu du bouleversement qui l'agite, mais ne dit pas un mot qui ne soit une banalité, incapable qu'il est d'exprimer quoi que ce soit de personnel : il en ira de même lors de sa dernière entrevue avec son fils, Carl Joseph, quelque part aux confins de l'empire austro-hongrois, lui aussi entré en agonie. Car La Marche de Radetzky est tout entière marquée de l'empreinte de l'agonie.
Ce qui, pour Catherine et moi, est apparu de plus étrange, est que, au moment de sa mort, l'acteur interpétant le domestique mourant ressemblait réellement, physiquement à l'autre vieux Jacques...
Le vieux Jacques est le serviteur de Franz von Trotta, personnage pivot de La Marche de Radetzky, le roman le plus connu de Joseph Roth (photo), et sans doute l'un des plus grands de tout le XXe siècle. Juste avant de mourir, Axel Corti en a tiré un téléfilm de quatre heures, remarquable et remarquablement fidèle à l'oeuvre de l'écrivain, qu'Arte rediffusait donc hier soir - en français malheureusement : shame on them.
La scène de l'agonie du très vieux serviteur est superbe et d'une simplicité poignante. La mort opère - sans phrases - un retournement complet des valeurs que l'on devine figées depuis plus d'un demi-siècle, entre le domestique et ce maître qu'il a vu sinon naître du moins grandir. En quelques minutes, dans cette chambre sans apprêts, le préfet von Trotta se met au service de l'homme qui l'a servi toute sa vie, et son père (« le héros de Solférino »...) avant lui ; il obéit tout naturellement à ses moindres désirs, qui sont presque des ordres, exprimés d'une voix douce. Le temps lui-même effectue un vertigineux retour en arrière, puisque le vieux Jacques se remet à tutoyer le baron, comme on suppose qu'il devait le faire lorsque celui-ci était enfant.
Durant toute cette scène, Franz von Trotta laisse affleurer à son visage (magnifique Max von Sydow) un peu du bouleversement qui l'agite, mais ne dit pas un mot qui ne soit une banalité, incapable qu'il est d'exprimer quoi que ce soit de personnel : il en ira de même lors de sa dernière entrevue avec son fils, Carl Joseph, quelque part aux confins de l'empire austro-hongrois, lui aussi entré en agonie. Car La Marche de Radetzky est tout entière marquée de l'empreinte de l'agonie.
Ce qui, pour Catherine et moi, est apparu de plus étrange, est que, au moment de sa mort, l'acteur interpétant le domestique mourant ressemblait réellement, physiquement à l'autre vieux Jacques...
Il n'y a qu'un seul vieux Jacques et il a signé un contrat d'exclusivité pour MON blog.
RépondreSupprimerMille pardon, mon bon Seigneur, mais ce vieux Jacques-là a été conçu avant le vôtre...
RépondreSupprimer(Cela dit, j'le f'rai pus, promis !)
Il était quand même un pe moins grassouillet, le vieux Jacques du film.
RépondreSupprimerJ'adore Max von Sydow, quel regret de ne pas avoir vu ce film ! De toute façon il est toujours guindé, et les émotions chez lui se devinent sans beaucoup de mimiques (même quand il était beaucoup plus jeune, dans un film de Bergman, avec Liv Ullman, film dont j'ai oublié le titre). Un autre film encore : il joue le rôle d'un très pauvre immigrant suédois arrivé avec son fils (un enfant très jeune) pour travailler dans une ferme au Danemark ;
RépondreSupprimeravec sa grosse voix, il parlait de son village natal à son garçon, en prononçant : « Tomellila » , cela d'une façon qui me fait fondre...
C'est vrai que sur la photo, il y a quelque chose. Sinon je n'ai pas compris grand chose au billet étant donné que je n'ai pas lu ce livre....
RépondreSupprimerAnna : c'était déjà une deuxième diffusion : je serais bien surpris qu'il n'y en ai pas une troisième un jour ou l'autre...
RépondreSupprimerZoridae : vous n'avez rien compris parce que vous avez lu en diagonale. sinon, vous vous seriez aperçue que la photo servant d'illustration n'était pas celle de l'acteur interprétant le vieux Jacques, mais celle de Joseph Roth lui-même !
Bon, dorénavant Didier, lorsque je laisserai un commentaire totalement à côté de la plaque (comme le précédent), je vous autorise à ne pas le publier...
RépondreSupprimerZoridae : certainement pas ! D'autant qu'il n'est pas exclu que, pour qui ne connaît pas le roman de Roth, mon billet soit réellement imbitable...
RépondreSupprimerDu reste, je ne me lasserai jamais de le répéter : Roth est un immense écrivain, bien supérieur à Zweig pourtant dix fois plus célèbre que lui, et que La Marche de Radetzky est l'un des plus grands romans du XXe siècle.
Non il n'est pas imbitable votre billet. C'est juste que ça m'énerve d'entendre parler de grands livres et de savoir que je ne les ai encore pas lus.
RépondreSupprimerVoyons, très chère : avoir encore des livres à lire : mais c'est la définition même du bonheur !
RépondreSupprimerJe ne fréquente pas beaucoup le cinéma nordique (ça me donne froid) mais je garde un souvenir ébloui de Max Von Sydow dans "les 3 jours du condor", en particulier le tête-à-tête avec Redford dans l'ascenceur et l'offre d'emploi à la fin. A part ça, le film a un peu vielli, je ferai bien mon director cut en virant toutes les scènes avec cette grue surjoueuse de Faye Dunaway. Le roman de de James Grady (les 6 jours du condor)que Rivages a du finir par republier, vaut le déplacement aussi
RépondreSupprimerMarc Cohen : ravi et flatté de vous accueillir ici, tout d'abord. Mais par quel hasard vous êtes-vous retrouvé si loin dans les profondeurs de ce blog ?
RépondreSupprimerJe partage tout à fait votre sentiment quant à Mrs Dunaway qui, bien que ne m'ayant jamais touché l'une n'a jamais réussi non plus à faire bouger l'autre. Malheureusement, je dois avouer que je n'éprouve non plus le moindre enthousiasme pour Robert Redford, un peu trop emphatiquement américain pour mon goût, très politiquement propre sur lui. Ce qui vous expliquera le peu de souvenir du film dont vous parlez. Quant au roman, j'avoue à ma grande et courte honte ne l'avoir pas lu...