Voilà, elle était exactement comme ça, Monique Morelli, lorsque je suis allé l'entendre à la Cour des Miracles – Montparnasse – en 1979 : grande chasuble blanche (quelque chose de moyennâgeux) et écharpe rouge dont elle jouait admirablement. Pourquoi n'ai-je pas trouvé cette photo hier ? Mystère...
Petite salle, la Cour des Miracles, très petite. Et scène exiguë aussi. Elle l'occupait toute, avec dans un coin Lino Léonardi, son mari-accordéoniste-compositeur-arrangeur, et, dans l'autre coin, Pierre Nicolas, le contrebassiste de Brassens. Elle chantait les poètes que l'on aime – ou qu'elle nous faisait découvrir, c'est selon. Vers la fin de son tour de chant, devant une quarantaine de spectateurs, elle avait demandé si quelqu'un avait envie d'entendre une chanson particulière. Et, seul dans le silence, j'avais demandé le magnifique Jour de lessive de Gaston Couté. Elle l'avait chanté, après m'avoir remercié d'un signe de tête et d'un sourire.
À la fin du récital, elle tenait échoppe de ses disques, comme faisaient (font ?) les chanteurs à petites ventes commerciales. Je voulais racheter le "Villon" que j'avais eu et n'avais plus (prêté, pas rendu, sans doute...). Mais il ne lui en restait qu'une version "simplifiée", c'est-à-dire sans les huit ou dix pages intercalées, où étaient reproduits les textes chantés ainsi que le glossaire permettant de comprendre les mots disparus dont se servait Villon. Quand je lui eus fait part de mon désappointement, et après une brève conférence au sommet avec Léonardi, elle me dit qu'il devait lui rester un exemplaire du 33-tours originel chez elle, et elle m'invita à passer le chercher. Ce que je fis quelques jours plus tard.
J'ai encore ce disque dédicacé et, plus précieux, le souvenir de l'heure que j'ai passée, avec eux deux, dans cette petite maison jardinée, au haut de la Butte. Je pris le disque, plus un autre (le Corbière, je crois), payai d'un chèque et repartis.
Quelques jours après, en compagnie d'André et de Bergouze, je retournai à la Cour des Miracles, réentendre Morelli. Nous nous installâmes au premier ou deuxième rang des spectateurs. Soudain, au beau milieu de son récital, profitant d'un moment où Léonardi jouait seul (on appelle cela un "pont", je crois), elle s'adresse directement à moi ; je ne comprends pas ce qu'elle me dit et, par gestes, le lui fait savoir ; elle répète, très à l'aise ; Léonardi, stoïque, double le pont ; le viaduc menace, dans la mesure où je ne comprends pas davantage ; nous sommes le point de mire des spectateurs : elle, c'est normal, mais moi cela me fait un peu bizarre ; voyant qu'elle n'arrivera à rien, Morelli se décide à reprendre sa chanson.
Le mystère s'éclaircira peu après, à la fin du tour de chant : Monique Morelli m'explique que, sur le chèque que je lui ai laissé quelques jours avant, elle a vu que j'habitais La Ferté-Saint-Aubin. Or, Léonardi et elle, lorsqu'ils se produisent dans la région d'Orléans ou de Romorantin, ont l'habitude de descendre à L'Hôtel du Perron, sis à la Ferté (et disparu depuis – mais je me souviens y avoir pris une cuite mémorable avec le père de Catherine, deux ou trois ans avant de retrouver celle-ci). Et c'est ce dont Monique Morelli avait décidé de m'informer au beau milieu d'une chanson.
C'est pourquoi je puis dire, en toute assurance, qu'une fois dans ma vie j'ai fait attendre un poète mort.
Petite salle, la Cour des Miracles, très petite. Et scène exiguë aussi. Elle l'occupait toute, avec dans un coin Lino Léonardi, son mari-accordéoniste-compositeur-arrangeur, et, dans l'autre coin, Pierre Nicolas, le contrebassiste de Brassens. Elle chantait les poètes que l'on aime – ou qu'elle nous faisait découvrir, c'est selon. Vers la fin de son tour de chant, devant une quarantaine de spectateurs, elle avait demandé si quelqu'un avait envie d'entendre une chanson particulière. Et, seul dans le silence, j'avais demandé le magnifique Jour de lessive de Gaston Couté. Elle l'avait chanté, après m'avoir remercié d'un signe de tête et d'un sourire.
À la fin du récital, elle tenait échoppe de ses disques, comme faisaient (font ?) les chanteurs à petites ventes commerciales. Je voulais racheter le "Villon" que j'avais eu et n'avais plus (prêté, pas rendu, sans doute...). Mais il ne lui en restait qu'une version "simplifiée", c'est-à-dire sans les huit ou dix pages intercalées, où étaient reproduits les textes chantés ainsi que le glossaire permettant de comprendre les mots disparus dont se servait Villon. Quand je lui eus fait part de mon désappointement, et après une brève conférence au sommet avec Léonardi, elle me dit qu'il devait lui rester un exemplaire du 33-tours originel chez elle, et elle m'invita à passer le chercher. Ce que je fis quelques jours plus tard.
J'ai encore ce disque dédicacé et, plus précieux, le souvenir de l'heure que j'ai passée, avec eux deux, dans cette petite maison jardinée, au haut de la Butte. Je pris le disque, plus un autre (le Corbière, je crois), payai d'un chèque et repartis.
Quelques jours après, en compagnie d'André et de Bergouze, je retournai à la Cour des Miracles, réentendre Morelli. Nous nous installâmes au premier ou deuxième rang des spectateurs. Soudain, au beau milieu de son récital, profitant d'un moment où Léonardi jouait seul (on appelle cela un "pont", je crois), elle s'adresse directement à moi ; je ne comprends pas ce qu'elle me dit et, par gestes, le lui fait savoir ; elle répète, très à l'aise ; Léonardi, stoïque, double le pont ; le viaduc menace, dans la mesure où je ne comprends pas davantage ; nous sommes le point de mire des spectateurs : elle, c'est normal, mais moi cela me fait un peu bizarre ; voyant qu'elle n'arrivera à rien, Morelli se décide à reprendre sa chanson.
Le mystère s'éclaircira peu après, à la fin du tour de chant : Monique Morelli m'explique que, sur le chèque que je lui ai laissé quelques jours avant, elle a vu que j'habitais La Ferté-Saint-Aubin. Or, Léonardi et elle, lorsqu'ils se produisent dans la région d'Orléans ou de Romorantin, ont l'habitude de descendre à L'Hôtel du Perron, sis à la Ferté (et disparu depuis – mais je me souviens y avoir pris une cuite mémorable avec le père de Catherine, deux ou trois ans avant de retrouver celle-ci). Et c'est ce dont Monique Morelli avait décidé de m'informer au beau milieu d'une chanson.
C'est pourquoi je puis dire, en toute assurance, qu'une fois dans ma vie j'ai fait attendre un poète mort.
Deux beaux billets, nous sommes gâtés ; en prime personne pour ronchonner.
RépondreSupprimerC'est drôle, il y a plus de coeur dans vos billets depuis votre visite auprès du cardiologue.
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