dimanche 8 février 2009

De la contradiction en milieu réactionnaire (ou supposé tel)

Peut-on lire, aimer à la fois l'un et l'autre de ces deux écrivains ? Sans doute, puisque je le fais et ne suis pas le seul, loin de là. Mais qu'ont-ils en commun, hormis cette syllabe qui termine l'un avant de commencer l'autre ? Ce qui les rapproche saute aux yeux, pour ainsi dire : une même vision peu optimiste de notre avenir, le constat cinglant de ce que Renaud Camus appelle La Grande Déculturation, constatée aussi par Philippe Muray, quoique sur un mode plus cynique peut-être – ou plus rigolard, si on m'autorise le mot. En tout état de cause, un même refus de se satisfaire du monde tel qu'il est, et surtout tel qu'ils le voient s'éteindre, sans doute irrémédiablement.

Ils ont aussi bien des détestations communes : le bruit perpétuel et imposé que l'on nomme désormais musique, la destruction quasi systématique des paysages (plus aiguë et plus douloureuse chez Camus), la fête obligatoire (considérablement plus importante chez Muray), le mépris des "élites" et des idiots utiles qui leur font cortège depuis quarante ans, pour avoir attisé les feux de la repentance sanglotante, de l'auto-dénigrement, de la haine de soi, etc. Pour faire bref et rapide, on peut dire qu'ils sont tous les deux, aux yeux des progressistes de profession, de fieffés réactionnaires, assurés que l'humanité court à l'abîme et qu'elle s'y précipite en chantant d'une seule voix des hymnes à l'avenir radieux et aux lendemains chargés de paix et de lumière.

L'affaire devient plus problématique dès que sont abordées les causes de ce naufrage européen, et donc français en premier lieu. Chez Camus, l'immigration et ses effets délétères – pour ne pas dire mortifères – tient on le sait une place centrale. Non pas qu'il fasse des immigrés eux-mêmes une sorte de bouc émissaire commode en les chargeant de tous les péchés, encore moins par "racisme", mais parce que l'indifférenciation rapide de tous les êtres humains, leur brassage perpétuel, leur uniformisation radicale (appelée désormais "diversité") lui semble être sinon la cause de cette déculturation qu'il observe et dont il pointe inlassablement les symptômes, mais son plus formidable accélérateur, ce qui fabrique le malheur de tous, aussi bien des populations hôtes que de ces déracinés que l'on déverse jour après jour sur nos côtes, en les assurant d'un "paradis pour tous" que nous sommes hors d'état de pouvoir leur offrir bien entendu ; et que nous n'avons, du reste, pas de raison particulière de leur devoir.

Passant chez Philippe Muray, qu'observe-t-on ? La disparition soudaine de l'Immigré qui, en tant que symbole, ne tient absolument aucune place dans sa vision du monde occidental et de ses transformations. L'islam pas davantage. Le principal danger qui nous menace, qui a déjà commencé de nous dissoudre, et sérieusement, s'appelle chez lui Festivus festivus. Pour le dire très vite, c'est un jeune homme casqué et monté sur rollers, qui aime Bertrand Delanoë et consulte chaque matin son reflet dans son miroir magique afin de s'avoir s'il est toujours le merveilleux humaniste qu'il est bien assuré d'être. C'est l'homme pour qui et par qui les violences et les soubresauts de l'Histoire vont se dissoudre dans la fête généralisée. Lorsqu'il ne "fait" pas la fête, Festivus festivus réclame des lois pour faire taire toute voix un tant soit peu dissonantes de la sienne - des voix dont on entend également l'écho lancinant chez Camus, en particulier dans son Communisme du XXIe siècle.

En fait, tout se passe comme si la pensée de Muray se déployait en aval de celle de Camus, comme s'il venait après lui ; comme si tous ce que celui-ci croit voir se produire était pour celui-là advenu ; comme si Festivus festivus avait déjà résorbé les dernières tensions, les ultimes violences entre les hommes ; comme si toute haine, tout ressentiment, toute tension historique étaient à jamais dissouts dans l'acide festif. Philippe Muray semble assuré d'une chose : l'individu post-moderne (Festivus festivus, donc) a vaincu le catholicisme, de la même manière il viendra à bout de l'islam. (L'obsession névrotique des "jeunes" des banlieues pour les marques et leur véhicule obligé, la thune, semblerait d'ailleurs lui donner raison.) Peut-être pourrait-on résumer, sur ce sujet précis, la pensée de Muray en citant la dernière phrase de son Chers Djihadistes, sorte de lettre ouverte parue quelques mois après les attentats du 11 septembre 2001, et qui se clôt par ses mots : « Nous vaincrons parce que nous sommes les plus morts. »

Une mort, la nôtre, la nôtre en tant qu'Européens, que Muray semblait tenir pour assurée, presque avérée même, et à laquelle Camus ne peut ou ne veut encore se résigner. Mais dont ils constatent tous deux, par des chemins différents, qu'on nous la présente chaque jour comme hautement désirable.

Finalement, les différences entre les deux écrivains ne sont peut-être que de surface, au regard de l'enjeu. Chez Renaud Camus, l'indifférenciation générale, la transformation planétaire de l'Autre en Même (qui ne peut, nous renseignent Hobbes et René Girard, que déboucher sur une violence indistincte et globale) amènera nécessairement le dépérissement puis la mort de la culture ; chez Philippe Muray, c'est la Fête qui se chargera de la besogne. Dans un cas comme dans l'autre, il semble temps de replier les gaules.

61 commentaires:

  1. Sur ce sujet, et sans trancher entre Muray et Camus, je viens de trouver cela sur Wikipedia…

    "Personnages célèbres
    • nés en Île-de-France
    Moyen Âge -- Nicolas Flamel
    XVIIe -- les Cassini - Nicolas Fouquet - Louis XIII - Louis XIV - Malebranche
    XVIIIe -- Victor Emmanuel Leclerc - Lavoisier - Louis XV - Louis XVI - Marivaux - Voltaire
    XIXe -- Évariste Galois - Stéphane Mallarmé - Édouard Manet - Émile Zola
    XXe -- Catherine Deneuve - André Malraux - Édith Piaf - Jacques Prévert - Louis-Ferdinand Céline - Maurice Utrillo - Jean Cocteau - Arletty - Louis Aragon - Hervé Vilard - Richard Anconina - Thierry Henry - Rédouane Bougara - Elsa - Alain Delon - Jamel Debbouze -"

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  2. Comme dirait l'autre :«ça» parle très fort...

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  3. Le lot de consolation, c'est qu'on constate une nette recrudescence, à notre époque, des personnages célèbres ; c'est rassurant pour l'avenir.

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  4. Je ne dis trop rien de Camus ou de Muray. Juste que le progressiste peut partager exactement les mêmes constats (je ne parle pas pour moi) et simplement croire en la possibilité de redresser la barre.

    Le catalogue que NV nous propose ne dit rien. C'est même d'une confondante idiotie. Et je ne vous trouve pas bien finaud de dire que "ça vous parle". Chaque époque a ses médiocres et ses génies. Dans un premier temps, elle a le nez sur eux, donc elle ne parvient pas vraiment à faire le tri. Les siècles passant, la Mémoire ne garde que ceux qui méritent postérité.

    Combien de dramaturges lourdingues, de poètes imbéciles, d'écrivains bidons ont connu de leur vivant le feu joyeux de la célébrité pour périr dans un oubli mérité ?

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  5. Dorham, vous vous moquez ! Même en ayant, comme vous dites, "le nez sur l'époque", on ne peut penser un seul instant que des Vilard, Anconina, Thierry Henri, Rédouane Bougara (???), Elsa ou Debbouze resteront comme des "personnages célèbres" du XXe siècle !

    Ou alors, peut-être que si, malheureusement...

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  6. Oui, oui, bien sûr. La distance, le recul, tout ce que vous voulez.
    M'enfin, quand même... Louis XIV et Jamel Debbouze...

    Et puis j'ai un peu de mal à penser que le problème de ce catalogue, effectivement d'une confondante idiotie, soit, s'agissant des personnages vivants naturellement, qu'il n'arrive pas à faire le tri entre les médiocres et les génies...

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  7. Sinon, je crois pas qu'un progressiste puisse faire ce type de constat, en tout cas aujourd'hui. Pour la simple raison que c'est toujours au nom du progrès, de la tolérance, de la fraternité, etc., que se produisent ces horreurs décrites par un Muray ou un Camus (et un certain nombre d'autres, d'ailleurs).

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  8. NV me semble avoir raison (dans son second commentaire), et c'est pour cela que je disais que "ça" parlait : le simple fait qu'on ait pu avoir l'idée d'aligner ces noms en dit déjà énormément – non pas sur la capacité de l'époque à produire de vrais grands personnages, mais sur sur ce qu'elle considère comme des grands personnages, des gens méritant d'être cités.

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  9. Cultivons-nous.

    "Rédouane Bougara, (26 avril 1972 à Saint-Germain-en-Laye (Yvelines-7 janvier 1998 Los Angeles) est un champion de kick boxing et de boxe thaï. A Pontoise, son nom a été donné à l'ancienne Avenue de Normandie.

    Il grandit dans le quartier des Louvrais à Pontoise, Val-d'Oise. Après avoir pratiqué le football pendant son enfance et adolescence il se tourne vers les arts martiaux, il débute le kick-boxing en 1990 au Cobra Kick-Boxing Club de Cergy-Pontoise.

    Il cumule plusieurs titres de champions de France, d'abord en amateur, champion de France de kick boxing des moins de 70 kg en 1993 puis en semi-professionnel, champion de France en 1994, puis enfin en professionnel en 1995. La même année il termine 4e du championnat du monde amateur WAKO à Kiev. En 1996 son palmarès compte le championnat de France de boxe thaï puis celui d'Europe et une place en finale du championnat du monde dans la même spécialité à Tokyo.

    En 1997, après une victoire au championnat d'Europe de boxe thaï et une seconde place au championnat nord-américain de kick-boxing à Los Angeles il est sacré champion du Monde de kick-boxing à Los Angeles. Ce titre se dispute en 3 manches de 12 reprises chacune, la seconde manche se tiendra en octobre 1997 et la dernière le 3 janvier 1998. Lors de cette rencontre Rédouane fait face à un Russe, Malik Berbachev. À la 11e reprise, l'arbitre arrête le combat. Lors du retour aux vestaires, Rédouane est pris de malaise et tombe dans le coma, il meurt le 7 janvier d'une hémorragie cérébrale."


    Comme dirait Renaud Camus:"Brrrrr..."

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  10. Fassiste !
    Pour une fois que je voulais jouer.
    (Cette intervention n'appelle aucune réponse)

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  11. Pascal : c'est dans le billet précédent qu'on jouait, de toute façon !

    Ce commentaire de commentaire n'appelle pas de réponse de réponse.

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  12. NV : je comprends mieux pourquoi j'ignorais tout de ce pauvre garçon : ma culture sportive est des plus étiques, je l'avoue.

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  13. Je suis assez d'accord avec l'idée de "l'homo festivus". J'ai d'ailleurs le livre de Murray sur une étagère, pas encore lu.
    J'avoue que c'est vous qui m'avez fait réfléchir sur la question, y compris dernièrement avec votre commentaire sur les photos de manifs.
    J'ai cependant des nuances : premièrement, rejeter la société dans ce qu'elle devient (une fête obligatoire), ok, mais où est la frontière avec le vieux grincheux, le besoin de silence et d'intériorité accentué par l'âge, la misanthropie pure en quelque sorte ?
    Et deuxièmement, vous mettez cette évolution sur le dos du "progressisme", et pour moi ça n'a pas de sens.
    C'est un peu comme taxer telle ou telle guerre de progressiste, accuser le climat d'être de gauche ou de droite, ou prêter des origines idéologiques à la bêtise.
    La fête obligatoire, telle que je la perçois, relève bien plus de l'abrutissement des masses. Imaginez un romain n'aimant pas les jeux du cirque ... Quel réac ...
    Phénomène de masse, la fête obligatoire tiendrait bien plus son origine et dans le profit qu'elle apporte à certains (dans le sens "profiter") et dans une espèce de réflexe presque existentiel, pour qui est dans l'évidence de la masse.

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  14. Audine:Il me parait un peu simpliste de considérer qu’au sein de la société romaine, les partisans des jeux du cirque étaient des « modernes » et leurs adversaires des « vieux réacs ». D’abord, et tout bêtement, parce que c’est le christianisme, qui sera l’avenir de l’empire romain jusqu’en 1453, qui a mis fin aux combat de gladiateurs. Ensuite parce qu’au sein même des cercles païens, la question est discutée et que se révèle une ligne de fracture qui ne colle pas trop avec la distinction Moderne/Réac. Marc-Aurèle qui n’était pas une vielle dame effrayée par la vue du sang n’avait pas trop de goût pour ce spectacle. Sénèque aimait bien, lui, mais reconnaissait que tout cela ne collait pas trop avec sa morale philosophique. Globalement, les lettrés stoïciens y assistaient, en tordant un peu le nez parce que c’était un spectacle populaire et non parce que c’était un spectacle moderne. Les chrétiens eux-mêmes ont des raisons complexes (l’hostilité aux spectacles, la douceur évangélique, le dogmatisme du sixième commandement…) pour s’y opposer. Mais globalement, l’interdiction des jeux du cirque trouve sa source dans une conception universaliste de la morale qui est une conception moderne. J’admets que tout cela est très schématique et je recommande à tous le chapitre que consacre à cette question Paul Veyne dans L’empire gréco-romain (Le Seuil 2005).

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  15. Non,
    c'est vous qui vous moquez...ne me prenez pas pour un con svp...

    Je ne dis pas que Hervé Vilard et Villon, c'est équivalent...n'importe quoi ! Où ai-je dit ça ?

    (il est possible, allez, que je me sois mal exprimé)

    Ce que je dis, c'est que le principe même de l'époque contemporaine, c'est que s'y marient médiocrité et génie.

    Au 18e siècle, il y eut des médiocres fameux, de vraies célébrités. Si à cette époque, on avait créé une liste de "célèbres" nés en Ile de France, le nom de Voltaire aurait sans doute côtoyé ceux de célébrités sans génie ni talents. Ce qui aurait pu vous faire dire : quelle époque médiocre...

    A chaque époque, dans un premier temps, on a célébré des individus qui ne le méritaient pas avant de les oublier.

    On oubliera donc les Debbouze, les Vilard, les Anconina, comme on a oublié tant et tant de vedettes vénérées puis oubliées à juste titre.

    Et dans 200 ans, nous n'aurons plus dans cette liste que Céline, Prévert, Aragon. Vous comprenez ? Dans 200 ans, seule la liste contemporaine correspondante aura ce mariage de génie et de fumeuse célébrité. C'est histoire de cycle. Nous ne pouvons rien ignorer de notre époque, c'est ce qui la rend toujours si terrible.

    Je ne saisis même pas comment, intelligent comme vous êtes, vous ne comprenez pas ça (mais je crois plutôt que vous feignez).

    ---

    NV,

    Manifestement, vous devez être un peu idiot. Quelle comparaison : Louis XIV et Jamel Debbouze ? ça vous semble parlant ? Un Roi absolu, comparé à un comique de télévision ?

    Vous ne voulez pas comparer De Gaulle et un ménestrel de la cour d'Aliénor d'Aquitaine ?

    Tiens, vous avez l'air un peu obsédé par les sportifs. Certes, nous les vénérons alors qu'ils ne sont presque rien.

    Les castrats, vous le savez peut-être étaient aussi vénérés aux 18e et 19e siècles. Ils n'étaient que bêtes de foire et pourtant, toutes les cours européennes les célébraient.

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    Audine,

    L'idée de Muray est intéressante, j'y ai pensé, elle semble vraie, mais en réalité, si on réfléchit un peu, on peut aussi se dire que toutes les époques ont leurs penchants décadents. Pensons à l'Empire Romain et à ses licences. Pensons au libertinage français. N'était-ce pas des époque marquées par l'idée de fête permanente ?

    Plus je réfléchis à tout cela plus je me dis que l'humanité ne fait jamais que répéter les mêmes erreurs, ne fait qu'ignorer ses mêmes carences. Et, il suffit de lire certains auteurs (Huysmans par exemple) pour se rendre compte que nous ressassons les mêmes débats.

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  16. D'ailleurs, je me permets d'ajouter que cette liste est absolument contemporaine.

    Quand elle dit "personnage célèbres", elle fait contresens. Elle devrait dire "personnages célèbres à ce jour". Car, il va de soi, que dans une liste de personnages célèbres où l'on retrouverait du génie à la tonne, on trouverait pas mal d'individus non célèbres de leur temps.

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  17. je suis d'accord avec Didier Goux, Muray croyait que l'Islam serait englobé et digéré par la fête mondiale qui n'est en fait qu'une petite kermesse de village, une étincelle face au cyclone islamique qui s'annonce.
    Muray souffrait de son aveuglement parisianiste. Il avait une belle prose superbement travaillée, et trés séduisante et jubilatoire mais avait des oeillères aussi: il était trés festif.
    N'en déplaise à certains: festivus festivus c'était lui.

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  18. Mais pourquoi donc plus Delon, Elsa, que Julien Clerc, Philippe Risoli ("chanteur de manière anecdotique" comme c'est dit sur la fiche) ou Françoise Hardy ? Sur quel critère cette liste participative et conne dévoilée par NV a-t-elle été établie ?
    Est-ce que ce n'est pas, comme dit Didier, selon le point de vue progressiste, des gens "méritant d'être cités" également ? La zéro exclusion et le culte du "machin ou truc est un droit" produit de la bouillie caca d'oie, à vous dégoûter de l'idée même de la liberté.

    Au moment de l'élection d'Obama, j'ai entendu un journaliste qui disait que la couleur n'existait plus. Je n'étais pas au courant. Comme quoi, heureusement que les journalistes sont là pour nous apprendre tout plein de trucs nouveaux.

    Ce soir, dans la rue où habitent mes parents, je croise une affiche hostile, la pub cheap du papier gratos 20 Minutes : "L'information est un droit". J'ai bien rigolé mais j'ai trouvé cela déroutant. Dans le fond, je n'ai pas compris ce que cela signifiait.

    Je me sens moins seule dans mon ignorance, Didier, lorsque je vous lis.

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  19. NV : merci pour votre éclairage (et je note la référence bibliographique).
    Mais en fin de compte, en montrant qu'on ne peut distinguer modernes / progressistes suivant leur goût pour la "fête", et que le goût ou non pour la "fête" est du plutôt à des raisons religieuses, vous venez bien étayer ce que j'ai écris non ?

    (je ne sais pas pourquoi, j'ai une passion pour l'empire romain, en ce moment)

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  20. Je crois que Murray et Camus sont en révolte, non pas contre le monde tel qu'il est (il livre tellement de splendeurs anciennes ou modernes, (art, santé, progrès techniques etc.)en même temps que des scories bien entendu, mais de toute façon il n'y a pas d'autre monde possible) mais contre l'image qu'ils se font de ce monde, image qu'ils exploitent souvent, hélas, à des fins purement littéraires. Ils sont imprécateurs par principe littéraire.

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  21. Audine : Quel Muray avez-vous ? Si c'est Festivus festivus, son dernier livre (entretiens avec Elisabeth Lévy), il me semble peu judicieux de l'aborder par celui-ci. Préférez Après l'Histoire 'Tel, Gallimard).

    Pour ce qui est de la frontière, elle est évidemment floue, progressive, et surtout fonction de l'appréciation de chacun. Peut-être même n'existe-t-elle pas.

    Pour ce qui concerne les jeux du cirque (et là, je rebondis sur NV, si je puis dire), il faut aussi considérer que paraître à ceux-ci (et, mieux : en offrir) était quasiment indispensable pour tout citoyen romain qui, peu ou prou, avait besoin des suffrages du peuple. Un peu comme, de nos jours, les hommes politiques se sentent tenus d'assister à tel ou tel match de football important.

    D'autre part, je ne crois pas que l'on puisse expliquer la fête par le seul profit de quelques-uns.

    NV : merci pour ces précisions, fort justes si je me souviens bien de mes lectures de Veyne...

    Dorham : je sais très bien que vous ne mettez pas Vilard et Villon sur le même pied ! PERSONNE ne le fait, du reste, dans la mesure où les gens qui aiment Vilard doivent le mettre bien plus haut que Villon, et même peut-être tout ignorer de ce dernier.

    Du reste, il est inutile de vous énerver : je comprends parfaitement ce que vous dites, et même je suis d'accord avec vous (quant au "tri" que font les époques suivantes dans nos "gloires). Du reste, dans 200 ans, je doute que l'on trouve dans cette liste Prévert ni même Aragon, mais c'est une autre histoire. Le problème est que je parlais d'autre chose, à savoir de l'image que notre époque se faisait d'une "célébrité". Mais je pense qu'on a tort de buter là-dessus. Après tout, cette liste n'a pas pour but de porter un jugement de valeur sur les gens cités, il s'agit tout au plus d'un répertoire de guide touristique, non ?

    En revanche, vous avez grandement tort concernant les castrats : ils n'étaient nullement des "bêtes de foire", mais de grands artistes, comme peuvent l'être les chanteurs d'opéra de nos jours, et même bien davantage dans certains cas.

    Quant aux troubadours d'Aliénor, c'était (pour ceux qui nous sont parvenus bien sûr) de magnifiques poètes et non simplement des brailleurs de micro.

    Pour ce qui est de la fête, vous méconnaissez une différence essentielle (au moins aux yeux de Muray à qui je vous renvoie) : jusqu'à notre époque, la fête était l'exception (même si elle revenait souvent), une rupture dans le courant normal des jours, une transgression, pour tout dire. Aujourd'hui, elle est en passe de devenir la norme, l'état normal, un droit, voire une obligation.

    Crounsh : Tout d'abord, soyez le bienvenu ici. Vous semblez tenir pour assurer que Muray a d'ores et déjà perdu (face à Camus, pour le dire vite) : qu'est-ce qui vous permet d'être aussi affirmatif ? Et je vois mal en quoi Muray était particulièrement "festif"...

    Albertine : il s'agit de "célébrités" nées en Ile-de-France ; d'où l'impression d'arbitraire...

    Audine encore : votre distinction Modernes / Progressistes me paraît curieuse...

    Henri : je ne suis pas d'accord avec vous. Et surtout pas avec l'idée que "de toute façon il n'y a pas d'autre monde possible". Du reste, je crois que Muray ne se voyait guère en "révolté", mais plutôt comme un analyste, un observateur du changement.

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  22. Didier, je ne veux bien évidemment pas contester la qualité littéraire de Renaud Camus que je lis souvent avec délectation, mais sur le fond, de ces inconvénients du monde, de ces défauts, ou de ces horreurs, les grands écrivains des siècles passés en faisaient un ridicule et non la fin d'un monde, c'est cette éxagération-là qui me gène, cette idée assez orgueilleuse finalement que le monde dans lequel on vit serait le seul ou le premier dans l'histoire de l'humanité à être si exemplairement catastrophique, si définitivement appauvrissant.

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  23. Henri : vous avez raison, au sujet de ce "prisme déformant" qui nous pousse à croire qu'avant nous le monde était immobile de toute éternité et qu'il se met brusquement à muter. Mais est-ce que cela interdit de pointer (ou de tenter de le faire) les vraies cassures dans ce changement perpétuel, et de tenter d'en tirer toutes les implications – au risque de se tromper, bien entendu ?

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  24. Didier,

    Je ne m'énerve pas vraiment. Allons, vous le savez bien.

    Je conviens que les castrats et troubadours sont peut-être d'une autre trempe. Pour les castrats, permettez-moi quand même d'être saisi de quelques doutes, surtout si l'on considère qu'ils furent bien souvent les "objets", les "véhicules" de musiques particulièrement affectées, lourdes et de très mauvais goût. Les grands compositeurs les exécraient pour la plupart.

    Si je peine à trouver de plus éclatants exemples, c'est que je ne suis pas assez sépcialiste de la question. Cela dit, un spécialiste du 18ème (c'est un exemple) pourrait sans problème nous dresser d'épaisses listes de personnages très célèbres et très médiocres. (tiens, combien de Jourdain ont traversé les siècles avec bonheur ?)

    J'ai cité les troubadours parce que cela me semble complètement absurde de comparer Louis XIV et Jamel Debbouze. Ce sont quand même deux existences sans rapport aucun.

    Je ne sais pas, on pourrait comparer Karoutchi et Alexandre le Grand... Ne me dites pas que ce genre de comparaison est parlante tout de même...

    Pour le reste, en effet, la croissance exponentielle des médias accentue le vedettariat. Je maintiens néanmoins : à chaque époque ces petites vedettes médiocres. A chaque époque ses bouffons. A chaque époque ses bêtes de foire. Tout le bon goût ne s'est pas dilué avec le temps qui passe. C'est assurément faux.

    En revanche, il est sans doute vrai de dire que l'Europe baigne dans une culture semi-morte. Je crois que c'est davantage un effet du confort.

    Tout à été dit et nous ne savons plus comment le dire autrement. De plus, nous n'aérons pas, nous continuons à ressasser les mêmes idées, à haïr les genres, notre snobisme nous sclérose.

    Ce n'est pas le peuple qui s'est appauvri intellectuellement (c'est peut-être même le contraire), c'est notre élite qui vit en rentier paresseux d'un héritage glorieux.

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  25. Où ces "élites" sont particulièrement répugnantes, me semble-t-il, c'est qu'en effet elles vivent très confortablement sur l'héritage, mais que, désormais, elle proclament que, cet héritage, celui de la "France moisie" chère à ce connard malfaisant de Sollers, il convient de le brader au plus vite.

    C'est pour cela que je m'épuise à dire (enfin, n'exagérons rien...) que je n'ai strictement rien contre les immigrés eux-mêmes, les immigrés en tant que personnes, mais beaucoup contre ces élites qui font croire, à eux comme à nous, que tout va bien, que tout va même aller pour le mieux, qu'il n'y a pas de problèmes de ceci ou de cela, que c'est "dans notre tête de franchouillards", etc.

    Ces gens sont de malfaisants irresponsables. Et, dans un autre sens, parfaitement responsables.

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  26. Au moins partageons-nous ce dégoût là. Sollers, bien sûr, mais aussi, toute cette académie française, ce cénacle éteint de vieillards abrutis à qui il suffit de prononcer les noms de Voltaire ou de Racine pour se sentir dédouané.

    A la limite, je me demande même si la dilapidation de l'héritage ne serait pas une bonne chose. Redevenir un peuple sans histoire peut permettre de tout recommencer. Si la culture américaine est si féconde, c'est qu'elle est amnésique, si le jazz est né, c'est aussi parce que le peuple noir a été coupé de toutes ses racines et qu'il s'en est inventé d'autres.

    Si leur littérature est si diverse, c'est qu'elle répond à une urgence, à une violence terrible et immédiate, qu'aucun code n'a encore véritablement été érigé. Que l'on peut célébrer le passé mais aussi lui cracher à la gueule sans craindre de représailles de ces vieux gardiens du temple défraichi.

    Ce que je ne peux partager avec Camus et Muray, c'est le regret de ce monde là, précisément parce que c'est son écho qui nous rend sourds (son écho mensonger, je le précise). Plus rien n'est possible sur le socle de ce monde là. L'Europe est comme le Parthénon, on peut le rénover, le rebatir, ce ne sera jamais qu'une ruine d'un temps béni mais mort, à laquelle on aura aggloméré de la pierre sans gloire.

    Il n'y a plus rien à brader !

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  27. Dorham : Je ne vous suis pas du tout, quant à l'Académie, dont vous donnez ("vieillards abrutis") une caricature convenue, à peu près du même tonneau que Benoît XVI = SS, Vatican = Opus Dei, etc.

    On ne peut pas redevenir un peuple "sans histoire", dans la mesure justement où "peuple" sont nés ensemble, l'un de l'autre, l'un par l'autre. Et on peut encore moins "tout recommencer". On peut en revanche commencer autre chose ; devenir autre chose. Et c'est précisément ce que Camus et Muray (avec bien des divergences entre eux, qu'il faudrait analyser moins grossièrement que je ne l'ai fait) disent. Le premier le déplore, le second pratiquement pas. Du reste, Muray récuse l'étiquette de "réactionnaire", affirmant qu'il n'y a pas grand-chose à regretter des temps anciens, et que, de toute façon, ça ne sert à rien de se vautrer dans la déploration.

    Du reste, Renaud Camus est-il réactionnaire, lui dont certains livres (les "Églogues") montrent la filiation directe entre lui et des gens comme Barthes ou Ricardou, les "papes" de la littérature dite moderne, lui qui est féru d'art et de musique contemporains, etc. ? Mais il est vrai que, à côté de cela, la nostalgie du monde ancien est forte et agissante.

    Il n'empêche que, d'une certaine manière, encore une fois, ces deux écrivains sont d'accord avec vous sur le constat : le monde est en train de devenir "autre chose", et rien ne le fera revenir en arrière. La différence est peut-être que vous vous en accommodez, voire vous en réjouissez et qu'un Camus ne peut tout au plus que s'y résigner.

    Quant à la culture américaine, je pense que vous vous trompez en partie : elle n'est nullement amnésique de ses origines (voir Henry James par exemple, et bien d'autres), elle est en gestation, ou dans son très jeune âge, si vous préférez. C'est-à-dire que si les Américains savent bien ce qu'ils doivent à l'Europe, elle ne les entrave pas dans la mesure où ils n'en sont que les héritiers, pas les continuateurs. De même (un "de même" avec des tas de bémols, bien sûr) que nous procédons de la culture grecque, mais de façon indirecte – encore une fois plus par héritage spirituel que par la charge de continuer à la faire vivre.

    (Vous noterez que, pour un blogueur ayant officiellement annoncé qu'il répondrait désormais moins aux commentaires, je commence assez bien...)

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  28. Et, à propos, Renaud Camus est officiellement candidat à l'Académie française, au siège de Maurice Rheims...

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  29. Dorham : Je ne sais pas si je suis un peu idiot, mais en tout cas je dois avoir le don de mal me faire comprendre. Voilà maintenant que « je » compare Louis XIV et Jamel Debbouze (Vous semblez d’ailleurs être le seul à m’avoir compris ainsi !) Et que je suis obsédé par les sportifs… J’ai appris hier qui était ce M. Bougara. (Dîtes le ballon ovale c’est le foot ou le rugby ? j’ai oublié…) .L’intéressant, ce n’est évidemment pas le contenu de cette liste mais le fait même que quelqu’un ait pu l’établir…Et la mettre sur un truc à l’allure solennelle qui s’appelle « Portail de l’ile de France ». Je ne crois qu’on puisse comparer Karoutchi et Alexandre le Grand (finalement quand j’y pense… je plaisante…) mais une telle comparaison, si elle était faite, en dirait beaucoup sur son auteur. Et puis vous m’embêtez avec vos « vous ne pouvez pas comparer… ». Je vais comparer Visconti et le céleri rémoulade : je préfère Visconti au céleri rémoulade. Na !

    Le problème n’est pas que les époques passées aient pu manquer de recul et mettre dans le même sac des génies et des médiocres (on connait le célèbre « Nous avons cherché à engager M. Telemann, mais nous n’avons pu avoir que M. Bach), c’est d’une part que je ne suis plus sûr que notre époque dispose encore des critères permettant d’établir une telle hiérarchie, et d’autre part que je cherche en vain les génies contemporains, j’ai bien dit contemporains (j’ai aussi dit génies), qui partagent le sac des médiocres contemporains… Il n’y avait pas dix justes dans Sodome. Il n’y a probablement pas dix artistes vivants dont on reparlera dans cent ans, soit que ces artistes n’existent tout simplement pas, soit que le fonctionnement de la société moderne les prive de tout moyen de passer à la postérité. Finalement, soyons bathmologiques, et si la liste avait RAISON ?

    Quant aux castrats, Haendel considérait que Carestini était le meilleur chanteur de son époque, et il devait s’y connaitre… Et Farinelli était un interprète de première catégorie, un mécène, collectionneur, directeur de théâtre… Un peu différent d’Hervé Vilard.

    Albertine : Mais je ne sais pas sur quel critère cette liste a été établie ! Vous pensez qu’il peut y avoir des critères quelconques permettant d’établir une liste pareille ?

    Audine : Dans un certain sens vous avez raison, l’explication se trouve peut-être dans le rapport entre fête et religion, mais cela doit dépendre quand même des religions. Il y a un problème majeur avec les monothéismes et leurs aspirations à l’universel, qui s’accommodent mal des débordements individuels et collectifs liés à la fête. Sans compter leurs rapports un peu particuliers au plaisir.

    Didier : Les élites dont vous parlez seraient effectivement criminelles s’il y avait encore quelque chose à sauver. Mais tout cela n’a sans doute plus aucune importance. D’ailleurs, je ne suis pas sûr qu’il faille se placer sur le terrain de la responsabilité. Nous nous trouvons face à une tendance historique, qui a son origine dans l’histoire de la pensée. En prenant son autonomie par rapport aux récits traditionnels, la pensée moderne – elle ne pouvait pas faire autrement - a détruit les points fixes, les critères communs, qui permettaient d’établir des hiérarchies entre les valeurs et la possibilité même de valeurs. Les points fixes d’autrefois ont définitivement disparu, et ils ne seront pas remplacés. Sur ce point, j’aurais tendance à renvoyer dos à dos les nostalgiques du retour à Dieu- ok cela avait de la gueule, mais quand c’est fini, c’est fini- et les crétins humanitaires. Il ne reste plus que la bouillie de l’indifférenciation et la brutalité des rapports de force. Et mettre cela sur le compte de Sollers est certainement lui faire trop d’honneur…

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  30. NV : il va de soi que Sollers n'était là qu'à titre d'exemple, voire d'exempluscule. Qu'il soit vain de vouloir revenir en arrière, de prétendre actionner l'ardoise magique, nous en sommes d'accord. Ce qui est horripilant, c'est cette obligation (et de plus en plus "obligation pénale") qui nous est faite de :

    1) ne pas nous apercevoir des bouleversements en cours,

    2) nous en réjouir bruyamment.

    Peut-on vivre dans une aporie aussi violente ?

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  31. Dites qu'on s'amuse ! disait Jean Puyaubert...

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  32. Didier,

    Vous avez peut-être raison. En tout cas vous avez raison quand vous mentionnez l'impossibilité d'un peuple à tout détruire. C'est l'évidence, comme d'habitude, j'essayais de raisonner dans l'absolu (je ne sais pas faire autrement), ce qui conduit nécessairement à décliner des idées possibles mais hautement improbables.

    Là où vous avez tort, c'est que je ne m'accomode nullement (m'en réjouis encore moins) de tout cela. J'ai l'air d'un fou qui danse à poil sur des ruines à peine fumantes ? Simplement, plutôt que de vociférer, je préfère songer. Peut-être finirais-je misanthrope mais nous n'en sommes pas encore là.

    Je me dis que la vie d'un peuple n'est peut-être (peut-être, j'ai dit) pas différente de celle d'un homme, que tout cela est affaire de phases. Puis ensuite, il y a la mort. C'est ainsi. Je ne me réjouis pas des morts, mais j'accepte cette fatalité.

    Ailleurs, d'autres naissent. Et c'est ici que je me réjouis. (Se réjouir d'une naissance n'implique pas que l'on soit heureux de la mort d'un autre, vous en convenez ?) L'Histoire n'est plus ici. Qu'y faire ? Tant pis ! Ceux qui se cramponnent aux choses mortes m'agacent bien plus que ceux qui passent à autre chose. Et réacs comme anti-réacs me semblent logés à la même enseigne sur ce point là. Je ne me sens proche ni des uns, ni des autres...

    Vous savez que je suis en quelque sorte entièrement tendu vers l'universel (je suis une saleté de catholique, vous le savez) donc je ne m'attriste pas en constatant que la vie se déplace, je m'interroge sur le bien fondé de me déplacer avec elle, vous voyez.

    Ce qui est drole, c'est que mes origines remontent à une culture morte 50 ou 100 ans plus tôt que celle qui nous occupe. C'est donc intégré chez moi.

    En revanche, je préfère la résistance aux plaintes. Oui. Naturellement.

    ---

    NV,

    Fort bien, je préfère quand vous développez, vous paraissez tout de suite moins bête. Ce n'est pas que vous avez l'art de vous faire mal comprendre, c'est que dans un premier temps, vous avez tout fait pour ne pas que l'on vous comprenne.

    Tout ce que vous dites n'est pas faux, mis à part (j'insiste) ce besoin de comparaison qui me semble infantile. La comparaison est bien utile, souvent, mais je lui préfère (et de très loin) la distinction.

    A force de comparer, on agglomère, on cuisine sa propre bouillie. Je ne vous le reproche pas, vous mangez ce que bon vous semble, ce que je vous reproche c'est de proposer votre gombo à tout le monde.


    Pour le reste, vous doutez de la capacité des gens à établir une hiérarchie.

    Mais...sur quelles bases vous appuyez-vous ? Je veux dire, mis à part cette liste idiote.

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  33. NV : Quelle belle figure, que celle de Puyaubert ! J'attends toujours, et je ne dois pas être le seul, que Renaud Camus se décide enfin à lui édifier un "tombeau", comme il en a plusieurs fois exprimé la (vague) intention.

    Dorham : Que les peuples meurent, c'est l'évidence, bien sûr. Mais c'est une chose, il me semble, de le savoir dans l'absolu, par l'étude de l'histoire, et une autre de s'aviser soudain que c'est précisément en train d'arriver à son propre peuple. On se résout moins facilement, du moins moi. Surtout si, en plus, on me force plus ou moins à chanter avec les autres Tout va très bien, Madame la Marquise.

    D'autres naissent ailleurs et vous vous en réjouissez ? C'est votre droit : moi, je m'en fous. D'autant que ce que je vois naître, ce n'est pas d'autres peuples (personne n'est à même, l'espace d'une vie, de voir naître un peuple ; d'ailleurs un peuple naît-il ?), c'est un brassage sans précédent, signifiant la mort à terme de TOUS les peuples existants – et, donc, ce que Muray appelle après d'autres la fin de l'Histoire, et non son "déménagement" ailleurs.

    Pour ce qui est de la tension vers l'universel, corollaire de votre catholicisme, je le comprends parfaitement. Mais je me souviens aussi que Jésus a recommandé de rendre à César ce qui lui appartenait en propre, et je crois bien qu'il parlait là des affaires terrestres.

    Pour ce qui est de votre différend avec NV, je pense qu'il tient en partie au fait que vous envisager le verbe comparer dans un sens fautif, je veux dire dans son acception courante actuelle qui veut que lorsque l'on compare deux choses, on les assimile plus ou moins l'une à l'autre, on sous-entend qu'elles sont plus ou moins similaires. Vous dites que vous préférez la distinction ? Fort bien ! je suis certain que NV ne pense pas différemment. Sauf qu'il sait, lui, que comparer deux choses (deux personnes, deux idées...) est l'unique moyen de parvenir à les distinguer, et même à les discriminer, pour employer dans son véritable et noble sens un mot tarte-à-la-crème de l'époque.

    Pour le reste, il répondra lui-même s'il le souhaite.

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  34. Dorham : j'ajoute que je ne comprends pas bien ce que vous entendez par "résistance" à quoi ? Nous subissons, et de plus en plus chaque jour, un véritable pilonnage idéologique afin de faire entrer dans tous les crânes la soumission au "nouvel ordre des choses" (France métissée, "diverse", bienfaits de l'Union européenne, etc.)Est-ce qu'il n'y aurait pas là un beau motif à "résistance" ?

    Mais, évidemment, quand il s'agit de se faire une belle âme à peu de frais (et, là, je ne parle plus du tout de vous !), il est plus aisé de "résister" au fascisme, au ventre fécond, à Le Pen (le pauvre, dans l'état où il est...), au racisme, à l'intolérance, à l'Opus Dei, au pape, à Sarkozy... (liste non limitative)... bref : à la franchouillardise.

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  35. "Sauf qu'il sait, lui, que comparer deux choses (deux personnes, deux idées...) est l'unique moyen de parvenir à les distinguer, et même à les discriminer, pour employer dans son véritable et noble sens un mot tarte-à-la-crème de l'époque."

    J'ai dit que la comparaison était utile aussi, ne jouons pas au jeu du chat et de la souris si vous le voulez bien.

    La comparaison entre Visconti et le céleri vous permet de distinguer quoi au juste ? Et celle entre Jamel et Louis XIV ? Vous me faites marrer, il ne faut pas écrire quelque chose pour ensuite prétendre qu'on a voulu dire quelque chose de plus profond.

    Didactiquement, il convient certes : 1 - d'identifier, 2 - de définir, 3 - de distinguer (la comparaison y est certes implicite en tant qu'étape, pas en tant que fin en soi, ce sont les définitions préalables qui ont fait tout le boulot).

    Or, où voit-on quelque définition que ce soit ? Nulle part. Il n'y en a pas. On est dans le prêt à penser.

    Mais vous faites bien comme vous le sentez, je m'en fous également par ailleurs.

    (je précise que je passe à autre chose)

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  36. Didier,

    Ah, vous avez écrit un autre truc.

    Ce pilonnage, tout le monde n'y est pas forcément sensible. Moi, je trouve que vous donnez trop d'importance à tous ces gens qui recrachent ce que l'on a pensé pour eux.

    On a l'impression qu'à votre âge, vous découvrez que la propagande existe. Or, elle est partout, de chaque coté, de chaque tendance, elle nous envahit. Pour ma part, je résiste contre ça, j'essaie faiblement de ne pas lui laisser de prise. Il m'arrive d'échouer, sans doute...

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  37. Dorham : la comparaison sur laquelle vous avez buté était évidemment bouffonne, et voulue comme telle, je pense. Et, vous avez raison, restons-en là sur ce sujet. (Enfin, au moins vous et moi : les autres font bien ce qu'ils veulent.)

    Pour la propagande, je la trouve en pleine croissance exponentielle et totalement univoque. Sur le sujet qui m'occupe, il n'y a quasiment plus aucune différence entre Le Monde et Libé, ou Télérama d'un côté, et, mettons, Le Figaro de l'autre. Je ne parle pas ici des petites chamailleries sur le pouvoir d'achat ou le nombres de manifestant dans la rue, mais de sujets qui me paraissent autrement essentiels : sur ceux-là, tous les médias sont d'accord, parlent d'une seule voix, marche d'un même pas.

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  38. Oui, c'est vrai.

    Vous allez peut-être bondir mais je trouve que Marianne propose une voix qui me semble davantage discordante (c'est pas non plus des rebelles, entendons-nous bien, mais je les trouve plus libres de pensée).

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  39. Je vais vous dire, ce n'est pas l'uniformité de pensée qui me dérange que l'absence totale de réflexion.


    Je déteste l'acquis.

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  40. Dorham : Je ne reviens pas sur « comparer ». Didier a déjà tout dit.

    Sur quelle base m’appuie-je pour douter de la capacité des gens à établir des hiérarchies ? Et bien…

    D’abord sur le fait que pour établir une hiérarchie, il faut avoir des connaissances, et que dans une classe post-bac de nos jours, on trouve de gentils étudiants qui pensent qu’Henri IV a été assassiné dans sa baignoire par Marat.

    Mais surtout sur le fait que pour établir une hiérarchie, il faut la fonder, l’accrocher à un système de valeurs. Vous voulez la fonder sur quoi ? Sur le message de Dieu ? Sur les exigences de la raison ? Sur la loi morale ? Sur la défense de la vie ? Sur l’universalité de l’humanité ? La raison est une boite à outils comme une autre, la morale une accumulation de règles issues des circonstances et des rapports de force, la vie est une entreprise qui ne couvre pas ses frais (merci Arthur), l’universalité de l’humanité une vaste fumisterie, quant à Dieu… Vraiment, on m’expliquerait demain que Dieu est une grosse cafetière qui tourne autour du système solaire (j’emprunte l’image à Richard Dawkins) que cela ne me ferait ni chaud ni froid. Chacun peut bien avoir dans sa petite tête sa petite hiérarchie à lui, croire en Dieu, préférer Arnold Bax à Johnny Halliday, le bien au mal, la vie à la mort, tout cela n’a plus aucun sens collectif. Parce que l’outil intellectuel qui permettait de justifier une position, quelle qu’elle soit, a été révélé pour ce qu’il était, un simple instrument de pouvoir.

    Personnellement, je ne m’en réjouis ni ne m’en attriste. Je suis ravi que l’argent des indulgences ait permis de construire la colonnade du Bernin, mais je ne vais pas pleurer parce que Dieu a été enfin révélé pour ce qu’il est, c'est-à-dire une imposture sélectionnée naturellement au cours du processus évolutif qui a conduit l’homo sapiens sapiens. Je suis ravi que la foi en la raison humaine nous ait offert Spinoza et Kant, mais les philosophes les plus intéressants restent pour moi ceux qui montrent que la raison et la vérité ne sont que des solutions locales à des problèmes locaux. J’écoute encore Beethoven, Brahms et Wagner, mais je sais bien que l’art ne signifie rien au-delà des réactions chimiques qu’il provoque dans mon cerveau. La Tétralogie n’est qu’un gigantesque lexomil… Je pense qu’il vaut mieux avoir affaire à Mère Térésa qu’à Himmler, mais cela reste très relatif puisque de toute manière, à long terme, nous sommes tous morts.

    Je partage le point vue de Didier sur le fait que nous basculons tous progressivement dans une grosse bouillie indifférenciée régentée par la Halde, et la variante barbue n’est pas très excitante non plus. De toute manière, cela ne sera pas beau à voir. Mais j’assume la contradiction. Pour moi le moment le plus intéressant de l’humanité a été cette phase critique qui s’est déroulée entre le milieu du XIXème siècle et le milieu du XXème. C’est une phase totalement destructrice, qui a renoncé à chercher le sens du monde dans l’au-delà du monde, qui s’est intéressée à la généalogie de la morale, aux limites de la raison et à la différence entre une boite de soupe et une œuvre d’art. Cette phase était inévitable. Elle était passionnante. Je ne la regrette donc pas. Maintenant, évidemment, on a des gens qui mettent au même niveau Louis XIV et Jamel Debbouze. Faudra vivre avec. Avec du lexomil.

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  41. Eh bien, même si ça fait un peu cucul-la-praline, je tiens à remercier Dorham et NV pour cet échange que nous avons eu. On n'a sans doute pas fait avancer le schmilblick, mais, comme dirait Jean Puyaubert...

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  42. NV,

    Tiens, je parlais d'acquis. Merci de démontrer cela par la force de l'exemple.

    Tout ce que vous considérez comme "vrai", comme "démontré", comme "indubitable" n'est en fait que vague ressenti. Bref, vous bavardez, vous alignez des mots, plutôt bien d'ailleurs (c'est très agréable à lire, j'en conviens)...ça va en tromper plus d'un, moi pas.

    "L'universalité, cette fumisterie". Très bien, mais encore ? Vous avez expliqué pourquoi ? Vous seriez capable de prendre du temps pour définir ce que vous entendez par universalité (en creux, nous comprendrions en quoi il s'agit d'une fumisterie) sans aucune idée préconçue, sans "point de vue" ou opinions ?

    "Dieu dans tout ça ? Une cafetière ?" Mais encore. Parce que Nietzche a dit que Dieu était mort, que c'est écrit dans un livre, vous pensez que c'est démontré ? (êtes-vous d'ailleurs bien sûr que Nietzche ne se sert pas de Dieu comme d'un réservoir ?) Vous mentionnez Spinoza, qui s'il définit Dieu autrement qu'un croyant de base (c'est certain) ne songea pas une seconde à nier son existence.

    En bon athée, vous êtes un croyant, comme les autres. Vous croyez que Dieu n'existe pas. En cette matière précise, aucune vérité ne peut être établie. Nous sommes donc sur un pied d'égalité en réalité (pas tout à fait mais je n'entre pas dans ce débat là, je me le garde pour moi, égoïstement) et vous n'avez même pas l'air de le comprendre.

    Vous me faites ensuite remarquer que le bachelier n'a pas de culture. Et bien, je ne sais que répondre à cela puisque vous ne pouvez disposer d'aucun élément pour vérifier la véracité de l'assertion. Seule une entreprise empirique impossible vous permettrait de le démontrer. Je m'amuserais à voir vous frotter intellectuellement avec des lycéens de l'Hexagone qui passe le concours général : vous feriez sans doute moins le fier.

    Bref, tout cela est bel et bon, mais cela manque de fait, de recoupement. Tout vous semble indubitable, comme dans tout discours de bon sophiste. Or, malgré le talent, l'habileté à discourir, les quelques références qui parcourent votre intervention, je ne sens guère qu'une brise qui ne dit rien, ne pense rien, ne démontre rien. Pas la plus petite particule d'idée.

    L'acquis je disais ! La force de l'écrit sans doute, qui nous fait sentir tout petit, qui nous intimide au point d'avaler toutes les couleuvres.

    La réalité, c'est que votre réflexion laisse deviner un travers des plus humains : la définition de l'homme en fonction de ses faiblesses. Pour un réconfort immédiat (via lequel on peut se laisser aller au cynisme, à la "désignification" de tout), on abandonne le seul qui soit vrai, durable. Pour quelques bonheurs creux, on ignore celui qui peut régir la vie d'un homme : la force du décret. La volonté !

    Mais c'est un travers partagé depuis la nuit des temps.

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  43. Dorham : Je ne considère rien comme vrai. Ou comme faux d’ailleurs. Tout n’est effectivement que vague ressenti et ne prétend à rien d’autre. Les mots ne sont pas des miroirs du monde, qui en feraient un tableau juste ou un tableau erroné, mais de pauvres outils aux fins d’une survie inutile et couteuse. Ma croyance en l’inexistence de Dieu et en le ridicule de ses sectataires n’est pas intellectuelle. Elle est physique et chevillée au corps, comme la faim, la peur et le désir sexuel. Je ne peux écrire sans opinion, sans idée préconçue et sans préjugés parce que précisément, il n’y a pas de point de vue de Dieu. Mais j’ai très bien compris que nous étions à égalité. Croyance contre croyance. Pas de vérité. Seulement la victoire et la défaite. A mon avis, nous avons perdu tous les deux, chacun à notre manière.

    Mais, rassurez-vous, rhétoriquement, c’est vous qui avez gagné ! La définition de l’homme en fonction des ses faiblesses ! Comme c’est bien dit… Et comme cela tombe juste…

    PS : Je suis prêt à me frotter intellectuellement avec qui vous voulez, mais c’est à vous de vous taper l’organisation. Je suis un peu fatigué ce soir…

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  44. Dorham: Je ne vois pas pourquoi je discute, d'ailleurs. Il me semble que votre ami Mirliton vous a déjà dit l'essentiel.

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  45. Je me demande qui est NV...

    Suzanne

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  46. "un catalogue d'idioties" (Dorham)

    Ben dites donc, Dorham, z'avez le jugement facile et lapidaire !

    Suzanne

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  47. Suzanne : moi aussi, je me suis posé la question... sans trouver la réponse.

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  48. J'ai dit ça moi Suzanne ? (je parlais de la liste, il me semble)

    Si ce n'est pas le cas, je le retire, j'ai vraiment trop mauvais caractère moi...

    ---

    NV,

    Vous aurez sans doute compris que Mirliton étant un autre moi, je comprends votre point de vue. Je respecte aussi votre ressenti, mais je crois bien sûr en la nécessité de le dépasser (de les dépasser tous, les votres, les miens...). C'est bien entendu possible et cela n'a rien à voir avec Dieu ou quoi que ce soit du même tonneau ; la liberté n'est pas une vue de l'esprit. Cela ramène en apparence la pensée à une sphère très circonscrite mais en réalité, cela ouvre tous les champs de réflexion.

    Il va de soi qu'à ce niveau là, je ne cherche pas à gagner, j'essaie de comprendre. Je ne dis pas non plus (loin s'en faut) que je ne cède jamais également au bavardage, que je ne laisse pas par ailleurs (bien trop souvent) mes opinions parler à ma place, penser à ma place. Si je discute en moi-même (avec mon moi Mirliton), c'est qu'également, les reproches que je vous adresse, je n'oublie jamais de me les adresser à moi-même.

    Précisément, si j'ai cédé à quelques effets rhétoriques, c'est que je n'ai pas mieux fait que vous.

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  49. Dorham: "Manifestement, vous devez être un peu idiot".(céçuikildikilé?)


    Non non, ça m'a fait sourire. J'aime bien, au contraire. Le tout est de savoir se modérer, voire s'excuser ensuite, mais j'aime bien les petites envolées colériques
    .
    Regardez comme il écrit, NV. De quoi il parle, et comment.

    On en voudrait beaucoup, des idiots comme ça...

    Suzanne

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  50. Et, bon sang, Dorham, NIETZSCHE.

    Faut faire un effort, rien que pour moi. à chaque fois que je vois Nitch mal orthographié, j'ai un doute. Je sais qu'il manque le S, ou le Z, mais (alors que je l'ai lu, hein, si si )mais je ne sais plus où le mettre, avant, après. Alors je gougueulise. Pour Welbek, c'est pareil.

    Suzanne

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  51. Dorham : Je ne vous reprochais pas vos effets rhétoriques. Au contraire, comme je ne vois pas trop comment on peut sortir de la rhétorique (et Platon pas plus qu’un autre qui se révèle, dans le Gorgias, tout aussi rhéteur que les sophistes qu’il critique) autant y faire de l’effet. Je crois toutefois que nous nous heurterons toujours au mur d’incompréhension, à l’espèce de vide stupéfié que crée dans mon cerveau- je fais exprès de ne pas écrire « esprit »- votre phrase : « La liberté n’est pas une vue de l’esprit ».

    D’abord, j’ai un problème avec « esprit ». Si vous l’utilisez au sens de « conscience réflexive et spéculative » générée par des connexions de neurones, allons pour « esprit »… Mais déjà avec un mot pareil, la pente est glissante…

    Ensuite j’ai un problème avec « pas une vue ». Si il y a « esprit » (au sens précédent) et si il y a liberté –dans un sens encore à définir-, la liberté est nécessairement une vue de l’esprit, comme tout concept. Mais je veux bien croire que ce que vous avez voulu dire est : « la liberté n’est pas qu’une vue de l’esprit ». C’est une thèse que je ne partage pas mais cela se plaide.

    J’ai aussi un problème avec « est ». Je vois bien l’usage du mot liberté (je peux comprendre quelqu’un qui dit à son patron, ou à sa femme « je veux reprendre ma liberté » ou quelqu’un qui dit en se promenant sur une plage déserte en février « Ah quel sentiment de liberté ») mais j’ai un peu de mal à dire que la liberté « est » quelque chose. J’ai besoin d’un contexte. Qui me dira que l’animal a une liberté par rapport au sol que la plante n’a pas. Que l’homme a une liberté par rapport aux processus de reproduction sexuée que l’animal n’a pas. Que l’homme moderne a une liberté par rapport aux impératifs religieux que son ancêtre du moyen –âge n’avait pas. Donc j’arrive à comprendre ce que la liberté peut « être par rapport à quelque chose » et pas trop ce qu’elle peut « être » tout court.

    Dans ces conditions, vous comprenez que j’ai également du mal avec le mot « liberté ». En effet, plus que le mot autonomie ou le mot indépendance, le mot liberté est facilement absolutisé. Quand je lis « la liberté n’est pas qu’une vue de l’esprit » je pense que vous voulez parler d’une liberté au sens absolu du terme et pas seulement de la possibilité, que n’a pas la plante, de se déplacer sur la surface de la terre. Vous voulez parler du libre arbitre. Et là, rien à faire, je ne comprends pas comment nous pouvons être autre chose que le produit de nos circonstances, et que la conséquence de nos causes. A titre personnel, je n’ai jamais eu l’impression de prendre une décision autrement que contraint, non seulement par le contexte, mais également par le but recherché, nécessairement extérieur à la décision elle-même, qui lui ôte tout caractère de liberté, et qui est lui-même le produit d’innombrables circonstances passées. Même l’acte gratuit des « caves du Vatican » est conditionné par l’envie, elle-même conditionnée, de produire un acte sans cause. J’ai pas mal cherché, et je n’ai jamais rien lu qui puisse remettre en cause sur ce point le diagnostic dévastateur fait sur la liberté par Schopenhauer dans son « essai sur le libre arbitre ».

    Pour terminer, une remarque. J’ai un peu de mal avec l’objection, que vous m’avez déjà faite, et qui pourrait ressurgir ici, tirée de ce que je présente comme une vérité quelque chose qui n’est que ma vérité. Le problème est que je n’ai pas la prétention d’inventer un nouveau langage et que le langage dont je suis obligé de me servir relève d’une vision essentialiste de la vérité et de son rapport au monde. L’exemple bien connu est que « « La neige est blanche » est vrai » veut dire en fait (et vice versa) que « La neige est blanche ». Dans cette logique, si je dis que « la liberté(ou Dieu, ou la table que j’ai en face de moi…) n’existe pas », vous en déduisez que je dis « « La liberté n’existe pas » est vrai » et vous m’entrainez, à mon corps défendant, dans un débat sur les preuves que je suis susceptible d’apporter, sur le caractère fragile de « ma » vérité au regard de ce qui est traditionnellement ou scientifiquement qualifié de vérité. Mais précisément, je ne pense pas que « « la neige est blanche » est vrai » veut dire la même chose que « la neige est blanche ». Quand je dis « la neige est blanche », je fais une remarque qui peut être éducative (j’apprends à un enfant comment utiliser le mot « blanche »), comparative (je constate que ce matin, en raison de la lumière et de ce que personne n’est encore passé par là avec ses grosses chaussures sales, la neige est blanche, en fin, plus blanche que d’habitude), poétique, médicale (attention à la réverbération…) etc… etc… Mais quand je dis « « la neige est blanche » est vraie », je ne parle pas, en fait, de la neige, je fais, implicitement, une théorie de la vérité. Or je n’ai pas de théorie de la vérité (laissons de côté la question de la vérité scientifique, qui s’inscrit dans une pratique codifiée par des paradigmes). Les mots que j’utilise, qui sont censés pour la majorité des gens correspondre aux essences de ce qu’ils désignent, ne sont pour moi que des moyens d’exprimer quelque chose. Donc quand je dis « Le libre-arbitre n’existe pas », je ne veux pas particulièrement dire que « « Le libre-arbitre n’existe pas » est vrai ». Je ne sais donc pas trop quoi faire des objections tiré du caractère relatif, infondé, personnel de ce qui serait ma « vérité » …

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  52. Suzanne,

    Vous avez raison sur tout. Y compris sur l'orthographe de Ce bon vieux Fredo... Vous avez raison, je suis paresseux !

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  53. NV,

    je comprends bien tout ça, tout est (à mort) recevable. On a pas du tout la même lecture du Gorgias de Platon mais laissons cela de coté.

    De la même façon, nous n'avons pas non plus la même lecture de ce que l'on pourrait appeler vulgairement le "déterminisme". J'y vois une lecture en creux.

    Quand Spinoza explique par exemple que ce que l'on croit être le libre arbitre n'est en fait qu'un effet relié à un réseau plus ou moins complexe et abouti de causes, il dit une chose qui me semble vraie (je le dis prudemment dans un premier temps, notez !). Il dit que ce qui guide nos choix n'est en rien attribuable au libre arbitre ; qu'il n'y a en l'espèce aucune expression de liberté que ce soit.

    Pourquoi choisir une femme rousse plutôt qu'une brune, une blonde plutôt qu'une rousse ? Pourquoi se reproduire ou ne pas se reproduire ? Pourquoi se conformer aux lois ou choisir de ne pas s'y conformer ?

    C'est qu'en l'état, en effet, la liberté ne peut par essence s'exprimer sur de pareilles choses. Le choix n'est et ne peut être l'expression de la liberté. Car la volonté ou la liberté sont en réalité une dictature, un totalitarisme humain. L'expression de la liberté, du libre arbitre, préférons l'idée générique de volonté...l'expression de la volonté donc est le résultat d'une progression de la pensée qui, au préalable, a trié tout bon grain de l'ivraie. Il n'y a pas de choix en l'espèce.

    La volonté est une puissance et à la fois un devoir. On ne peut pas réellement "vouloir" tuer son voisin, ou "vouloir" manger du chocolat, ou "vouloir" à tout prix un enfant. Ce n'est là que l'expression de désirs plus ou moins forts, plus ou moins pulsionnels.

    Comme je l'ai précédemment écrit : tout est décret. Seul le décret ne peut être entravé. Vous m'avez donc également parfaitement compris, je raisonne tout à fait absolument. Je suis un défenseur du libre arbitre, même si (surtout) la philosophie contemporaine est persuadée d'avoir démontré sa vacuité.

    A ce titre, il me semble que Spinoza est à la fois utile pour ce qu'il dit mais également pour tout ce qui est implicite dans son discours. C'est selon moi là tout son génie.

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  54. Suzanne,

    Mais je l'ai lu NV et je vois bien qu'il est très loin d'être idiot (il l'est même moins que moi, tiens). Ne faites votre effarouchée, hein... Dans un premier temps, il est vrai son propos était lapidaire, voilà tout. Puis il s'est étoffé. J'en suis content.

    Vous savez (nous en constituons la preuve) l'intelligence n'immunise pas contre la bêtise. Nous avons tous nos paresses.

    De toute façon, maintenant que le débat est ailleurs, il n'est plus question d'intelligence et c'est tant mieux.

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  55. Dorham:Il faut se méfier du mot volonté chez Spinoza.

    D’un côté, on a l’impression –fausse- que comme chez Schopenhauer, la volonté a ce caractère nécessaire qui la déconnecte du libre arbitre. Et que la liberté qui est perdue au stade du phénomène, se récupère au stade du noumène –je sais, j’utilise des concepts qui ne sont pas spinoziens et pour cause-, dans le décret libre de l’Ame. Interprété comme cela, Spinoza ne me dérangerait pas trop.

    Le problème est que chez Spinoza, la volonté n’est pas le « réel », la « chose en soi » telle qu’elle se révèle chez Schopenhauer, mais un mode de la pensée (Ethique II propositions 48 et 49). Au point que Spinoza écrit, s’agissant de la volonté, « j’entends la faculté par où l’Ame affirme ou nie quelle chose est vraie et fausse » et « la volonté et l’entendement sont une seule et même chose ».

    Une telle démarche a pour effet de rationaliser la volonté, de donner un caractère de devoir –issu de la vérité- à ce qui n’est qu’une puissance aveugle, de transformer un chaos en décret. Cette torsion des mots, qui amène à appeler « volonté » ce qui est ailleurs appelé « jugement », le mène à appeler «Dieu » ce qui est appelé ailleurs « le monde », « la justice » ce qui est appelé ailleurs « le pouvoir ». A partir du moment où la volonté est l’expression de la raison, où le réel devient rationnel, le monde peut en effet devenir l’expression de la liberté absolue qui s’exprime dans ce que vous appelez « le décret ». Mais c’est cette rationalisation a priori du réel, qui méconnait la distinction de l’idéal et du réel qui constitue à mon sens l’héritage indépassable de Kant, que je ne peux accepter. Le réel n’est pas rationnel. La volonté est aveugle et est un matériau indifférencié que le jugement rationalise comme il peut a posteriori. Le décret ne peut être entravé mais il est par lui-même dépourvu de sens. La liberté, qui n’existe pas dans notre représentation, entièrement conditionnée par la succession des causes et des conséquences qui en sont la condition a priori, est certes partout dans le réel (dans la chose en soi) mais elle ne conduit nulle part.

    S’il est spinozien, votre catholicisme est un rationalisme. Or, à mon sens, à ma guise si vous préférez, la raison est une boite à outils qui ne donne aucun accès privilégié à l’Etre. Je dirais d’ailleurs la même chose de l’art et de la foi. Je me demande d’ailleurs bien à quoi pourrait bien ressembler un accès privilégié à l’Etre.

    Didier: Si vous voulez qu'on arrête, dîtes le... On est polis et on sait bien qu'on n'est pas chez nous...

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  56. Mais non, je ne suis pas intelligent, je suis cultivé, c'est tout. C'est ma belle-mère qui le dit, d'ailleurs: "NV, vous n'êtes pas intelligent, vous êtes cultivé..."

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  57. Alors, là, si NV propulse sa belle-mère sur le devant de la scène, Dorham va se sentir obligé de rameuter la sienne, et je n'aurai plus qu'à suicider le blog, moi...

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  58. Qu'est ce que vous voulez, Didier, après Platon, Spinoza et Schopenhauer, j'étais un peu à court...

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  59. Didier,

    ma belle-mère lave sa voiture, demandez à Balmeyer.

    NV,

    J'essaierai de revenir cet après-midi pour étoffer tout ça (si j'ai le temps, ce matin, c'est moyen ça !)

    Qui a dit qu'on n'avançait pas Didier ?

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  60. Ah, les immigres, mon bon monsieur Goux, les immigres...Ces Anglais qui, au cours des deux dernieres decennies, ont acquis cinq pour cent de notre territoire national ( chiffre de la Chambre des Notaires Cravates- du marbre dont on fait les bronzes-) Tous ces Canadiens... Ces Espagnols, ces Portugais, ces Roumains, ces Hongrois.... Encore que ces derniers n'ont pas ete "deverses sur nos cotes" comme vous l'ecrivez si fortement. Avec leurs musiciens qui ne savent que trop bien allumer la Femme lubrique dans chaque Francaise, nous laissant la bougie pour toute fete... Baudelaire ecrivit que les fetes sont 'serviles', et Valery que "nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles". Pauvre princesse de Cleves... Malheureuse Europe aux anciens parapets. Las! Las! Que de minarets...

    L'inceste, nous apprennent les Britanniques, est une bonne chose tant qu'il ne sort pas de la famille. Il y va de la purete de notre identite et de l'identite de notre Culture. Abolissons ce tabou d'un autre age, vain refuge d'intellectuels pretendant a l'universel par la Prohibition. Baisons nos soeurs, cher monsieur Goux, et nos meres, si nous pouvons. 9"Soyons Gaulois, nom d'un petit bonhomme, et Regence, si nous pouvons!"_)Notre survie est a ce prix, et de la fete nous serons affranchis.
    Chapeau bas, Monsieur, pour le courage de votre voix, o combien francaise, et de vos choix, itous.


    Courage

    Mere Teresa

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.