mercredi 18 février 2009

La Comédie des horreurs, II

On croyait avoir touché le fond avec les PF2H de plein air, on avait tort : la vie du PF2H urbain est beaucoup plus difficile, ne serait-ce qu'en raison des escaliers qu'on passe son temps à monter et à descendre. Oh certes, oh certes ! vous allez me dire : mais, quoi, il n'y a que deux étages (plus le grenier où tout le monde meurt, tout de même...) ! C'est vrai. Seulement, dans les F2H, un escalier n'est pas un simple assemblage de marches inertes – ce serait un peu trop facile.

Mais reprenons depuis le début. En commençant par établir aussi précisément que possible les différences entre les PF2H de plein air et leurs collègues urbains. Ceux qui nous intéressent aujourd'hui ne sont nullement étudiants ; du coup, ils ne ricanent à peu près pas, ce qui est toujours ça de gagné durant les vingt premières minutes. En général, ils ont 35 ans, exercent un très bon boulot et ont quitté New York parce que le mari a un grave problème psychologique (je ne me casse pas le cul à préciser lequel, en général on s'en fout). Il a une femme qui l'aime et qui est blonde (c'est indispensable) ; elle est généralement conne comme un blogueur z'influent, mais comme elle est amoureuse de l'autre déséquilibré, on l'absout dès le départ.

Là où ça se gâte, c'est qu'ils ont deux enfants : une fille et un garçon ; toujours. C'est la fille l'aînée, elle est au bord de la puberté, on la sent prête à succomber à la première bite qui passera à sa portée ; mais il n'en passera aucune – vous pouvez regarder avec vos enfants –, car les films d'horreur sont toujours d'une stricte correction sexuelle. Le garçon a entre sept et onze ans, c'est obligé, il est blond, son visage est inexpressif et donc inquiétant. On s'inquiète, on reprend une mousse.

Les parents sont des cons indubitables (ce qui les rapproche des PF2H de plein air) : on leur a proposé une somptueuse maison de quinze pièces immenses (je vous rappelle qu'ils sont quatre), avec un terrain magnifique autour, à trente minutes de Manhattan en voiture, pour le prix d'une fermette dans le Perche : ils n'ont absolument pas trouvé ça bizarre. Non plus qu'ils ne se sont étonnés de la tronche terrifiée de la permanentée de l'agence immobilière, qui se carapate à peine les signatures apposées au contrat. Elle partie, on s'installe. Et c'est là que le festival commence.

Comme leurs petits camarades de plein air, les PF2H urbains se mettent à avoir des réactions incompréhensibles, dès lors que le scénariste sort de sa léthargie alcoolique. La gentille maman trouve normal que son fiston se balade sur le faîte du toit (les bras écartés en forme de croix christique, si possible) en pleine nuit (alors qu'il souffle un vent à décorner les boeufs) ; le père prend un ton de voix rassurant pour persuader sa pré-pubère de fille que la liane friponne qui lui est rentrée dans la chatte n'est rien d'autre qu'une plaisanterie de la nature à laquelle elle devra s'habituer, pour peu que le vent continue à souffler – les pommettes rouges, elle acquiesce.

Là-dessus, tout le monde retourne se coucher, et s'endort, même si le petit garçon voit dans le miroir de sa chambre deux petits crétins immobiles et couverts de sang, et si la greluche se demande si la liane a l'intention de l'épouser, ou si elle a eu tort de céder dès le premier rendez-vous.

Le lendemain, petit-déj, on a oublié les terreurs de cette première nuit. Sauf, en général, le petit garçon, qui ne peut pas faire un pas dans cette baraque sans voir surgir devant lui les deux petits cons qui ont été massacrés à la hache d'incendie trente ans plus tôt (ce qui explique le prix ridiculement bas du loyer). Et qui ont été massacrés où ? Au grenier, évidemment. À près de 53 ans, je ne comprends toujours pas comment on peut avoir l'idée de grimper au grenier d'une maison nouvellement achetée, notamment quand on est affligé d'une fille pré-pubère et d'un petit garçon blond au visage inexpressif.

L'escalier lui-même devrait les avertir, du reste. Une volée de marches que l'on met dix minutes à monter, avec les yeux écarquillés d'épouvante, alors que, cinq minutes plus tard, on la redégringolera sur le cul et en hurlant, ça devrait tout de même vous mettre la puce à l'oreille, il me semble. Mais, là, non.

Au bout de deux nuits (dont une où il a vainement tenté de sabrer Madame, histoire de justifier l'interdiction aux moins de douze ans), le père, lui, se casse en ville, parce qu'il est censé bosser. En fait, il ne bosse pas : il rencontre, au choix : 1) le vieux curé local, 2) le libraire spécialisé dans l'ésotérisme. Rôles peu enviables : ils sont l'un et l'autre assurés de mourir de mort violente, à dix minutes de la fin, lorsqu'ils viendront prévenir nos quatre connards qu'il y a chez eux : 1) les fantômes de la famille précédente, trucidée par le fils aîné et réfugiée au grenier depuis 75 ans ; 2) un vieux cimetière indien sous la maison, comme je vous le disais hier.

Normalement, si le scénariste a bien fait son boulot, tout le monde devrait s'en tirer et repartir pour New York, après une nuit d'enfer (je ne précise pas qu'il pleut, que l'orage gronde, que le vent souffle : ça va de soi). Éventuellement, si le studio est optimiste et pense qu'une suite pourrait être rentable, la future pétasse blonde (celle qui a été violée par une liane, ou par le tuyau de douche, ou une branche basse (rescapée du film d'hier)) se retournera au moment de monter dans la voiture familiale, et ses yeux deviendront vert fluo comme ceux de l'écureuil – mais sans la pomme de pin.

Dernier plan : la maison, impavide, prête à resservir. Éventuellement, une petite lueur rougeâtre dans l'oeil-de-boeuf du grenier, histoire de causer.

La semaine prochaine, on s'intéressera aux zombis, infoutus de rester tranquilles dans leurs tombes, ni de trouver des marchands de fringues potables avant de partir en goguette.

17 commentaires:

  1. Bon. Baissez un peu l'écran de votre portable. Servez vous un petit verre de quelque chose avec des glaçons. Exigez le silence. Plissez un peu les yeux et hop, tournez la clef magique. Francisez nous ce joli scénario. Foin des Rocheuses, de San Francisco, du Maine, du Yellowstone. Imaginez le scénario en province, touillez, amalgamez, et glacez bien le tout, mais laissez des morceaux. Vous n'êtes pas sans savoir que le roman régionaliste a le vent en poupe.
    Lancez une collection " Horreur en Périgord". Zou !

    Suzanne

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  2. Le PF2H urbain Le Retour, c'est quand ils ont l'idée, dans leur prochaine maison, de descendre à la cave.

    Vous êtes beaucoup plus cinéphile que ce que j'aurais pensé !

    Et maintenant, les zombies, les zombies, les zombies !!

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  3. Suzanne : trop tard ! j'ai bu (un peu) avant d'écrire...

    Audine : Cinéphile ??? Mais non, enfin, rien à voir ! Si vous voulez, on peut créer un blog chiant où on parlera de Bergman, de Buñuel, de Ford, Hawks, Chaplin, and so on. Mais, là, franchement...

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  4. Ahahahahaha ! (des rires dans la nuit, ce qui risque inquiéter mes voisins)
    "tu crois Marcel qu'elle va bien la nouvelle voisine du RdC ?"
    "Laisse tomber Germaine, demain on prévient la police, ça me dit rien qui vaille une folle dans l'immeuble".

    Vive Internet tout de même...
    Dites, ils craquent vos escaliers ?

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  5. Mais qu'est ce que vous avez à me proposer de créer soit un blog chiant avec vous soit un blog féministe avec Suzanne ??
    Vous ne me trouvez pas assez occupée ?

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  6. Vous fâchez pas, M'ame Audine, c'était rien que pour taquiner !

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  7. Bonne idée Suzanne ! Mdelol. Ce serait suivi de la nuit des horreurs en Normandie etc ....

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  8. On veut du sexe ! (surtout pour les zinfluents).

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  9. Puisque l'avenir est au mélange des genres, je proposerais plutôt une attaque de zombies et poltergeists viraux qui contamineraient les ordinateurs de gentils blogueurs influents.

    On peut imaginer des caresses sensuelles entre une blogueuse féministe et son clavier (pour le sexe) ou un ordinateur de blogueur anarchte qui se met à lancer des cocktails molotov (pour la violence).

    Finalement on fait intervenir SOS fantômes, pour montrer que le scénario il a de vraies racines culturelles, et on laisse Bill Gates en liberté pour pouvoir envisager une suite.

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  10. Le roman de terroir est mort, vive le roman de terreur.
    Curieux, je me sens comme une liane aujourd'hui...

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  11. Y a un progrès, mais je maintiens que ça manque de bite.

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  12. Oh oui, j'ai hâte de lire le topo sur les zombies !

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  13. Eh ! oh ! j'ai annoncé ça comme ça, moi ! Je ne sais même pas si je vais le faire...

    (Cela dit, il y aurait un billet sérieux à faire sur la tétralogie de George Romero : La Nuit des morts vivants et ses suites, que je tiens, au moins pour deux des quatre, pour des films remarquables (dans le genre, bien sûr).

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  14. D'abord: Les 'urbains' me semblent vachement plus sexués que les 'plein air'...

    Et aussi: Une bonne altérnative au grenier, c'est la cave où qui fait noir où qui y'a plein de rats et où qui y' a des planches si tellement pourrites qu'elles cassent quand le méchant marche dessus (pcq si elles cassent quand c'est le gentil qui marche dessus, le gentil y meurt et y a plus de film)

    Mais encore: j'ai vu un bon film non pas d'horreur (ça n'existe pas) mais de suspence intense. 'Chambre 1408' de Mikael Häfstrom avec Samuel L. Jackson et John Cusack. Bien réalisé, merveilleusement joué, sénario béton et loin de tous clichés...

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  15. Tiens, je vois que vous avez aimé "La nuit des morts vivants"… On m'y a traîné dans le temps, et pour moi, il est de la même eau que vos scénars si drôles. Rien à voir avec "les oiseaux", par exemple.

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  16. Je crois que le plus con dans les films d'horreur, c'est quand même le spectateur qui les regarde sans voir les ficelles (ou les lianes) qui s'y baladent !
    :-))

    [Chambre 1408, effectivement est un bon film qui fait peur ! :-)) ].

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.