samedi 19 avril 2008

Ante mortem

Pourrquoi tient-on si fort à vivre vieux ? Si l'on est chargé d'enfants, je peux comprendre : je suppose qu'il est important d'aller aussi loin que possible sur le chemin commun, de leur infliger le plus tard qu'il se peut cette douleur-là qui, je le pressens, ne guérit jamais.

Mais sinon ? Il me semble qu'échapper à l'arbre de Noël de la maison de retraite, aux pauvres filles qui, pour un demi-smic, se vengent du sort qui leur est fait en vous tutoyant et vous appelant papy, devrait valoir la peine de ne pas se rêver octogénaire. Je peux me tromper, bien sûr, on en reparlera le moment venu, je ferai sans doute moins le fiérot.

Je ne veux pas survivre. Ni à mon frère, ni à ma soeur (j'ai de la chance : je suis l'aîné et c'est moi qui bois le plus. J'ai toutes les cartes maîtresses en main...), ni encore moins à l'Irremplaçable. Vous me voyez, tout seul ici, bloguant à la nuit longue, comme un gosse idiot et obsessionnel ?

Si l'on me poussait, je dirais que je ne tiens pas tellement non plus à survivre à mes parents. Me retient de ce côté-ci juste l'envie de ne pas trop pourrir leur fin d'existence. Ils ont plutôt mérité leur bonheur actuel, je ne vais pas venir planter ma zone non plus.

Bien sûr, je pourrais toujours leur expliquer tout au long que chacun doit mourir, et moi aussi, qu'il leur reste encore deux enfants sur trois et que peu importe le... Mais ça ne marcherait pas. Donc, je reste en vie, tant bien que mal. J'attends.

Je ne tiens pas particulièrement non plus à voir mourir les quatre ou cinq personnes qui me font office d'amis - même silencieux ou lointains. En revanche, l'idée de les voir pleurnicher à mon enterrement me séduit plutôt : le côté cabotin, probablement.

Finalement, ce qu'il est possible de voir disparaître sans en souffrir de façon insupportable, c'est le monde qui nous a servi de langes. Parce que, les langes, n'est-ce pas... Ces tissus oubliés, vieillis, usés à la trame...

En revanche, les visages qui se penchaient sur le berceau, à toutes les époques, souriants ou graves, beaux ou non, jeunes ou plus... Face à eux, il me semble qu'on peut se permettre cette courte lâcheté de disparaître. Mais, ce n'est pas sûr.

15 commentaires:

  1. Un poil triste mais réaliste ! Chassons le spectre de l'hospice et vivons pour ceux qui nous aiment.

    A demain cher Didier :-)

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  2. Certes, la perspective de l'arbre de Noël à la maison de retraite La Thébaïde n'est sans doute pas des plus réjouissantes, mais au moins n'aurez-vous à endurer que l'exécution chevrotante de chansons du répertoire d'Aznavour ou de Barbara par le club des Cheveux d'argent du Plessis-Hébert.

    Alors que moi, si Dieu me prête vie jusque-là (Dieu ou Bouddha, ou Allah, ou le Grand Tout, je ne suis pas sectaire), je crains de devoir supporter, avec mes camarades d'infortune, de vieux rappeurs sous botox s'époumonnant à nous brailler des « vieux airs de notre jeunesse »...

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  3. Alors, là, mon bon Chieuvrou, c'est vraiment à se faire sauter le caisson !

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  4. Non, pas le rap. Chapeau de pompier !

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  5. Mouaa ! Chieuvrou, en déambulateur et en baggy usé à la trame, vous lèveriez le poing rageur pour scander d'une voix ténue et bêlante "mais qu'est-ce qu'on attend pour foutre le feu"...avec un peu de chance, une mémée pyromane vous sauverait tous du ridicule...

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  6. Vous aussi Didier vous êtes atteint d'une fièvre obsidionale ?
    je croyais que c'était réservé à nos compatriotes de la négritude !


    iPidiblue bisounours du dimanche.

    PS Si vous avez besoin d'un calin, vous connaissez mon adresse, je suis moins velu que Balbec mais je saute aussi bien !

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  7. Et finir comme Edward G.Robinson dans "Soleil vert" y avez-vous songé ?
    Déjà ces derniers jours de émeutes ont éclaté dans quelques pays.
    Au moins le soleil vert que vous produiriez ne manquerait pas de Goux..

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  8. Un Didier Goux n'est jamais aussi bon que face à un abîme (ou supposé tel…).

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  9. Didier : Vous avez de très mauvaises idées reçues sur les maison de retraite. Sachez que dans quelques années (à peine) elles seront garnis de vieux cons comme vous et moi et surtout de jolies jeunes filles girondes (plus ou moins vierges) qui n'auront que ça à foutre pour rembourser leurs impôts dans notre beau pays jeune et dynamique et qui n'auront surtout, les jours de grandes canicules, que leur peau toute nue sous leur blouse immaculée hygiénique en diable. Mourir ainsi la queue aussi roide que possible n'est que bonheur et plénitude pour les mâles qui duo habet et bene pendente. Pour les autres, je ne sais, mais je leur souhaite quand même de crever heureux. La Noël a plus d'un arbre dans son sac.
    Superbe billet au demeurant.

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  10. "En déambulateur et vieux baggy usé jusqu'à la trame" (Dorham)

    Et si nous étions déjà dans le cauchemar?

    Les soi-disant djeunes qui portent baggy, dreads et écouteurs dans les oreilles sont des vieux incognito. Le baggy est bien pratique pour dissimuler le change complet "nuit sans fuite". Les dreads collent parfaitement les cheveux qui tombent et évitent la corvée du brossage, toujours pénible chez le nonagénaire souffreteux. Les écouteurs, bien évidemment, sont des sonotones. L'oreillette avec le mini-micro fait croire que le djeune-vieux discute avec un pote sur son portable, alors qu'il parle tout seul, comme tous les vieux.

    Suzanne

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  11. Dorham : j'aime bien l'idée de la mémé pyromane, je ne sais pourquoi. Les sonorités peut-être...

    iPidiblue : essayez de négocier ça avec l' Irremplaçable. Juste pour voir.

    Sniper : d'accord pour Soleil vert, mais à condition de pouvoir choisir une autre musique.

    sk†ns : L'abîme, n'exagérons rien : la fosse, tout au plus.

    Martin-Lothar : on peut voir les choses sous cet angle, en effet. Mais ce n'est guère "ma pente", comme dirait l'autre.

    Suzanne : j'aime beaucoup ce que vous faites ! Mort de lol...

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  12. Attention Didier ne tombons pas dans l'Irremplacitude !


    iPidiblutude

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  13. Qu'est-ce c'est donc que c'te bête-là, un baggy ?

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  14. Vous en avez écrit beaucoup de beaux articles comme ça en mon absence ?

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.