« Dans les églises, jamais il ne lisait, sauf parfois, et alors tout à fait au hasard, des livres religieux qu'il avait trouvés là, missels ou recueils de chants liturgiques. Il aurait jugé déplacé, irrespectueux, vulgaire, de lire en de pareils endroits les livres dont il était toujours muni. Ce n'était pas la foi qui l'attirait sous ses voûtes, mais il respectait celle des autres, celles des vivants et plus encore celle des morts. Il allait même jusqu'à respecter Dieu, ce Dieu auquel il ne croyait pas croire. Rien ne lui eût semblé plus méprisable et surtout plus bête que le sacrilège, ou seulement que l'irrévérence. Les croyants lui donnaient l'hospitalité, il lui eût semblé indigne de se servir d'elle contre eux, ou de manquer de considération à leur égard. C'étaient eux qui avaient bâti ces églises. Ces agencements de piliers, d'ombres, d'emblèmes et de voûtes étaient ceux qu'impliquaient leurs croyances. Tout y témoignait de leurs convictions, qu'il ne souhaitait heurter en rien, même s'il ne les partageait pas. D'ailleurs il ne se sentait pas étranger, à leur égard, ni dans ces lieux. Cette foi avait été la sienne, il avait été élevé en elle, il en connaissait les rites et les expressions, ils étaient ceux de ses aïeux. »
Renaud Camus, Loin, P.O.L, p. 173 & 174.
Ma découverte de ce dimanche : les Préludes et fugues de Chostakovitch, par Keith Jarrett.
Renaud Camus, Loin, P.O.L, p. 173 & 174.
Ma découverte de ce dimanche : les Préludes et fugues de Chostakovitch, par Keith Jarrett.
Merci XX
RépondreSupprimerMagnifique passage ! Merci Didier, pour cette lecture. Bon dimanche à vous deux.
RépondreSupprimerJe suis étonné par le « ce Dieu auquel il ne croyait pas croire ». N'est-ce pas « Ce Dieu auquel il croyait ne pas croire » qu'il aurait fallu écrire ?
RépondreSupprimer@Georges : judicieuse remarque! Je suis curieux de connaître l'avis du taulier...
RépondreSupprimerJ'ai buté au même endroit. En y réfléchissant, il m'a semblé que « Ce Dieu auquel il croyait ne pas croire » aurait franchi un pas de plus en direction de la négation de la Foi, c'eût été rendre moins possible son éventuelle survenue, dans la mesure où le groupe verbal important aurait alors été “ne pas croire”. Tandis que dans la formulation choisie par Camus, le verbe reste “croire” et la négation ne porte que sur ce qu'en pense l'auteur, sur ce qu'il lui semble discerner en lui-même : on est beaucoup moins assuré, affirmatif.
RépondreSupprimerDu reste, cela me paraît plus clair si l'on remplace le premier “croire” par “penser”, pour les besoins de la cause :
« Ce Dieux auquel il ne pensait pas croire. »
« Ce Dieu auquel il pensait ne pas croire. »
Il me semble que l'on sent bien, là, que la deuxième proposition affirme déjà plus ou moins la non-croyance, cependant que la première peut laisser entendre que le personnage (car il ne s'agit pas de l'auteur, après tout) ne s'est tout bonnement pas posé sérieusement la question, qu'il n'a pas pris le temps de l'examiner (peut-être parce qu'elle n'a pas tant d'importance pour lui). Et même que, peut-être, au fond, il croit sans s'en en être encore avisé.
M'épate ce Camus, je ferai presque mien de ce texte.
RépondreSupprimerbonne journée
Après lecture de l'extrait, je vais donc tenter de me procurer ce "Loin" chez Pol (emploi ?).
RépondreSupprimerCorto : raison de plus pour le lire !
RépondreSupprimerLediazec : à la première lecture, l'an dernier, Loin m'avait un peu déçu. Mais, le relisant il y a une semaine ou deux, je l'ai trouvé nettement supérieur au souvenir que j'en avais gardé.
Sinon, autre roman de Camus que je conseille volontiers : Voyageur en automne, toujours chez P.O.L.
Bien vu et limpide cher Didier !
RépondreSupprimerJe viens de transporter la discussion sur le forume de la SLRC : nous recueillerons peut-être des avos plus éclairés que le mien. Ou, en tout cas, différents.
RépondreSupprimerDes avIs, bon sang !
RépondreSupprimer@ Didier. Noté. Merci.
RépondreSupprimerPour ceux qui, à propos de l'œuvre de Camus, me demandent toujours : « Par quoi commencer ? », voici une page où sont disponibles en ligne des extraits d'un bon nombre de ses livres, et dans les genres les plus variés...
RépondreSupprimer@Georges : incurable le "." car TCPG comme on dit dans notre jargon...;)
RépondreSupprimerPluton, vous pouvez me traduire ?
RépondreSupprimerMoi, le jardin médical, j'en suis resté à "bilanter" et "embolie pulm"… C'est déjà énorme.
Croyant ou non, la seule lecture admissible dans une église est celle de son âme. Tout autre lecture serait plus qu'une incongruité: une faute. Et je ne comprends même pas que l'on puisse se poser la question.
RépondreSupprimerMais il y a quand même une lecture possible. Une lecture qui me fait perdre tout sentiment chrétien et réveille chez moi de la colère. C'est celle des noms des enfants morts pour la France gravés dans le marbre et qui disent parfois l'éffacement d'un village tout entier. Cette lecture nous aurions préféré ne pas avoir à la faire.
Le silence des voutes, quant à lui, peut être troublé par la musique de Bach ou le souffle de l'harmonium.
C'est tout.
Ah, ce Fredi, ce Fredi !
RépondreSupprimerEt Messiaen, et Palestrina, et Fauré, et Duruflé, et Allegri, et Florentz, et Verdi, et Mozart, et Caldara, et Monteverdi, et Pergolèse, et Scarlatti (A), et Buxtehude, et Schütz, et Couperin, et Charpentier, et Clérambault, et Haendel, et Haydn, et Vivaldi, etc. ?
C'est l'ambiance de la garde (3ème en une semaine, s'il vous plaît...) qui rend le langage plutonien un tantinet bizarre ?
RépondreSupprimerAh, zut j'ai oublié de dire que la phrase de R.C. était bien telle : le personnage penche plus vers l'envie de croire que ne s'en éloigne.
RépondreSupprimerAh ! Couché, le point. Très bien, à la niche, les anonymes.
RépondreSupprimer@Georges: TCPG signifie "Trop Con Pour Guérir", dialecte spécifique à la réanimation ! Très adapté à divers "cailleras" violents qui s'entêtent à vouloir égorger les infirmières ! S'ils savaient ces pauvres c...!
RépondreSupprimerPluton excellent. Et le TGV 1ère classe, vous connaissez ?
RépondreSupprimerTCPG… vous avez l'anima de la France entre vos mains !
RépondreSupprimerJ'ai buté au même endroit. En y réfléchissant, il m'a semblé que « Ce Dieu auquel il croyait ne pas croire » aurait franchi un pas de plus en direction de la négation de la Foi, c'eût été rendre moins possible son éventuelle survenue
RépondreSupprimerA quoi bon ergoter: croire c'est toujours douter un peu il me semble.
Wouaaaaaarffffff ! Comme disait mon père : vaut mieux entendre ça que d'être sourd !
RépondreSupprimerAdapté aux blogs, ça donne : vaut mieux lire ça que d'être aveugle...
RépondreSupprimerAh, cher Didier, comme c'est bien ce lien que vous avez mis vers des extraits camusiens
RépondreSupprimerFredo!! C'est le contraire! croire ou pas c'est laisser passer comme une infime possibilité de l'être!
RépondreSupprimerdouble wouarfffffffff comme Catherine, je retiens le truc....
RépondreSupprimerPhotographie due à Catherine.
RépondreSupprimerJe suis étonné ! Camus aurait-il PU croire qu'il avait licence d'écrire autrement qu'il FAUT écrire.
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