Le précédent volume du Journal de Renaud Camus, celui de l'année 2007, s'intitulait Une chance pour le temps. Il semble que le temps s'est vengé d'avoir été ainsi requis sans sollicitation préalable. Car ce qui apparaît, en 2008, et qui à ma connaissance ne l'avait jamais fait auparavant, c'est l'appréhension des dégâts que le temps peut causer chez l'écrivain lui-même, en l'atteignant dans ce qui lui est propre, essentiel – et même vital au sens le plus trivialement pécuniaire du terme : ses facultés créatrices.
Vais-je encore pouvoir ? Et si je n'y arrivais plus ? Et si la source était proche du tarissement ? Voici les questions qui surgissent en 2008, notamment à propos de Loin, ce roman paru chez P.O.L en 2009, et qui a commencé par s'appeler L'Écart – Renaud Camus est une sorte de Maître Écart, si l'on veut bien me passer cette astuce approximative. L'interrogation n'occupe qu'un nombre de pages réduit dans le volume, elle est néanmoins là bel et bien. Ce qui fait que le temps attaque désormais sur deux fronts, si l'on peut dire : le front ancien qui est celui de son manque, des heures, puis des jours et des mois – et désormais des années – qui passent trop vite pour la somme de travail promis (et payé...) ; et ce front nouveau que je viens de dire, qui prend à revers l'écrivain, ou qui plutôt l'attaque de manière davantage souterraine et vicieuse. Or, il se trouve que le premier front n'a peut-être jamais été aussi menaçant que depuis le lancement des Demeures de l'esprit, qui réclament un nombre d'heures et de jours considérable à leur auteur. Si bien que ce temps, qui paradait au titre de l'année 2007, resserre son emprise et gouverne presque tout entier l'année qui suit – avec son fidèle corollaire : l'argent.
Il faudrait aussi parler de l'intérêt qu'il y aurait à relire en même temps qu'ils s'élaborent dans le journal les volumes des Demeures correspondants. Car on y verrait, il me semble, comment la notation diariste, faite au jour le jour, ou plutôt au soir le soir, se transforme presque aussitôt en un texte d'une autre nature, pas forcément mieux écrit, mais sûrement plus travaillé, et en tout cas différemment travaillé. La transmutation littéraire en temps presque réel.
Enfin, ce temps pressant de toutes parts finit par agir aussi sur le lecteur. Lequel comprend avec un peu de tristesse que ce n'est pas encore demain matin qu'on lui livrera le ou les livres de Camus qu'il attend et espère, ceux qui ne sont jamais une “priorité”. Je songe en particulier à un éventuel Tombeau de Jean Puyaubert, que je ne dois pas être le seul Camusard à souhaiter de voir s'élever un jour. Seulement, bien sûr, le marbrier est toujours pris ailleurs, par des commandes plus urgentes. Les artisans, de nos jours, vous savez ce que c'est...
Vais-je encore pouvoir ? Et si je n'y arrivais plus ? Et si la source était proche du tarissement ? Voici les questions qui surgissent en 2008, notamment à propos de Loin, ce roman paru chez P.O.L en 2009, et qui a commencé par s'appeler L'Écart – Renaud Camus est une sorte de Maître Écart, si l'on veut bien me passer cette astuce approximative. L'interrogation n'occupe qu'un nombre de pages réduit dans le volume, elle est néanmoins là bel et bien. Ce qui fait que le temps attaque désormais sur deux fronts, si l'on peut dire : le front ancien qui est celui de son manque, des heures, puis des jours et des mois – et désormais des années – qui passent trop vite pour la somme de travail promis (et payé...) ; et ce front nouveau que je viens de dire, qui prend à revers l'écrivain, ou qui plutôt l'attaque de manière davantage souterraine et vicieuse. Or, il se trouve que le premier front n'a peut-être jamais été aussi menaçant que depuis le lancement des Demeures de l'esprit, qui réclament un nombre d'heures et de jours considérable à leur auteur. Si bien que ce temps, qui paradait au titre de l'année 2007, resserre son emprise et gouverne presque tout entier l'année qui suit – avec son fidèle corollaire : l'argent.
Il faudrait aussi parler de l'intérêt qu'il y aurait à relire en même temps qu'ils s'élaborent dans le journal les volumes des Demeures correspondants. Car on y verrait, il me semble, comment la notation diariste, faite au jour le jour, ou plutôt au soir le soir, se transforme presque aussitôt en un texte d'une autre nature, pas forcément mieux écrit, mais sûrement plus travaillé, et en tout cas différemment travaillé. La transmutation littéraire en temps presque réel.
Enfin, ce temps pressant de toutes parts finit par agir aussi sur le lecteur. Lequel comprend avec un peu de tristesse que ce n'est pas encore demain matin qu'on lui livrera le ou les livres de Camus qu'il attend et espère, ceux qui ne sont jamais une “priorité”. Je songe en particulier à un éventuel Tombeau de Jean Puyaubert, que je ne dois pas être le seul Camusard à souhaiter de voir s'élever un jour. Seulement, bien sûr, le marbrier est toujours pris ailleurs, par des commandes plus urgentes. Les artisans, de nos jours, vous savez ce que c'est...
Qu'en pensez-vous, de ce roman, Loin ?
RépondreSupprimerVous avez effectivement pris de l'avance sur moi, mon cher Didier, puisque je ne serai "livré" du précieux que lundi au mieux. Cela m'apprendra à vouloir frimer !
RépondreSupprimerLe temps... j'ai écris quelque part que c'est le principal ennemi de l'écrivain. Vous soulignez chez Camus deux dimensions : le temps qui lui manque pour écrire, travailler, le temps qui lui reste et qui le touche dans ses "facultés créatrices". Il manque à mon avis une troisième dimension plus pernicieuse encore : les dégâts du temps sur son organisme, réels ou imaginés, les maladies, réelles ou imaginées, les douleurs liées à l'âge, la dégradation du corps qui lui font également perdre du temps ne serait-ce qu'en médecins divers et variés, contemplation devant le miroir, narration dans le journal. Le temps contre le temps...
Georges : les romans ne sont pas la partie de son œuvre que je préfère, il s'en faut même de beaucoup. Et, pour tout dire, ce n'est pas celui-là qui me fera changé d'avis : je l'ai trouvé bancal, hésitant entre plusieurs options et n'en choisissant finalement aucune. On a l'impression qu'il n'y avait pas de réelle nécessité à l'écrire.
RépondreSupprimerMes préfèrés restent Voyageur en automne, dans une moindre mesure Roman Roi et, plus étonnamment (venant de moi, veux-je dire) L'Inauguration de la salle des vents, que j'ai relu en août dernier, sur les lieux-mêmes, donc, et qui m'a enthousiasmé.
Joseph : J'ai négligé cet aspect des ravages du temps parce qu'il m'a semblé qu'il y avait comme une sorte de répit, sur ce front-là...
RépondreSupprimerVous parlez d'Isidore Boullu ?
RépondreSupprimerIsidore Boullu était aussi musicien…
RépondreSupprimerJe ne connais pas l'oeuvre de M. Camus et ne demande pas mieux que de la connaître si seulement je savais par quoi commencer. Je sais seulement que ce M. n'est pas le bienvenue dans les médias et qu'on lui préfère, pour d'obscures raisons, les philosophes "starlettes" comme l'a justement dit Luc Ferry récemment.
RépondreSupprimerCeci dit quelqu'un qui a publié son dernier bouquin en 2009 n'est pas vraiment en panne: il fait une pause.
AMHA comme disait Georges.
Fredo, on commence par son site et on navigue soi- même sur ce qu'on trouve… on a vite envie d'avoir des vrais livres dans les mains. Dès "Passages" c'était explosif ...
RépondreSupprimerJe persiste à recommander le Répertoire des délicatesses du français contemporain. Entrer dans Renaud Camus par la langue (sic) me semble une bonne approche.
RépondreSupprimerC'est étrange mais plus je lis des appréciations négatives sur Loin, plus j'ai envie de le lire. Pour l'Inauguration, il m'était tombé des mains à la première lecture, mais je crois que je le reprendrai un de ces jours.
D'accord pour le Répertoire, bien sûr. D'autant qu'il est un des rares à exister en "poche" : pas trop ruineux pour une première approche.
RépondreSupprimerMais bon sang, commencez par n'IMPORTE QUEL livre de Renaud Camus. S'il ne vous plait pas, essayez un autre, et vous verrez bien. Aucun livre ne mord.
RépondreSupprimerBen oui, bien sûr, c'est ça, commencez par N'IMPORTE QUEL LIVRE DE RENAUD CAMUS. Est-ce que tu me souviens, par exemple !
RépondreSupprimerGeorges, comment chaque lecteur de Renaud Camus a-t-il commencé ? Et pour chaque écrivain, d'ailleurs ? C'est un écrivain français qui écrit en français. Je comprends qu'on recommande telle ou telle traduction quand l'une semble meilleure et qu'on veut présenter l'auteur sous son meilleur jour, mais quand même... Le Journal de Renaud Camus est lisible par tout le monde. Vraiment tout le monde. On se rend vite compte si on accroche ou pas. Et le site Vaisseaux brûlés est à portée de clic. Et il y a des extraits un peu partout sur le Net. Dites quel est votre livre de Camus préféré, si vous voulez, conseillez le chien Horla aux amis des bêtes et aux amateurs de petits livres très bien écrits, ou les délicatesses aux délicats, mais de grâce, ne faites pas passer pour difficile un auteur qui ne l'est pas toujours
RépondreSupprimerVous allez définitivement dégoûter les curieux, avec le coup de l'élite qui sanglote ou s'extasie en évoquant Muray et Cioran, et on n'a pas besoin d'un superdéfricheur de littérature qui se propose de vous conduire vers Camus, comme si l'on ne pouvait pas y aller tout seul.
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