Après Loin, je me suis replongé dans L'Amour l'Automne, que j'ai repris da capo. Est-ce l'effet bénéfique d'un certain commencement d'habitude ? Non seulement la première églogue ne m'a pas rebuté (mais elle ne me rebutait plus, déjà, la dernière fois que je m'y étais confronté), mais j'ai pris beaucoup de plaisir à sa lecture, notamment lorsque je me suis aperçu que je repérais de plus en plus de ces correspondances, renvois, échos, rappels, résonances, etc., qui innervent le texte – qui font plus que l'innerver : en sont la trame même, la raison d'être, la structure profonde ; ils sont le texte. Le plus excitant, pour moi, est de tenter, à l'apparition de tel nom, telle personne, tel lieu, etc., de prévoir ce qui va leur répondre quelques paragraphes ou pages ensuite – et le plaisir d'y parvenir (pas à chaque fois, il s'en faut de beaucoup...).
La deuxième églogue est nettement plus courte, et c'est tant mieux car elle est d'une lecture nettement plus éprouvante. Si la première églogue était une bombe, c'en serait une à fragmentation, et la deuxième serait constituée par les éclats dus à son explosion. Tout l'intérêt (non, sûrement pas tout l'intérêt...) est que de nouveaux thèmes apparaissent alors. Je ne veux pas dire forcément qu'ils sont nouveaux par rapport à la première églogue, mais bien qu'ils se dévoilent aux regards, du fait de cette fragmentation : auparavant, si présents, ils étaient trop enfouis, suffisamment enchâssés pour se dérober complètement au regard du lecteur (au moins du lecteur myope que je suis...) ; lequel lecteur se dit, au moment où il écrit cela, qu'il devrait bien relire immédiatement la première après la seconde, justement pour tenter de repérer ces traces qui lui ont échappé à la lecture précédentes et qui doivent forcément être là.
La troisième églogue marque un retour à l'ordre, une sorte d'apaisement linéaire – comme un aimant remet en ligne la limaille de fer informe et dispersée. Mais c'est une illusion de courte durée. Très vite, le récit (?) va se complexifier de nouveau, en procédant non plus par éclatement mais par ramifications proliférantes, comme une voie de chemin de fer devient deux, puis quatre, puis vingt, puis cinquante, aux abord d'une grande gare de triage. La lecture de cette troisième églogue est – paradoxe ? – à la fois labyrinthique et paresseuse. Car si les voies sont multiples, et de plus en plus multiples, la signalétique est sans faille : il suffit de se laisser guider. Seulement, la tentation est grande, çà ou là, de sauter de son rail sur celui qui court à côté. Et, si on le fait, on se retrouve irrémédiablement perdu. La tentation n'en est évidemment que plus grande.
Et je m'arrête là, car c'est là que je suis arrêté.
La deuxième églogue est nettement plus courte, et c'est tant mieux car elle est d'une lecture nettement plus éprouvante. Si la première églogue était une bombe, c'en serait une à fragmentation, et la deuxième serait constituée par les éclats dus à son explosion. Tout l'intérêt (non, sûrement pas tout l'intérêt...) est que de nouveaux thèmes apparaissent alors. Je ne veux pas dire forcément qu'ils sont nouveaux par rapport à la première églogue, mais bien qu'ils se dévoilent aux regards, du fait de cette fragmentation : auparavant, si présents, ils étaient trop enfouis, suffisamment enchâssés pour se dérober complètement au regard du lecteur (au moins du lecteur myope que je suis...) ; lequel lecteur se dit, au moment où il écrit cela, qu'il devrait bien relire immédiatement la première après la seconde, justement pour tenter de repérer ces traces qui lui ont échappé à la lecture précédentes et qui doivent forcément être là.
La troisième églogue marque un retour à l'ordre, une sorte d'apaisement linéaire – comme un aimant remet en ligne la limaille de fer informe et dispersée. Mais c'est une illusion de courte durée. Très vite, le récit (?) va se complexifier de nouveau, en procédant non plus par éclatement mais par ramifications proliférantes, comme une voie de chemin de fer devient deux, puis quatre, puis vingt, puis cinquante, aux abord d'une grande gare de triage. La lecture de cette troisième églogue est – paradoxe ? – à la fois labyrinthique et paresseuse. Car si les voies sont multiples, et de plus en plus multiples, la signalétique est sans faille : il suffit de se laisser guider. Seulement, la tentation est grande, çà ou là, de sauter de son rail sur celui qui court à côté. Et, si on le fait, on se retrouve irrémédiablement perdu. La tentation n'en est évidemment que plus grande.
Et je m'arrête là, car c'est là que je suis arrêté.
(Renaud Camus, L'Amour l'Automne, P.O.L)
Je donne mon âme au diable pour un paysage pareil...
RépondreSupprimerC'est parce qu'il a effacé les hangars et la station-service avec Photoshop...
RépondreSupprimerC'est parce qu'il a effacé les hangars et la station-service avec Photoshop...
RépondreSupprimerVi.
D'ailleurs c'est une nappe de pétrole au premier plan.
D'ailleurs c'est une nappe de pétrole au premier plan.
RépondreSupprimerIl y a bien longtemps, dans une vie antérieure, au cours d'une réunion à la préfecture du Gers (cadre somptueux, au passage), un gendarme m'avait confié que les eaux du département étaient aussi polluées que partout ailleurs. (Il dressait des contraventions aux pollueurs locaux.)
Une églogue est un poème de style classique consacré à un sujet pastoral. Les poèmes de ce genre littéraire sont parfois qualifiés de « bucoliques ».(wikipédia)
RépondreSupprimerOuf ça va mieux après cela, je vais pouvoir reprendre la lecture de votre billet
S'il me restait quelques illusions, là je viens de les perdre ?
RépondreSupprimer@Emma : facile, vous lui avez déjà donnée... (p'tain Pluton calme toi bordel, le Styx te vas si bien ! ).
RépondreSupprimer@ Corto 74 : en l'occurrence, pour comprendre l'usage que Renaud Camus fait de ce terme (et du genre), il faut surtout en revenir à l'étymologie (églogue < ex-logos : "hors de la parole" - autrement dit, texte qui émane de la parole, mais aussi qui se situe en dehors du "bavardage commun").
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