J'aime beaucoup mes lectrices (pas forcément toutes), mais je crois qu'elles n'ont rien à faire ici, ce jour. Je parle aux hommes, rien qu'à eux. Parce qu'il va être question de leur mère ; or, seuls les hommes ont une mère véritable : les femmes n'ont rien de plus, en ce domaine, qu'une borne un peu encombrante — ou une rivale quand les dents se mettent à dépasser des gencives.
[Avant d'entrer dans le vif du sujet que je vous propose, il convient de noter que je parle des vraies mères, des supportables, celles qui vivent avec ce qu'on appelle encore un père. Les autres, les isolées, les prédatrices, les laissées pour compte, les j'élève-mon-enfant-tout'-seule ne sont que les pourvoyeuses des cabinets de psychanalystes de demain matin : no way.]
Revenons donc à ceux d'entre nous qui ont eu la chance hasardeuse ("hasardeuse" est pour vous, mes jeunes amis) d'avoir une mère, et non seulement une couveuse solitaire ; une femme avec laquelle on a plus ou moins tenté de grandir, et avec laquelle on va immanquablement vieillir — surtout elle, et c'est la question.
Une mère et son fils passent le temps de manière très différente ; il ne s'étire pas de la même manière, c'est à peine si on se sent frétiller dans le même univers. Et plus le temps s'accélère, moins on... N'étant nullement équipé pour la théorie et le raisonnement, je vais vous prendre un exemple.
Mon premier réflexe, lorsque les gentils brutus (ceux qui travaillent) de l'autoroute A 14 m'ont embastillé et sucré mon permis de conduire, a été de dire à Catherine (et à ma soeur) : "Que ma mère n'en sache rien." Elle n'en a rien su, je crois. Pourquoi cette idée ? J'y ai pensé depuis. Deux raisons apparemment contradictoires :
1) l'homme responsable que je suis devenu ne voulait pas que sa mère vieillissante se ronge les sangs pour rien ;
2) le petit garçon que je suis resté ne se sentait qu'à moitié (et encore) capable d'affronter le regard de reproche qu'il devinait par avance.
Les deux options ne sont pas incompatibles, elles sont même parfaitement complémentaires, et bien articulées l'une à l'autre, je crois. Mais, alors, s'érige la barrière de l'âge. Observez vos mères, mes bons amis. Non, mieux que cela : regardez-les vraiment ; traquez leurs gestes amoindris, leurs yeux plus troubles, leur pas alourdi ; et cette indulgence à votre endroit qui semble devenir moins rieuse, presque un regret — ou alors quelque chose comme un regard s'efforçant de percer le mur du monde, celui ou elles ne seront plus et où vous continuerez à plastronner, au moins à faire semblant.
On ne fait pas tous semblant de la même façon. Je pourrais citer des noms, mais ça n'a guère d'intérêt. L'homme de cinquante ans ne peut avoir la même mère que celui de quarante, mais ils sont proches de se rejoindre ; celui de trente ne peut encore rien comprendre à tout cela — son temps viendra, il est même très proche, mais il n'en sait rien et c'est tant mieux.
Aucun trentagénaire (je viens de l'inventer : je vous l'offre) ne peut deviner la mutation qui l'attend ; comment pourrait-il savoir, petit garçon éternel, qu'il va pourtant devoir, le demeurant, se préparer à devenir l'homme — enfin l'homme, le fort et l'unique — que rien ne l'a préparé à être ? Et comment soutiendra-t-il ce poids de chair et de passé qui continue de le porter — sans même l'idée d'un jugement quelconque ?
[Avant d'entrer dans le vif du sujet que je vous propose, il convient de noter que je parle des vraies mères, des supportables, celles qui vivent avec ce qu'on appelle encore un père. Les autres, les isolées, les prédatrices, les laissées pour compte, les j'élève-mon-enfant-tout'-seule ne sont que les pourvoyeuses des cabinets de psychanalystes de demain matin : no way.]
Revenons donc à ceux d'entre nous qui ont eu la chance hasardeuse ("hasardeuse" est pour vous, mes jeunes amis) d'avoir une mère, et non seulement une couveuse solitaire ; une femme avec laquelle on a plus ou moins tenté de grandir, et avec laquelle on va immanquablement vieillir — surtout elle, et c'est la question.
Une mère et son fils passent le temps de manière très différente ; il ne s'étire pas de la même manière, c'est à peine si on se sent frétiller dans le même univers. Et plus le temps s'accélère, moins on... N'étant nullement équipé pour la théorie et le raisonnement, je vais vous prendre un exemple.
Mon premier réflexe, lorsque les gentils brutus (ceux qui travaillent) de l'autoroute A 14 m'ont embastillé et sucré mon permis de conduire, a été de dire à Catherine (et à ma soeur) : "Que ma mère n'en sache rien." Elle n'en a rien su, je crois. Pourquoi cette idée ? J'y ai pensé depuis. Deux raisons apparemment contradictoires :
1) l'homme responsable que je suis devenu ne voulait pas que sa mère vieillissante se ronge les sangs pour rien ;
2) le petit garçon que je suis resté ne se sentait qu'à moitié (et encore) capable d'affronter le regard de reproche qu'il devinait par avance.
Les deux options ne sont pas incompatibles, elles sont même parfaitement complémentaires, et bien articulées l'une à l'autre, je crois. Mais, alors, s'érige la barrière de l'âge. Observez vos mères, mes bons amis. Non, mieux que cela : regardez-les vraiment ; traquez leurs gestes amoindris, leurs yeux plus troubles, leur pas alourdi ; et cette indulgence à votre endroit qui semble devenir moins rieuse, presque un regret — ou alors quelque chose comme un regard s'efforçant de percer le mur du monde, celui ou elles ne seront plus et où vous continuerez à plastronner, au moins à faire semblant.
On ne fait pas tous semblant de la même façon. Je pourrais citer des noms, mais ça n'a guère d'intérêt. L'homme de cinquante ans ne peut avoir la même mère que celui de quarante, mais ils sont proches de se rejoindre ; celui de trente ne peut encore rien comprendre à tout cela — son temps viendra, il est même très proche, mais il n'en sait rien et c'est tant mieux.
Aucun trentagénaire (je viens de l'inventer : je vous l'offre) ne peut deviner la mutation qui l'attend ; comment pourrait-il savoir, petit garçon éternel, qu'il va pourtant devoir, le demeurant, se préparer à devenir l'homme — enfin l'homme, le fort et l'unique — que rien ne l'a préparé à être ? Et comment soutiendra-t-il ce poids de chair et de passé qui continue de le porter — sans même l'idée d'un jugement quelconque ?
Bonjour Didier,
RépondreSupprimerLa mienne est obnubilée par sa santé, abuse des consultations "gratos" que je lui prodigue et affiche en prime la plus grande méfiance (à raison) à l'encontre du corps médical... ;)
C'était marrant, complètement faux mais marrant.
RépondreSupprimerVous avez l'air de croire (car c'est une croyance, entendons-nous bien) que l'âge (l'âge seul, c'est à dire, cette espèce de compilation dénuée de sens que l'on appelle "vieillir") nous mène tous nécessairement vers la maturité, la compréhension des choses, la mise en perspective. C'est là l'erreur la plus flagrante à mon avis.
Ensuite, il me semble en réalité que tout cela sonne un peu comme une petite psychologie illustrée (le rapport mère-fille par exemple tel que vous l'esquissez est particulièrement caricatural).
En réalité, tout est bien moins compliqué que ce que vous en dites.
(mais, bizarrement, je trouve aussi votre texte relativement émouvant)
Pluton : je crois que c'est une sorte de réflexe parental assez courant. Mon père n'a jamais de mots assez ironiques à l'encontre des journalistes, mais si quelque chose est écrit dans le journal, cela devient une vérité éternelle...
RépondreSupprimerDorham : cet texte (que je viens de relire) est raté, parce que beaucoup trop allusif, trop "je-me-comprends". Résultat : il manque la cible et on ne comprend pas trop où je voulais en venir.
Une fois de plus, énoncer la bonne règle : tout texte écrit le soir (notamment les jours AVEC apéro...) devra mariner une nuit dans le blogo-néant avant d'être publié.
Je devrais le virer, mais je le laisse, à fin de mortification personnelle...
Dorham,
RépondreSupprimerHeureusement que tu es là, je ne savais pas quoi rajouter. Didier parle de trentagénaire qui ne comprennent rien à cette relation avec une mère qu'on peut avoir ensuite : tu es dedans !
Je suis en retard pour le contrôle technique de ma bagnole : je ne veux pas que ma mère le sache de peur qu'elle s'inquiète et qu'elle m'engueule.
A 42 ans...
Non, laissez, c'est bien l'opacité aussi et j'ai toujours apprécier les fluctuations, c'est le charme d'un blog.
RépondreSupprimerParfois, on y est,
parfois, on y est pas, c'est comme ça...
Tu pourrais le refaire au dessus de celui-ci.
RépondreSupprimerComme Catherine...
RépondreSupprimerOn verra si j'ai le courage...
RépondreSupprimer[Avant d'entrer dans le vif du sujet que je vous propose, il convient de noter que je parle des vraies mères, des supportables, celles qui vivent avec ce qu'on appelle encore un père. Les autres, les isolées, les prédatrices, les laissées pour compte, les j'élève-mon-enfant-tout'-seule ne sont que les pourvoyeuses des cabinets de psychanalystes de demain matin : no way.]
RépondreSupprimerVous avez rencontré ma mère ou quoi???
[Avant d'entrer dans le vif du sujet que je vous propose, il convient de noter que je parle des vraies mères, des supportables, celles qui vivent avec ce qu'on appelle encore un père. Les autres, les isolées, les prédatrices, les laissées pour compte, les j'élève-mon-enfant-tout'-seule ne sont que les pourvoyeuses des cabinets de psychanalystes de demain matin : no way.]
RépondreSupprimerTonton, ma mère me fait dire de te dire qu'elle te conchie. Non mais.
et pis merde un smiley pour la peine : :p
tchuss tonton, bonne bourre !
Nefisa : dis à ta mère qu'elle a bien raison ! De toute façon, je suis déjà bien puni : ce texte est mauvais (et le passage incriminé est hors sujet), alors...
RépondreSupprimerMlle Ciguë : ce ne sont pas les exemples qui manquent...
Il n'est pas mauvais, mais Romain Gary et Albert Cohen (entre autres je parle du fond de mon inculture, c'est le jour J pour la Mère Castor)ont si bien parlé de leurs mamans que passer derrière est difficile.
RépondreSupprimerJ'ai lu, je suis une fille, ok, mais j'ai un fils encore jeune, je m'instruis pour la suite.
oui ce texte et mauvais répondit la mère seule laissée pour compte etc... mais son auteur a ses raisons et fera mieux demain n'est ce pas ?
RépondreSupprimerTrès beau texte sur la mère que je suis.....mais d'une fille.
RépondreSupprimerLe lien fils-mère est très fort.
À la première année scolaire de ma fille..on ne voyait que des garçons pleurer quand leur mère les quittaient..
Je crois que les filles ont besoin de plus d'air.
Bcp aimé!
J'attends un texte pour filles et je reviens.
RépondreSupprimerSujet un peu vaste, mais j'aime bien comme vous l'avez traité.
RépondreSupprimerJe ne peux pas vraiment intervenir, (le sujet avait été une fois effleuré), par contre l'éblouissement, le grandiose bonheur que je ressens parfois quand je pense à ma fille, est une bénédiction !
Anna R.