jeudi 22 mai 2008

Apocalypse now à Sainte-Scolasse-sur-Sarthe

C'est une anecdote que j'avais complètement oubliée et que l'Irremplaçable m'a opportunément rappelée, tout à l'heure, entre ma deuxième et ma troisième bière. En janvier 1998, nous avons emmenagé dans la maison que nous venions tout juste d'acheter, à Sainte-Scolasse-sur-Sarthe, qui, comme son nom ne l'indique pas, se trouve être dans l'Orne, à un jet de boudin de Mortagne-au-Perche.

La journée avait bien commencé : nous étions à pied d'oeuvre à huit heures du matin, par un froid de gueux. Les déménageurs arrivent... et embourbent leur camion dans la cour (déserte heureusement) de nos futurs voisins. Nous voilà obligés d'aller sonner à toutes les portes de fermes, afin de trouver un tracteur suffisamment musclé pour nous sortir de cette ornière. Nous trouvons. La journée se passe à aller faire des tours de voiture uniquement pour la joie ineffable de se réchauffer les pieds dans le véhicule en question.

Finalement, les gros bras se tirent, on s'arsouille gentiment, on dîne (probablement à la fortune du pot) et on va se coucher. La campagne est ce qu'elle est de tout temps : étale, accueillante, sereine, silencieuse. Tranchant fort agréablement sur les passages d'avions de lignes qui, l'avant-veille encore, berçaient nos nuits à Villeneuve-la-Garenne. Nous fermons nos jolis yeux rougis.

Et le vacarme se déchaîne. Avions, hélicoptères, projecteurs, vacarme d'enfer : il n'y manque que la chevauchée des Vaches qui rient. Nous réalisons que nous venons de nous faire royalement fourrer, acquérant une maison située à l'épicentre d'un terrain aérien d'entraînement militaire. L'affaire dure plusieurs heures, nous nous endormons à l'aube, prévoyant l'enfer qui nous incombe désormais.

Or, non.

Le lendemain, lorsque nous allons faire quelques courses, l'oeil hagard et le sourire hébété, le village ne bruit que de ces manoeuvres inattendues "que mêmes les plus anciens du village ne se souviennent pas d'en avoir subies de semblables", c'est vous dire.

En effet, durant les trois années que nous passerons là, pareil cirque ne se reproduira plus. Il n'empêche que notre première nuit à Sainte-Scolasse en fut légèrement ternie.

10 commentaires:

  1. Je hais la campagne. Les oiseaux gueulent et les fleurs puent. (Queneau)

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  2. Vos transaminases m'inquiètent...

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  3. C'est une opinion très légitime, fort répandue chez nombre de citadins, et non des moindres.
    Je n'en veux pour preuve que celle d'un peintre à la voix grave et aux mains chaudes.

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  4. Je déteste la campagne, le jour on s'ennuie et la nuit on a peur (Jules Renard)

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  5. Ah, pas mal, mère Castor!

    Quel peintre, Emma ? et qu'a-t-il dit ?

    Je plaisantais: je vis en pleine campagne bretonne au milieu des ajoncs, des genêts et des petits oiseaux. Et comme c'est le moment de la germination du maïs, jour et nuit j'entends en écho, en décalé, trois canons à corbeaux. Le plus proche claque comme un sac de papier qu'on gonfle et qu'on fait éclater, le plus éloigné fait un "bong" bizarre qui vient cogner sur le mur de la maison, mou et étouffé comme un ballon dégonflé qu'un enfant s'obstinerait à shooter, et le troisième produit un son aléatoire qui va du fusil de chasse au volet qui bat. (à moins qu'il n'y en ait un quatrième).La semaine dernière, il y avait l'ensilage.

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  6. Comme quoi il n'y a rien de mieux qu'une bonne campagne militaire.
    Une nouvelle guerre nous ferait du bien hein ! Ça nous changerait au moins un peu de la dernière et de tous ses flonflons usés jusqu'à la corde qui nous pendra tous (ou pas)...

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  7. Chère Suzanne,
    il s'agit de Jean-Paul Marcheschi (d'origine corse, prononcer : Markeski) ; je l'ai rencontré fin avril à Paris (une réunion de quelques lecteurs de Renaud Camus) ; cet artiste est le plus proche ami de l'écrivain. Nous avions été reçus somptueusement (champagne etc) et Flatters (surnom que lui donne R.C.) interrogé sur sa recherche d'atelier (il lui fallait en changer, la Ville récupérait je crois certains locaux...), à ma question sur une plus facile trouvaille à la campagne, m'a répondu avec un accent de grande sincérité : « je déteste la
    campagne », et d'autres paroles pour étayer cette assertion. Je sais que les généralisations sont absurdes, mais comme par hasard, un autre Corse a dit à mon mari qu'il ne pouvait pas dormir quand il revenait sur son île, la peur de ce silence la nuit, l'empêche de dormir.

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  8. Emma

    Merci.
    Je connais Flatters par le Journal de Camus et j'ai vu ses œuvres aussi au château de Plieux, mais je ne savais pas qu'il avait la voix grave et les mains chaudes (c'est très sexy, dit comme ça).

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  9. Quelle chance, il me reste encore, de pouvoir visiter le château de Plieux ! Oui certains êtres irradient.

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  10. J'ai rencontré Jean-Paul Marcheschi à deux reprises, chez lui, et je confirme que c'est un homme particulièrement attachant, d'une belle qualité d'âme et d'une grande intelligence.

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.