mardi 27 mai 2008

Catéchisme pour tous les blogueurs (dont moi)

« Il faudrait ne jamais débattre. Le débat, comme le reste, dans notre univers d'intransitivité galopante, a perdu son complément d'objet. On débat avant de se demander de quoi : l'important est de se rassembler. Le débat est devenu une manie solitaire que l'on pratique à dix, à cinquante, à cent, un stéréotype célibataire en même temps que grégaire, une façon d'être-ensemble, un magma d'entreglose qui permet de se consoler sans cesse de ne jamais atteindre, seul, à rien de magistral.

« (...) Une nouvelle pensée, une pensée magistrale du monde ne peut être discutée, pesée tranquillement, soupesée entre gens de bonne compagnie, amendée, corrigée, nuancée, tripotée, faisandée de pour et de contre jusqu'à ce qu'elle ressemble à une motion de compromis dans une assemblée syndicale ou à la misérable synthèse terminale d'un congrès de parti socialiste. Toute proposition originale est menacée, dans le débat, par ce qui peut lui arriver de pire : un protocole d'accord. Une nouvelle pensée du monde peut et doit être assénée comme un dissentiment irrémédiable, comme une incomptatibilité d'humeur. Il ne faut pas argumenter, il faut trancher dans le vif. Penser, c'est présenter la fracture. »

Philippe Muray, Moderne contre moderne (Exorcismes spirituels IV), p. 164, Belles-Lettres.

[Ce texte, recopié par moi, peut être lu comme une sorte de "critique au miroir", de vague remords, d'aveu de lâcheté, de faiblesse reconnue et pas totalement assumée...]

26 commentaires:

  1. On attend les commentaires... dans une exquise angoisse.

    RépondreSupprimer
  2. Maîtresse : les votres peut-être, non ?
    Didier : Ph.Muray a une force indéniable, mais pourquoi vous battez-vous la coulpe ?

    RépondreSupprimer
  3. J'oubliais : du Muray moi j'en redemande, quelle bonne idée de nous en donner des extraits ces jours prochains ; du La Bruyère aussi, et de tout ce que vous pouvez trouver de bien (pas de Bégaudeau, laissez-le à vos relations gauchistes, ils doivent nager dans une satisfaction totale).

    RépondreSupprimer
  4. Faites comme Georges. N'acceptez que les faisandages de basse cour. Maîtresse y est experte.


    Marcel

    RépondreSupprimer
  5. Pfff
    pensée magistrale du monde mon cul.

    RépondreSupprimer
  6. Emma : il y en aura d'autres. Au moins pour vous...

    Marc : je suppose que votre commentaire est à lire comme une approbation de ce que dit Muray ?

    RépondreSupprimer
  7. Non, pas du tout ! Quand je lis de gros prétentieux (comme P. Muray) qui se prennent pour Nietzsche (qui, lui, est si difficile à saisir vraiment qu'il réchappe effectivement de tout débat) et qui parlent de "pensée magistrale du monde" alors qu'ils n'ont jamais produit que de grotesques caricatures sociales, alors comme Zazie devant Napoléon, plutôt que d'enlever mon chapeau, je préfère montrer mes fesses.

    RépondreSupprimer
  8. Je ne connais pas Muray, j'en avais seulement entendu parler. Un peu déçu. C'est de l'anticonformisme assez conformiste ma foi. Je voyais ça plus percutant.
    Je pense à la harangue d'un directeur de marketing s'adressant à ses cadres commerciaux, réunis un lundi matin, dans un salon de Novotel sis dans une zone industrielle.
    Le reste sera sans doute (je l'espère) plus à la hauteur de sa réputation.

    RépondreSupprimer
  9. Henri : il ne faut pas accuser Muray, mais plutôt mettre en doute la pertinence du choix de son actuel compilateur...

    Marc : j'ai vu que vous préfériez aller chercher votre "vision du monde" dans Le Monde diplomatique et chez Noam Chomsky. Par conséquent, tout est cohérent.

    RépondreSupprimer
  10. Le Diplo et Chomsky : entre autres, entre autres !

    RépondreSupprimer
  11. C'est que je ne me prive jamais d'une bonne lecture. Ensuite les gens mettent leurs étiquettes, ça les rassure et leur fait plaisir, qu'y puis-je moi mon bon monsieur ?

    RépondreSupprimer
  12. Vous n'y pouvez rien, en effet...

    RépondreSupprimer
  13. non, Henri, détrompez-vous, les harangues d'une bande de commerciaux ne ressemblent en rien à ces exorcismes. Je n'en connais pas un, qui aurait trouvé l'expression "les mutins de Panurge".

    Pour la minuscule anecdote.
    J'ai trouvé dans une boutique qui se pique d'être équitable et durable, le 19ème siècle à travers les âges pour une somme modique (4 euros).

    M.Goux, vous avez des lecteurs de compilation exigeant!

    RépondreSupprimer
  14. Tiens ! J'arrive en retard. Mais je suis presque d'accord. Le débat dans les blogs n'est jamais très intéressant ! D'ailleurs, mon blog s'appelle "Partageons mon avis"... aussi quand d'autres viennent débattre en étant totalement opposé à ce que je dis m'amuse beaucoup : ils dépensent de l'énergie pour rien.

    RépondreSupprimer
  15. Je ne suis pas d'accord avec vous Didier, mais je ne le ferai pas avoir ...



    iPidiblue dégoût du monde et des couleurs

    RépondreSupprimer
  16. Je tiens à préciser une nouvelle fois (et cela vaudra pour les jours à venir) que je me contente de soumettre des extraits à l'appréciation générale : ce n'est pas moi qui parle.

    Il peut donc m'arriver de ne pas être tout à fait en accord avec ce que je donne à lire, voire de ne pas très bien le comprendre. C'est notamment le cas, en ce qui concerne Muray, avec ses théorie sur la fin de l'Histoire.

    RépondreSupprimer
  17. Moi non plus je ne suis pas d'acord avec moi tous les jours, mais vous savez je passe là-dessus ...

    iPidiblue vieil habitué de soi-même

    RépondreSupprimer
  18. "grotesque caricature sociale"
    hihihi, Nietzsche aussi, dans un sens n'a fait que cela (et il n'est pas si difficile à lire, allons) d'ailleurs, n'importe qui voulant décrire le monde actuel, doit produire de la "grotesque caricature sociale" qu'il le veuille ou non, car il n'y a plus que cela qui fasse office de réalité. Finalement, il n'y que les impuissants qui ne peuvent pas grossir les traits, ceux qui se prennent terriblement au sérieux, incapable de rire, car pures caricatures.

    RépondreSupprimer
  19. il sorpasso : c'est en tout cas exactement la position de Muray lui-même, comme vous le savez forcément.

    RépondreSupprimer
  20. Bien, je ne sais pas. Pour ma part, je demande à voir, les extraits sont, il est vrai, toujours trompeurs, mais pour l'instant, rien qui m'inclinerait particulièrement à la lecture de cet auteur... Cependant, comme vous avez, Didier, promis une série, je m'en réjouis, cela tombe bien.

    Je réserve donc mon jugement :-)...

    Bonne journée !

    RépondreSupprimer
  21. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

    RépondreSupprimer
  22. (Suivi mail, pardon : deux fois, car deux fois même erreur, aie, suis tête en l'air..)

    Pour "l'aveu de lâcheté", comme d'ailleurs, pour ce qui est dit ici : de ce que les conditions de débat soient rarement réunies (sur les blogs comme ailleurs) faut-il réellement conclure qu'"il ne faudrait jamais débattre" ou... que les conditions du débat sont rarement réunies ;-) ?

    Pour ce qui est de "la pensée magistrale du monde" (dont il faudrait toutefois déterminer plus avant la "nature" me semble-t-il) qu'elle ne puisse sans dommage être soumise à "n'importe quel" débat, certes, mais, de la même manière, n'est-il pas de toute façon absurde d'en placer le lieu d'entente comme étant d'abord celui des assemblées ou des congrès ? D'où vient cette idée saugrenue qui fait (apparemment) naître tant d'amertume ?

    RépondreSupprimer
  23. Je crois chère Albertine que la pensée du politiquement correct c'est de la pensée magique !

    iPidiblue farces et attrapes

    RépondreSupprimer
  24. "Ce texte, recopié par moi, peut être lu comme une sorte de "critique au miroir", de vague remords, d'aveu de lâcheté, de faiblesse reconnue et pas totalement assumée..."

    Vous conformez-vous à l'anti-conformisme ? ça craint...

    RépondreSupprimer
  25. Bon ! Vue la masse de commentaires, - "à côté" ou pas d'ailleurs -, on a bien compris qu'aucune "nouvelle pensée, ou pensée magistrale du monde" n'avait surgi de ce billet.

    Marcel... silencieux...parfois

    RépondreSupprimer
  26. Bon, je vais faire pencher la balance de l'autre côté. J'ai adoré "Exorcismes spirituels IV", même si tout n'est pas d'égale qualité (et même si je ne partage pas toujours les opinions de l'auteur).
    Je me régale de sa plume incisive qui, tel un scalpel, met à nu bien des travers - rigolos ou dramatiques - de notre société.
    Voir, par exemple, les chapitres suivants : "Nul n'est tenu de rester dans l'incarnation", "Le mariage transformé par ses célibataires mêmes", "Précaution (Principe de) in "L'avenir tel qu'il parle, "Nuit blanche gravement à la santé", etc., etc. Pour les soirs de cafard, je recommande la lecture de "Le sourire à visage humain" ! Personnellement, j'ai un petit faible pour "Dieu merci" dont voici les premières phrases (pardonnez-moi Didier, j'empiète un peu sur votre terrain ...) :
    "Les dernières nouvelles de Dieu ne sont pas bonnes. J'entends le vrai Dieu, je veux dire le mien, non l'un ou l'autre des bouffons démiurgiques plus ou moins excités qui prétendent s'égaler à Lui, et même le surpasser, et convertir tout le monde à coups d'explosions islamiques ou d'amargeddonisme pour obèses américains et véliplanchistes nés deux fois".

    Sinon, j'ai aussi beaucoup aimé un autre ouvrage de Muray, celui intitulé "Festivus, Festivus", livre d'entretiens (conversations) avec Elisabeth Lévy.

    RépondreSupprimer

La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.