dimanche 25 mai 2008

Coupable négligence

Je crois ne vous avoir jamais fait part de cette anecdote, qui me ravit d'autant plus qu'elle est rigoureusement authentique. Elle met en scène un éditeur connu et respecté, lequel pousse le sens littéraire jusqu'à m'avoir refusé (courtoisement) le manuscrit d'un roman, il y a une douzaine d'années.

La scène se passe dans le restaurant où l'éditeur en question, appelons-le F, a invité deux de ses auteurs à déjeuner. L'un est jovial, disert, mange de bel appétit. L'autre tire une tête de six pieds de long, a le teint fleuri d'un cadavre fraîchement déterré, ne s'intéresse pas à la conversation, répond à peine par monosyllabes, ne touche quasiment pas aux plats qui lui sont servis. Au point que F finit par lui demander s'il a un problème, des soucis, une gastrite, que sais-je encore.

L'écrivain à la triste figure annonce alors aux deux autres convives qu'il a perdu son fils unique trois mois plus tôt et qu'il ne parvient pas à remonter la pente de son désespoir. Alors, l'autre auteur, levant les deux bras au plafond :

- Ne faire qu'un seul enfant : cher ami, mais quelle imprudence !

6 commentaires:

  1. Pauvre homme!

    En quoi cette anecdote vous ravit-elle, espèce de sans coeur ?

    Seriez vous inspiré, en ce joli dimanche de mai, par l'esprit grinçant et l'humour infanticide de Léautaud ?

    "Rue Jacob, toute la gamme ! J’ai un piano au-dessus de moi, un nouveau-né qui hurle, au-dessous également, - où donc se balade le microbe du croup ? "

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  2. Suzanne : c'est évidemment la réaction finale de l'auteur qui me comble, et non la mésaventure arrivée à l'autre. Sinon, je suis aussi un assidu lecteur de Léautaud...

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  3. C'est pas la fête des pères, aujourd'hui ?

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  4. "Sinon, je suis aussi un assidu lecteur de Léautaud..."

    je me doutais bien que vous n'aviez pas que des vices...

    Suzanne

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  5. Quelle horreur !
    Je sais, c'est un peu court, mais là, tout de suite, les bras m'en sont tombés ... et c'est pas facile d'écrire comme ça !

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.