Situation à front renversé (ce qui n'a rien à voir avec un quelconque 69 (en l'occurrence)) : entre six et sept heures, j'étais à la maison, attendant l'Irremplaçable retour de Levallois-Perret. Il va de soi - on me connaît - que j'en ai profité pour rompre le jeûne et me prendre un (deux) petit (gros) Ricard.
[Pause : un jour, je vous expliquerai l'incroyable économie que font les ivrognes patentés qui ont arrêté de boire et soudain s'y remettent pour un soir : deux pastis leur font le bénéfique effet d'un tiers de litre auparavant - c'est jouissif...]
Bref, durant cette libation, j'ai écouté ma jeunesse. Rien de très magique : j'ai simplement eu à poser dans la machine idoine le disque de Monique Morelli (ne cherchez pas : les moins de 50 ans peuvent à peine connaître et les autres s'en foutent) chantant d'abord François Villon et, ensuite, Tristan Corbière.
Pour la première fois, me souvient-il, Corbière m'a davantage secoué que Villon - ce que je n'aurais pas cru possible. Sans doute parce que Tristan est moins fort que François, vaincu d'avance (plus maladroit aussi, moins "maître"). Parce qu'il écrit sur ce qui lui est refusé de vivre : une sorte d'idéal de virilité (les marins, en l'occurrence), qu'il est conduit à exalter, et même à caricaturer, mais de manière profondément douloureuse, sans le moindre ricanement, sans presque de distance - et même sans la moindre : Corbière "colle" à ce point à ce qu'il écrit qu'on doit bien y adhérer. Sa poésie lui sert à la fois de poumon et de bateau, et c'est bien ce qu'elle doit être, il me semble : une respiration, un appel d'air, tout autant un appel du large, une errance souvent mortelle (chez Corbière, en tout cas, qui joue des clichés (une femme dans chaque port), pour conduire chacun à une mort tellement prévue qu'elle en devient plus douce, acceptée d'emblée en tout cas).
Finalement, dans ce magnifique poème (d'autant plus qu'il est un peu maladroit, presque scolaire) qu'il intitule Épitaphe, il se place, de façon manifeste, ostentatoire, pitoyable, et magnifique, sous l'égide de Villon. Mais sans faire référence à l'Épitaphe de son devancier :
Frères humains qui après nous vivez
N'ayez les coeurs contre nous endurcis...
Corbière place en fait son Épitaphe sous le haut patronage de la Ballade du concours de Blois :
Je meurs de soif auprès de la fontaine
Chaud comme feu et tremble dent à dent
En mon pays suis en terre lointaine
Près d'un brasier frissonne tout ardent
Tristan répond humblement, fait écho, tente de conclure, sait qu'il ne le pourra pas, qu'il n'est pas de force - néanmoins y va tout de même :
Il mourut en s'attendant vivre
Et vécut s'attendant mourir
Finalement, ils se rejoignent. L'un, aspirant à un cimetière marin, soit à nulle part, sera dûment enterré à une tombe précise ; l'autre, terrien, enraciné de la rue Saint-Jacques, se dissoudra dans l'air du temps.
Et nul ne connaît la sépulture de François Villon, pas davantage qu'on ne sait où se trouve l'océan rédempteur de Tristan Corbière. C'est peut-être au même endroit, mais rien n'est moins sûr.
[Les maigres extraits de poèmes cités sont dénués de ponctuation, parce que j'ai eu la flemme d'aller les chercher ailleurs que dans ma mémoire défaillante.]
[Pause : un jour, je vous expliquerai l'incroyable économie que font les ivrognes patentés qui ont arrêté de boire et soudain s'y remettent pour un soir : deux pastis leur font le bénéfique effet d'un tiers de litre auparavant - c'est jouissif...]
Bref, durant cette libation, j'ai écouté ma jeunesse. Rien de très magique : j'ai simplement eu à poser dans la machine idoine le disque de Monique Morelli (ne cherchez pas : les moins de 50 ans peuvent à peine connaître et les autres s'en foutent) chantant d'abord François Villon et, ensuite, Tristan Corbière.
Pour la première fois, me souvient-il, Corbière m'a davantage secoué que Villon - ce que je n'aurais pas cru possible. Sans doute parce que Tristan est moins fort que François, vaincu d'avance (plus maladroit aussi, moins "maître"). Parce qu'il écrit sur ce qui lui est refusé de vivre : une sorte d'idéal de virilité (les marins, en l'occurrence), qu'il est conduit à exalter, et même à caricaturer, mais de manière profondément douloureuse, sans le moindre ricanement, sans presque de distance - et même sans la moindre : Corbière "colle" à ce point à ce qu'il écrit qu'on doit bien y adhérer. Sa poésie lui sert à la fois de poumon et de bateau, et c'est bien ce qu'elle doit être, il me semble : une respiration, un appel d'air, tout autant un appel du large, une errance souvent mortelle (chez Corbière, en tout cas, qui joue des clichés (une femme dans chaque port), pour conduire chacun à une mort tellement prévue qu'elle en devient plus douce, acceptée d'emblée en tout cas).
Finalement, dans ce magnifique poème (d'autant plus qu'il est un peu maladroit, presque scolaire) qu'il intitule Épitaphe, il se place, de façon manifeste, ostentatoire, pitoyable, et magnifique, sous l'égide de Villon. Mais sans faire référence à l'Épitaphe de son devancier :
Frères humains qui après nous vivez
N'ayez les coeurs contre nous endurcis...
Corbière place en fait son Épitaphe sous le haut patronage de la Ballade du concours de Blois :
Je meurs de soif auprès de la fontaine
Chaud comme feu et tremble dent à dent
En mon pays suis en terre lointaine
Près d'un brasier frissonne tout ardent
Tristan répond humblement, fait écho, tente de conclure, sait qu'il ne le pourra pas, qu'il n'est pas de force - néanmoins y va tout de même :
Il mourut en s'attendant vivre
Et vécut s'attendant mourir
Finalement, ils se rejoignent. L'un, aspirant à un cimetière marin, soit à nulle part, sera dûment enterré à une tombe précise ; l'autre, terrien, enraciné de la rue Saint-Jacques, se dissoudra dans l'air du temps.
Et nul ne connaît la sépulture de François Villon, pas davantage qu'on ne sait où se trouve l'océan rédempteur de Tristan Corbière. C'est peut-être au même endroit, mais rien n'est moins sûr.
[Les maigres extraits de poèmes cités sont dénués de ponctuation, parce que j'ai eu la flemme d'aller les chercher ailleurs que dans ma mémoire défaillante.]
Bon, un peu de calme, ici, on dirait. Pourvu que ça dure ! Question bête (nan, vraiment bête) : ce petit gadget avec plein de drapeaux qui défilent sert à quoi ? A inciter la fraternisation trans-frontalière de tout le genre humain ? C'est beau ! (Serait-ce le Ricard qui vous fait ainsi verser à l'ultra-gauche ?)
RépondreSupprimerSi les vigilants lisent ça, ça va encore aller mal, je le sens...
(Prenons tout de même quelques précautions : Je plaisante, mes amis !)
C'est censé me dire combien de visiteurs j'ai eux et d'où ils viennent (sauf qu'il faut diviser le nombre au moins par quatre à cause des petits robots, ou je ne sais quoi : en fait, je m'en contre-pignole).
RépondreSupprimerQuant au Ricard, ça fait une semaine que je n'y ai pas touché (sauf ce soir, hé ! hé ! hé !).
Pour ce qui est des vigilants, il faut qu'ils sachent qu'ici ils ne sont que des trolls !!! Donc, pas de précautions : foncez, mon bon !
4 Etats-Uniens et 1 Egyptien sur votre : chapeau !
RépondreSupprimerJ'espère que vous vous serez débarrassé du chewing-gum qui s'était collé sous votre semelle, cet aprèm'. Il semblait bien collant. A côté, vous n'êtes qu'un minuscule troll !
Tout ce que l'on sait de Villon, c'est qu'il n'est pas mort à Paris d'où il fut banni une dernière fois pour toute (et où il était trop connu pour faire un cadavre non identifié)
RépondreSupprimerQuant à Corbières, à sa mort, il y avait un triste temps sur l'amer...