jeudi 29 octobre 2015

…Plutôt que le Zambèze


Journal de septembre, avec de vrais morceaux de Corrèze dedans.

lundi 26 octobre 2015

Les Fous du roi, de Robert Penn Warren


Découvrir l'existence d'un grand écrivain n'est pas, à mon âge, une expérience que l'on fait tous les jours : d'une manière générale, même ceux que l'on n'a pas pris la peine de lire encore, on connaît au moins leurs noms. On ne les a pas lus pour des tonnes de raisons, parce qu'on avait des choses moins importantes à faire, parce que la personne qui nous a recommandé tel ou tel l'a fait avec des phrases qui sonnaient mal, un petit sourire déplaisant, ou simplement parce que le temps a manqué.

Le temps ne manque pas dans le maître roman de Robert Penn Warren, écrivain “sudiste” américain, dont le nom m'était resté inconnu jusqu'à ce que, le mois dernier, une main généreuse ne mît Les Fous du roi dans la mienne. C'est même lui le principal personnage de ces cinq cents pages serrées, lui qui agite, ballote et emporte tous les autres comme un ressac. Il n'est probablement pas innocent que le roman se termine sur le mot Temps, comme dans celui de Proust et nanti de la même majuscule initiale. Voici la dernière phrase : « Bientôt, dans un moment, nous sortirons de la maison pour nous jeter dans la fournaise du monde ; après en être sortis, nous rentrerons dans l'histoire et nous affronterons le verdict inexorable du Temps. » Sortir de la maison pour se jeter dans la fournaise du monde, c'est ce qu'on appelle généralement une naissance. Tous les événements, anodins ou tragiques, d'avant cette phrase ultime auraient eu lieu in utero ? Ce n'est pas impossible, je dispose d'un autre indice.

Mais, avant, il faut tout de même planter un peu le décor. Nous sommes dans la seconde moitié des années trente, dans un État du Sud dont Willie Stark, dit “le Patron”, une sorte de bouseux idéaliste, a, contre toute attente, réussi à se faire élire gouverneur, avec la volonté sans doute sincère de lutter contre la corruption, les trafics d'influence, les chantages, combines et autres crapuleries qui sont la règle – et auxquels, bien entendu, il n'échappera pas lui-même, en le sachant fort bien. Stark, du reste, affirmera, vers le milieu du roman, que le Bien, dans notre monde, ne jaillit jamais que du Mal, qu'il ne peut pas avoir d'autres sources. Et puis, ceci (p. 472) : « Bien sûr, rétorquait le Patron d'un air dégagé, bien sûr, nous distribuons quelques pots-de-vin, mais juste assez pour faire tourner les roues sans qu'elles grincent. Et rappelez-vous ceci : jamais une machine construite par l'homme n'a fonctionné sans une déperdition d'énergie. » Et, dès le paragraphe suivant : « On pourrait appeler ça : théorie de la neutralité morale de l'histoire. Une méthode, en tant que méthode, n'est ni moralement bonne, ni moralement mauvaise. Nous pouvons juger les résultats, non la méthode. L'individu moralement bon est susceptible de commettre une action qui est mauvaise. Il se peut qu'un homme doive vendre son âme pour acquérir le pouvoir de faire le bien. La théorie du coût de l'histoire, la théorie de la neutralité morale de l'histoire, il fallait un génie pour les concevoir, un génie capable de respirer l'air raréfié des cimes enneigées, d'endurer les coups de bec des busards qui viendraient lui boulotter le foie, lui crever les yeux. »

Autour de ce roi gravitent les fous, dont le narrateur, Jack Burden, mi-journaliste, mi-historien. Tous sont pris dans un insidieux va-et-vient entre le présent et différents passés, que Penn Warren mêle, entrelace avec une science du temps dont peu d'écrivains sont capables (Flaubert parfois ; Tolstoï souvent et superbement ; Dostoïevski ou Proust jamais) ; il manie l'incertitude temporelle sans que jamais le lecteur ne s'y perde, le présent allant fouiller le passé, lequel ressuscite un passé encore plus ancien, qui va revenir frapper et détruire les protagonistes du présent. Du reste, y a-t-il réellement un présent ? Dès les deux premières phrases du roman, Penn Warren nous dit qu'on ferait mieux de ne pas trop construire de certitudes là-dessus (c'est moi qui souligne) : « Pour s'y rendre, on sort de la ville par la route nationale 58, direction nord-est ; c'est une bonne route, neuve. Ou plutôt elle l'était ce jour-là. » Dès l'entrée, donc, les différentes époques deviennent des sous-ensembles flous, pour reprendre le titre de Jacques Laurent ; le temps n'est plus disposé en strates, tel un empilement géologique, mais plutôt comme des liquides de densités légèrement différentes : les personnages, à commencer par Jack Burden, découvriront le prix à payer quand on s'occupe de vouloir les agiter. Du mélange momentané ainsi créé ne peut sortir que la violence, les regrets, des malentendus longtemps enfouis, la mort.

Y a-t-il réellement un présent ? Reposons la question. Ce que nous croyons avoir vécu avec les protagonistes a-t-il réellement eu lieu, ou n'était-ce qu'un préambule avant l'irruption dans le monde, qui clôt le roman ? Et si cette ductilité du temps, magistralement à l'œuvre d'un bout à l'autre du livre, n'était que le signe d'un état finalement a-temporel ? Penn Warren ne nous interdit pas de le penser, et même semble discrètement nous y inciter, si l'on s'avise de rapprocher l'une de l'autre une phrase de la page 22 (éditions des Belles Lettres, 2015) et celle qui ouvre l'ultime paragraphe du roman (p. 523). Les voici :

« Voilà comment j'ai vu Mason City, il y a trois ans environ, pendant l'été 1936. »

« Ainsi, quand viendra l'été de cette année 1939, nous aurons quitté Burden's Landing. »

Où le présent du récit pourrait-il prendre place entre ces deux ?

Je ne dirai rien des autres personnages, de leurs rapports, leurs interactions sans cesse rendues incertaines par la toile d'araignée temporelle, qui vibre au moindre contact et attire le monstre tapi : cela outrepasserait le temps que je puis consacrer à cette note, et probablement aussi mes capacités. Il aurait aussi fallu parler de l'écriture, du style de Penn Warren, de son sens de la métaphore ou de l'image à la fois étrange et d'une justesse imparable. Je me contenterai d'un citer une, prise (p. 46) presque au hasard parmi cent (c'est encore moi qui souligne) : « Assis en rond, nous remuions les cuisses sur le crin de cheval ou sur les sièges cannés, le regard fixé sur le plancher de bois blanc ou sur les motifs du linoléum tout neuf, comme si nous assistions à des funérailles et que nous devions de l'argent au défunt. »

Le livre refermé, il s'accomplit cette sorte de miracle : une brève mais violente nostalgie saisit le lecteur, de cette partie d'échecs dont il ne voulait pas croire qu'elle pût avoir une fin ; et il éprouve une certaine réticence à se replonger tout de suite dans la fournaise du monde.

samedi 24 octobre 2015

Petit voyage en islamie et à Disneylang

Extrait de mon journal du jour (huit heures du soir) :

[…] En dehors de ça, j'ai lu le livre que Michel Leter vient de faire paraître aux Belles Lettres et qui s'intitule Tout est culture, volume accompagné d'une aimable dédicace, probablement due à ce que j'avais pu dire, ici même, du tome premier de son travail remarquable sur le Capital de Marx. Il s'agit de chroniques déjà anciennes (1989 – 1999), sur des thèmes apparemment divers, mais en fait rigoureusement articulés entre eux. L'auteur y fait preuve d'une érudition que mes confrères gazetiers qualifieraient automatiquement de sans faille, s'il leur prenait l'idée d'ouvrir, et de lire, un tel livre, ce que je les encourage à faire, par ailleurs. Leter s'en prend de façon réjouissante à Malraux – ce qui n'est pas très difficile, je crois –, puis à Voltaire, ce qui demande déjà plus de culture et de doigté. Voltaire lui permet d'aborder le thème périlleux de l'islam, dont il paraît avoir une connaissance réelle et profonde, ce qui change agréablement des imprécations des uns et des sentences bénisseuses des autres. J'ai failli oublier de dire que la première partie du livre, consacrée à cette saloperie modernœuse qu'est le culturel, s'intitule Disneylang, et nous ramène, par des chemins plutôt boueux, au Cochons-sur-Marne de Léon Bloy : un homme qui peut ramasser et organiser autant d'idées en un mot si justement trouvé mérite assurément d'être lu – et c'est ce que j'ai fait.

mercredi 21 octobre 2015

On se risque sur le chinois ?


Le choix du film que nous allons regarder le soir même à la télévision obéit chaque jour à un rituel qui, pour n'être pas intransgressible, n'en est pas moins prégnant. Il se met généralement en place dès le début de la matinée, au moment où l'un des deux grands prêtres du culte a l'idée de s'emparer du magazine dédié à la présentation des programmes, afin d'y éliminer d'emblée ce qui n'est pas strictement cinématographique, ainsi que tout ce qui semble s'apparenter, de près ou de loin, à une production française ; ce dernier ostracisme n'étant nullement le fruit d'un quelconque snobisme, mais la conséquence de quelques douloureux échaudages. Ensuite, il se renferme dans un silence qu'il ne lui appartient pas de rompre.

La seconde phase du rite, qui est sa partie proprement opératoire, intervient un peu plus tard, plutôt vers le mitan de l'après-midi, quand le second grand-prêtre empoigne à son tour le magazine, en prononçant la phrase consacrée : « Tu as vu quelque chose, pour ce soir ? » Le premier officiant est alors tenu d'énoncer aussi clairement que possible – s'il s'en souvient, ce qui n'est pas toujours le cas –  les titres et avantages des deux ou trois longs métrages, ou épisodes de série, qu'il a sélectionnés ; parmi lesquels, généralement, le second officiant procède au choix définitif. Par exemple, aujourd'hui que je tenais le rôle du premier officiant, j'ai répondu à la question de Catherine : « À mon avis, soit on se risque sur le chinois de la 24, soit on revient à Rome. » Après réflexion et consultation des oracles, le chinois l'a emporté d'une courte natte.

Ce qui a joué en défaveur de la superbe série créée par John Millius, c'est que nous venons de recevoir le coffret “blue-ray” de la deuxième saison, et malheureusement dernière, ce qui fait que nous pouvons en regarder les dix épisodes n'importe quand, c'est-à-dire de préférence un soir où les deux grands prêtres du culte s'avoueront impuissants à préférer, dans les programmes du jour, une daube à toutes les autres. Qu'il me soit permis, au passage, de remercier M. Desgranges, pour m'avoir vivement encouragé, il y a déjà quelque temps, à découvrir cette merveille, dont il m'arrive, tant elle est réaliste, de regretter qu'elle ne fût point dialoguée en latin.

Quant au film chinois dont nous allons tenter la découverte dans quelques heures, il s'intitule A Touch of Sin et la réalisation en est due à Jia Zhang Ke, bien connu des amateurs. Le résumé dit ceci : « Quatre Chinois, excédés par la corruption des puissants et les mauvais traitements qu'ils subissent, se révoltent et utilisent les grands moyens. »

Ça va chier.

lundi 19 octobre 2015

Didier Goux aggrave son cas


Voici le livre que ce salaud vient de commander en un clic, et sans que sa main tremble. Cet indécrottable vert-de-gris, malhabilement camouflé sous les traits patelins d'un aimable pré-retraité de la presse joyeuse, avait déjà lu Les Décombres au début des années quatre-vingt, dans l'édition (tronquée) qu'en avait donnée Pauvert. Bien que fermement de gauche, alors, il avait trouvé le livre remarquable, ce qui montre bien la profonde schizophrénie idéologique et morale de ce centaure maladif. Cependant, notre homme a une excuse valable pour cet achat nauséabond : il lui faut bien passer sans trop d'ennui les trois mois qui nous séparent encore de la parution, dans une nouvelle traduction, de Mein Kampf, qui tombera dans le domaine public en janvier prochain. 2016, une année qui commence bien, éditorialement parlant ; des chefs-d'œuvre comme s'il en pleuvait…

jeudi 15 octobre 2015

Shakespeare nous parle


La traduction de l'extrait de Troïlus et Cressida qu'on va lire est de Jean-Michel Deprats ; elle diffère sensiblement de celle, classique, du fils Hugo. Par exemple, et c'est important ici, Deprats traduit le Degree anglais par son équivalent français, “degré” (auquel il confère la majuscule initiale) ; alors que Hugo lui préfère un terme sans doute plus explicite, mais aussi plus restricif, celui de “hiérarchie”. L'extrait appartient à la troisième scène du premier acte, c'est Ulysse qui parle :


Oh ! quand le Degré est ébranlé,
Qui sert d'échelle à tous les hauts desseins,
L'entreprise est malade ! Comment les communautés,
Les grades [degrees] dans les écoles et les corporations dans les villes,
Le commerce pacifique entre des rivages séparés,
Le droit d'aînesse et de naissance,
Les prérogatives de l'âge, les couronnes, les sceptres, les lauriers
Pourraient-il, sans degrés, rester à leur place authentique ?
Supprimez seulement le Degré, faussez cette corde,
Et écoutez la dissonance : toutes choses s'entrechoquent
Avec une obstination stupide ; les eaux, naguère contenues,
Gonflent leurs seins au-dessus des rives
Et donnent à la terre ferme l'inconsistance d'une soupe ;
La Force devient le Droit, ou plutôt le juste et l'injuste,
Dont l'éternel écart est le lieu même de la justice,
Perdent leur nom, et Justice le sien.


Ce qu'Ulysse décrit ici, c'est ce que René Girard nomme une crise des différences, laquelle, en s'étendant et s'aggravant, ne peut que déboucher sur des rivalités mimétiques de plus en plus nombreuses et violentes. Le seigneur d'Ithaque parle de nous : le simple fait que nous ne cessions plus d'invoquer les différences, pour les glorifier comme des veaux d'or, montrent bien qu'elles s'effacent un peu plus chaque jour, tendent à disparaître, cependant que, parallèlement, la guerre de tous contre tous se dissimule de moins en moins, tout en prenant le sobriquet substantivé de vivre ensemble. Shakespeare ne serait pas dépaysé.

samedi 10 octobre 2015

Plaidoyer exhumé



En tapant le nom d'Alain Delon dans Google, je suis tombé – dernier article de la première page – sur un billet vieux de deux ans, que j'avais tout à fait oublié. Comme je suis, pour des raisons professionnelles, plongé depuis quelques jours dans sa biographie, je me suis dit qu'il n'y avait pas de raison pour que j'y demeurasse seul. Revoici donc ce Plaidoyer pour Alain Delon, du 20 septembre 2013 :

Il était, et est resté longtemps, d'une beauté que l'on disait volontiers solaire, peut être parce que Plein Soleil l'a révélé. Il avait en tout cas un sourire, une mèche, des yeux et un corps à vous faire regretter, parfois, de n'être pas homosexuel. Encore que non, à la réflexion : si nous l'avions été, homosexuel, la frustration aurait sans doute été terrible de n'avoir aucune chance de le rencontrer jamais ; quant à devenir femme pour approcher l'idole, le prix à payer aurait tout de même été bien lourd. Mais, du jour au lendemain, Delon était là ; la veille, inconnu ; le jour d'après, il ne faisait pas partie du paysage : il était un paysage nouveau à soi seul. Pour devenir acteur indispensable, il n'a même pas eu besoin d'aller faire le guignol chez Godard, même s'il y est finalement allé ; après un fécond détour par chez Visconti, il s'est contenté de décrocher de la patère le costume croisé qui pendait à côté de ceux de Gabin, de Blier et de Ventura : l'affaire était faite.

De sa beauté, les folliculaires disaient aussi qu'elle était insolente. Mais il l'était tout entier, insolent, et l'est demeuré. C'est avec insolence qu'il s'est mis à gagner beaucoup d'argent, à s'instituer star, à parler de Delon comme d'un autre que lui (et personne ne semble avoir vu qu'il pouvait s'agir là d'une preuve de profonde humilité, d'étonnement incrédule face à soi-même) ; Delon rajeunissait, se mettait à jouer, et devait bien rire des trépignements que ses poses et ses écharpes blanches suscitaient dans les cercles vertueux et grisâtres qu'il traversait en dansant.

Et puis, la loi commune étant ce qu'elle est, Delon s'est mis à vieillir. De Delon tout court, il est peut-être redevenu Alain Delon, comme au début. Le panache ne l'a pas quitté pour cela, il n'a cherché à rien esquiver, et surtout pas le pathétique de la grandeur déchue. Il dit assez simplement, dès que l'occasion lui est offerte, la douleur et la déception qu'il y a, quand on vit encore et que tous les autres sont morts, à se savoir appartenir au passé, au patrimoine ; il ne craint pas d'exposer sans fleurs les désarrois de la vieillesse, de toutes les petites pertes irrémédiables qui se succèdent en bon ordre.

Alain Delon est une belle figure, même aujourd'hui où le soleil s'avance vers son crépuscule, et qu'il le sait. 

vendredi 9 octobre 2015

Une vraie décision de réacs


C'est une décision qui fut prise, entre crémant et riesling, presque sans y penser : nous allions ranimer la France, celle des blouses de commerçant au sourire emprunté et des petits costumes d'adolescents assis sur des tonneaux. Au moins, faute de ressusciter ces fantômes posant, nous voulions soudain leur rendre leur temps, le temps réel, charnel, incertain, changeant, celui du soleil impavide et des endormeuses saisons. Comment sommes-nous venus à parler de ce couple modernœud, d'une sottise d'airain : l'heure d'hiver / l'heure d'été ? Ne sais. Mais la décision fut prise, lorsque sonnerait bientôt le moment de la retraite, c'est-à-dire celui de la délivrance du monde, de nous en affranchir. Le sujet se glissant entre les phrases comme un orvet dans les herbes, Catherine en vint à me raconter, une fois de plus (le radotage est l'un des plus hauts plaisirs du couple, et même sa plus solide raison d'être, quoi qu'en pensent les partisans de l'agitation amoureuse et des familles recomposés), la spécificité de son village d'Estrée, en Picardie, où, jusqu'au mitan des années soixante, on vivait encore à l'heure française, c'est-à-dire qu'il y était onze heures quand il sonnait midi dans le reste de la France allemande – France allemande que nous sommes toujours, et même, si je comprends bien, de plus en plus, à mesure qu'elle devient européenne, c'est-à-dire rien.

Sur la lancée où nous étions, nous prîmes alors cette décision difficile mais exaltante : celle, dès que nous pourrions nous moquer totalement de votre monde, et revenir, pour notre usage exclusivement personnel, à l'heure française, celle qui gouverne les romans de Simenon, de Colette et d'autres. Comme ma retraite – nous en reparlerons – semble s'approcher à plus grands pas que je ne le pensais, il se pourrait que, bientôt, à cette heure officielle de neuf heures dix qu'il est actuellement, Catherine et Didier Goux ne soient encore qu'à sept heures dix. La nuit de décembre, pour nous, redescendra vers trois heures et demie de l'après-midi, et les splendeurs de la mi-juin n'excèderont pas neuf heures. Et il se trouvera que, par ce biais, certes un peu puéril, ces deux vieux cons que nous sommes vous congédieront élégamment de leur univers.

mercredi 7 octobre 2015

Désynchronopost


Petit pas de deux assez ridicule avec mes différents livreurs de livres (pas pu faire autrement, désolé…). Ce matin, un mail de Chronopost m'annonçant que mon colis… (là, une interminable suite de lettres et de chiffres alternés au petit bonheur) … me serait livré entre 9 h 35 et 11 h 05. La précision me laisse tout bloblotant d'admiration, évidemment. Le service public est tout de même une grande et belle chose.

À trois heures de l'après-midi, comme aucune camionnette ne s'était arrêtée devant le portail, je me suis décidé à tondre le jardin ; bien m'en a pris : à peine avais-je fini de ratiboiser le dernier carré que l'ondée cheyait. (Je sais que le verbe “choir” n'admet pas d'imparfait de l'indicatif, mais il me plaît, à moi, de lui en donner un ; au moins pour ce soir.).

L'âme apaisée et les muscles endoloris, je reviens devant cet ordinateur, et c'est alors que le téléphone sonne : message enregistré de Chronopost m'informant que son livreur n'a pas été en mesure de me remettre mon colis ce matin, comme il avait l'ardente obligation – et sans doute le violent désir – de le faire (tu parles : ni Catherine ni moi n'avons bougé d'ici, et Bergotte aboie comme une damnée dès que quelque véhicule s'arrête devant chez nous, ou seulement fait mine), que je dois me rendre sur chronopost point effère, y entrer un code long comme le bras, puis un mot de passe à six chiffres, afin de convenir d'un nouveau rendez-vous. Je fixe celui-ci à demain, en maugréant car, la biographie de Delon que j'attendais aujourd'hui, je comptais travailler dessus demain midi, durant l'heure et demie que je vais très probablement passer dans la salle d'attente du gastro-entérologue lovérien qui m'a donné rendez-vous il y a trois semaines.

Sur ce, je regagne le salon afin d'y poursuivre ma lecture des Jeunes Filles de Montherlant (terminées ce soir, juste avant le dîner). Aboi de Bergotte, déboîtement des cervicales chez votre serviteur en direction du portail : une camionnette blanche est garée devant. J'y cours, frétillant, et reçoit des mains du livreur, arrondi et de taille modeste, un paquet Amazon. Je m'étonne de le voir déjà, vu que je viens de prendre rendez-vous pour demain suite au pataquès de ce matin. Il m'informe alors que non, lui, il “est” UPS, et que mon rendez-vous manqué ce devait être avec Chronopost, parce que « Chronopost c'est vraiment de la merde ! » Là-dessus, il ajoute que je pourrais peut-être voir la concurrence arriver plus tôt que prévu, mais que je ne dois pas trop compter dessus tout de même : « Je viens de le croiser à Pacy, le gars de Chronopost. C'est un black, il a l'air de planer à quinze mille… » On se quitte bons amis, unis par une complicité goguenarde.

L'histoire se termine bien puisque, dans le colis acheminé par UPS, se trouvait la biographie delonienne, que je pourrai donc emporter demain à Louviers. Quant au paquet chronoposté, nul ne sait quand il arrivera, ni même ce qu'il contient.

samedi 3 octobre 2015

Retour de Corrèze…

Pour la photo, les explications sont par là.

 … et replongée dans le journal d'août.