Je sortais d'une expérience éprouvante, laquelle consistait à regarder le début du film de Christopher Nolan intitulé Tenet : à 16'38" exactement, j'ai été pris d'une sorte de fou-rire nerveux devant une chose aussi prétentieuse qu'imbécile – en plus d'être parfaitement incompréhensible. Il fallait mettre fin à l'épreuve, ou bien sauter par la fenêtre. Pour effacer cette désastreuse impression, je devais tenter autre chose, et c'est alors que les hasards du dédale netflixien m'ont conduit devant La Ballade de Buster Scruggs, film des frères Coen datant de 2018 : dix minutes plus tard, j'étais tout à fait réconcilié avec le cinéma (mais je n'avais pas été sérieusement fâché…).
Chez Dame Ternette, le film est qualifié de “western à sketches”. C'est à la fois vrai : le film raconte six histoires indépendantes, toutes situées dans l'Ouest américain du XIXe siècle ; et à la fois faux, car beaucoup trop réducteur. Il ne s'agit pas d'un western mais plutôt d'un hommage au genre – hommage parfois irrévérencieux : on connaît les deux frangins – et même, plus largement, d'une ode aux grands espaces de l'Ouest, encore presque vides de toute trace humaine, et magnifiquement filmés. Et ce ne sont pas des sketches qui s'y déroulent, mais de mini-tragédies, qui n'excluent nullement le burlesque (la première histoire, photo ci-dessus), et flirtent parfois avec le fantastique (la sixième et dernière). Le point commun à toutes, c'est la tendresse amusée du regard que portent les Coen sur leurs personnages. On atteint même à l'émotion pure dans la cinquième histoire, construite autour du personnage d'Alice Longabaugh (photo ci-dessous), alliage de fragilité et de détermination, en route pour l'Oregon lointain avec une caravane de chariots bâchés, et magnifiquement interprétée par Zoé Kazan, la petite-fille d'Elia Kazan.
Du reste, les acteurs ne sont pas le moindre intérêt du film, et il est amusant de “repérer” les têtes et noms connus dans des rôles très brefs et, parfois, presque muets : Liam Neeson, James Franco, Tom Waits, Brendan Gleeson et d'autres. Ce sont eux, et les silhouettes qu'ils campent, qui vous donneront envie, sitôt le film terminé (sur une image assez énigmatique…), de le revoir aussi vite que possible.
Si vous êtes abonné à Netflix, ne manquez pas La Ballade de Buster Scrugges : vous découvrirez une émeraude cachée dans un océan de merde.