vendredi 28 septembre 2012

L'appel du grand large c'est maintenant (avec les petits bras)


Nous n'arriverons à Paimpol que samedi en fin de journée et nous y resterons, comme le veut la tradition locative, jusqu'au samedi suivant (cambrioleurs, ce message est aussi pour vous : venez vous ébattre et faire votre marché à la maison en toute quiétude ! Cependant, je vous signale que le voisin d'en face est assez observateur et qu'il est en plus chasseur…). Si nous partons dès aujourd'hui, c'est que, ce soir, nous sommes conviés à festoyer en Normandie profonde (la nôtre n'est que de surface, pré-banlieusarde pourrait-on dire ; ou crypto-diverse). 

Bien entendu, comme à l'accoutumée, les commentaires sont pour cette période fermés ; néanmoins, coup nouveau, trois billets ont été programmés et s'échelonneront gentiment au fil de la semaine prochaine, si toutefois j'ai réussi cette triple manip'.

Voilà, je crois que c'est tout.

jeudi 27 septembre 2012

On était où en août ?


Le journal d'août est un peu en avance, si l'on peut dire, et j'en demande bien pardon à Jacques Étienne, dont l'emploi du temps va se trouver de ce fait gravement perturbé (sans même parler du maelström qui s'apprête à fondre sur lui dans un avenir dangereusement proche…). Mais c'est qu'à compter de demain ce blog va sombrer dans une bienfaisante léthargie d'une semaine…

mercredi 26 septembre 2012

Même le Nouvel Observateur a légèrement tiqué


« Hier matin, le quotidien suédois «Dagens Nyheter» publiait une interview du rappeur suédois Behrang Miri, qui occupe le poste de directeur artistique à la Maison de la Culture de Stockholm. Il y annonçait son intention de faire retirer les albums de Tintin des rayons jeunesse de la bibliothèque de l’institution. » 


Évidemment, le premier réflexe de tout homme normalement constitué, ou à peu près, est d'éclater d'un grand rire sardonique et de se resservir un pastis dosé comme pour un légionnaire ; ensuite de se dire qu'il a vraiment tout d'un asile pour déments et demeurés, ce monde où l'on peut sérieusement, non seulement envisager de nommer un rappeur directeur artistique d'une Maison de la Culture, mais en plus le faire.

mardi 25 septembre 2012

Roma Termini ou La Modification


Notes prises après lecture de la première moitié du roman de Michel Butor…

La Modification, qui se passe entièrement dans un wagon du train de jour Paris-Rome – pour ce qui est du temps présent du récit, de son “maintenant” –, ressemble en fait à une grande gare ; de celles dont on devine la proximité bien avant d'y entrer, par la multiplication de plus en plus grande des voies ramifiées, qui finissent par former un écheveau indémêlable. De même ici, les trajets entre Paris et Rome se démultiplient rapidement et s'enchevêtrent dans le temps. Le personnage principal…

(Mais comment le désigner, celui-là ? Il n'est pas narrateur, bien que l'emploi par l'auteur de la deuxième personne du pluriel, du vous “de politesse”, donne souvent l'impression étrange qu'il l'est tout de même. L'interlocuteur ne va pas non plus car, malgré la forme employée, on sent bien que l'auteur ne s'adresse pas réellement à lui ; ou alors comme un procureur général s'adresse à un accusé, sans possibilité pour ce dernier de répondre, de se justifier. Il faudrait trouver un nouveau mot, mais lequel ? L'adressé ? L'épinglé ? L'admonesté ? Aucun n'est satisfaisant, bien entendu.)

Donc le personnage principal, qui se prénomme Léon, mais à peine, comme ça en passant, le personnage quitte Paris pour gagner Rome : c'est un départ, une échappée. Lorsque les voies de ma gare se démultiplient, on le voit également faire le trajet inverse et rentrer à Paris : le retour à la normale, la réintégration. Dans le même mouvement, il quitte sa femme (et aux deux sens du terme) pour rejoindre sa maîtresse, Cécile. À l'inverse, cette dernière, Française de mère italienne, lors de certains voyages du passé qui sont évoqués, quitte Rome pour Paris, avant de rentrer à Rome : échappée et réintégration contraires à celles de son amant.

Lorsqu'il est à Paris, loin de Cécile, Léon cherche à recréer une Rome imaginaire où il serait avec Cécile ; en route vers Rome (dans le temps présent du récit), il se voit y errer seul dans le futur, lorsque Cécile sera rentrée définitivement à Paris, pour l'y rejoindre. Nul n'est jamais vraiment, entièrement où son corps se trouve, les deux amants ne sont jamais réellement ensemble, sauf peut-être dans l'un de ces trains qui assurent la liaison entre ces deux points fixes, finalement inaccessibles, que sont les deux capitales : La Modification est une sorte de roman bipolaire.

Et c'est bien parce que, entre les deux villes comme entre les deux amants, ne semble pouvoir exister que ce qui est instable, fuyant, que le lecteur comprend vite que ce train dans lequel on l'a embarqué en réalité fonce droit dans le butoir.

Il reste qu'on se sent toujours un peu ridicule et sot, à découvrir ainsi un roman illustre, que tout le monde connaît de fond en comble depuis plus de cinquante ans ; et légèrement prétentieux de prétendre en parler après n'en avoir lu que la moitié.

Sur une proposition de Mme Marine Le Pen


Communiqué n° 1441, lundi 24 septembre 2012
Sur une proposition de Mme Marine Le Pen

Le parti de l’In-nocence remarque que Mme Marine Le Pen, au motif qu’il faudrait interdire le voile islamique dans l’espace public, juge qu'il conviendrait pareillement, par symétrie en quelque sorte, et en gage d’impartialité, d’interdire le port de la kippa. Il estime que c’est là s'engager dans une voie extrêmement dangereuse, qui fait de l’islam et de la colonisation islamique l’aune à laquelle devraient être jugés désormais nos traditions, nos habitudes et les traits traditionnels de notre civilisation. Si l’on lutte contre les minarets, faudra-t-il abattre nos clochers ? Faudra-t-il renoncer à notre calendrier d'origine chrétienne, sous prétexte que nous ne tenons pas à fêter l’Aïd ?

Le parti de l’In-nocence estime pour sa part que cet équilibre entre ce qui est notre civilisation et ce qui manifestement ne l’est pas n’est pas acceptable ; qu’il est un piège qui accélère la marche vers la dhimmitude ; que l’égalité républicaine n’a pas lieu de s’appliquer entre ce qui est français et ce qui ne l'est pas ; que c’est du côté des indépendantistes québécois qu’il faut chercher un modèle et une inspiration, eux qui n‘ont pas hésité à assumer une stricte discrimination entre ce qui relève de leurs traditions nationales et ce qui, sur leur territoire, y porte atteinte.

La discussion – si discussion s'amorce… – sera à suivre ici
 

Tentative de pourtraict de François H. en Nekrozotar

L'extrait que l'on va lire constitue le premier intermède du second acte de La Balade du Grand Macabre, pièce de Michel de Ghelderode publiée en 1935. Le monologue qui le constitue est prononcé par Videbolle, philosophe asservi et humilié par son épouse, Salivaine. Videbolle est par ailleurs veuf de très fraîche date – et fort heureux de l'être –, Salivaine ayant été mordue à l'épaule par Nekrozotar, autrement dit la Mort, en balade sur terre, surnommée aussi “Le Grand Macabre” par Porprenaz, ivrogne notoire. La scène se passe au palais de Sire Goulave, prince de Breugellande. Je ne sais pourquoi, cette harangue de Videbolle a résonné en moi de manière étrangement contemporaine. Voici donc :

Alarme ! Il arrive, il est arrivé ! Qui ? Le fantasmagorant, le coupe-ficelles, le croque-vivants, le désossé, l'histrion des derniers jours, le montreur de cataclysmes, l'ordonnateur du Grand Raffût, le maître des asticots, le dégonfleur de panses, l'équarisseur fatidique, l'étouffeur, le carbonisateur, le pulvérisateur, l'échaudeur, l'écorcheur, l'émusculateur, le broyeur… Il vient celui que nul n'attend. Accourez, contemplez, admirez… On prend ses places… À minuit le théâtre flambera, explosera, croulera, et rien ne sera plus grandiose !… Venez, jeunes et vieux, sages et fous, riches et pauvres, faibles et puissants, méchants et bons, beaux et vilains, malins et bêtes : On peut apporter ses provisions et ses objets de piété. Venez voir ce qui ne s'est jamais vu et ne se verra plus. On ne joue qu'une fois. Venez avec vos remords, vos reliques, vos testaments, vos pots de chambre, vos ors et argents. Il est arrivé ! Qu'on le dise. Mouchez-vous, torchez-vous. On va commencer. On commence. Accourez et confondez-vous fraternellement dans le val de la Frousse. Il y a place pour tous, il y a égalitairement place pour tous ; il n'y aura ni premiers, ni derniers, je le garantis.

Coups de cloches.

Alarme ! Il est arrivé !… Qui ?… Le macabrant, le baladant, le malodorant, le désarmant, l'affligeant, l'épouvantant, le déflagrant, l'écartelant, le réfrigérant, le décomposant, l'abolissant, le craquelant, l'engloutissant Nekrozotar qui vous va mettre dans son sac à marionnettes, voire dans son moulin à saucisses : Nekrozotar, unique en son genre, infaillible, aux références incroyables, au doigté prodigieux, au record imbattable ! Que les incrédules, sceptiques et gens de mauvaise foi lèvent le nez : ils verront son enseigne. (Au-dessus du théâtre s'allume une grande comète rouge.) Mais vous verrez d'autres merveilles avant qu'il soit minuit !… Alarme !… La représentation va commencer…


Ils sortent par le fond, en grand arroi.
Le rideau toujours fermé et le silence revenu, 
on entend les lamentations du peuple.

lundi 24 septembre 2012

La Petite Dame en son jardin de Bruges

C'est un petit livre qui ne cherche pas les histoires ; qui murmurerait à l'oreille des chevaux, s'il y avait des chevaux dans le paysage, mais il n'y en a pas. Il y a un vieil écrivain presque octogénaire qui, une nuit, rêve de sa grand-mère et qui, au réveil, décide de lui rendre visite, bien qu'elle soit morte depuis soixante ans. Mais, contrairement à sa première impulsion, il ne part pas tout de suite, diffère son voyage d'une couple d'heures – qui constituera plus ou moins le temps global du récit, puisqu'elle sera employée à ressusciter la maison des faubourgs champêtres de Bruges où le petit Charles Bertin a passé tous ses étés, entre six et douze ans, en tête à tête avec sa grand-mère.

Au début du récit, la Petite Dame du titre n'est que cela : la grand-mère ; non une personne fugitive et changeante mais un emploi éternel. Une évidence immuable. Aux yeux du très jeune garçon des premières pages, elle paie d'ailleurs cet emploi de statue par une vie chichement accordée : c'est à peine si elle parvient à se détacher du labyrinthe de feuillage fleuri où l'enfant passe le plus clair de son temps, libre et solitaire.

Mais voilà qu'elle sort du cadre pour devenir Thérèse-Augustine, une personne de chair, munie d'un passé, de qualités, de manies, de regrets, de colères, d'un visage et d'un fauteuil ; bref : de tout ce qui compose une grand-mère unique. Entre elle et l'enfant, il ne va pas y avoir seulement transmission d'héritage, passation de souvenirs : le couple estival qu'ils reforment année après année sera aussi le creuset d'un double apprentissage, celui de la lecture, de la découverte, de la connaissance ; toutes choses dont Thérèse-Augustine a été spoliée dans sa propre enfance, sacrifiée qu'elle fut par des parents peu riches sur l'autel d'un avenir réservé par décret à ses deux frères. 

Que l'enfant grandisse encore un peu, et c'est la sortie du jardin et de la maison, l'apparition de Bruges – une Bruges fourmillante et joyeuse, explicitement inscrite en faux contre -la-Morte de Rodenbach – et enfin l'échappée vers la mer et la promesse du grand large.

En fait de grand large, c'est le rétrécissement de toute choses, prélude à la mort, que va connaître Thérèse-Augustine, symbolisé par la perte de la maison de Bruges et le confinement dans un triste et étriqué appartement bruxellois. Parallèlement, Charles paie son entrée dans l'adolescence par un éloignement de sa grand-mère, une incapacité (ou est-ce une réticence ?) nouvelle à entrer en contact immédiat avec elle.

Au bout de ses deux heures d'évocation immobile, le vieil homme prendra la route pour aller rendre visite à sa grand-mère, déchainant immédiatement, par cette sorte de transgression de l'ordre naturel, des trombes de pluie sur l'autoroute, qui l'isolent aussi sûrement que le faisait l'exubérance végétale du jardin de Bruges. Il renoncera finalement à une confrontation vaine avec la maison de Thérèse-Augustine et filera directement vers la mer, sous des nuages qui se déchirent et s'ensoleillent.

L'écriture de ce récit a, dans ses premières pages, la couleur des temps qu'il évoque, le parfum de violette qu'adoraient les grands-mères. Elle se fait plus sautillante lorsque le monde s'ouvre, pour se résoudre en un adagio que je qualifierais de sostenuto si je n'avais pas peur de passer pour plus pédant que je ne suis déjà. C'est à peine si l'oreille en perçoit les dernières notes, aussi ténues que le souffle de Thérèse-Augustine en ses dernières heures, bruxelloises et confinées.

L'éditeur a choisi d'illustrer la couverture du volume avec un détail d'un tableau de Théo van Rysselberghe, La Dame en blanc, et il a fort judicieusement fait, puisque le peintre était le mari de cette Maria van Rysselberghe qu'André Gide avait surnommée La Petite Dame.

samedi 22 septembre 2012

Et c'est ainsi que je suis devenu immortel

L'esprit de l'escalier…

Il a quelque temps de cela, Renaud Camus a inauguré un nouveau livre “en ligne”, intitulé Lettres reçues. Il s'agit d'une anti-correspondance, ou d'une contre-correspondance : on ne sait pas trop comment nommer l'objet. L'idée est de publier des lettres, mais non celles écrites par l'auteur : celles qu'il a reçues à diverses époques de sa vie, et conservées. (À ce stade, on entend déjà s'élever le chœur des “ronchons” : « Eh bien, voilà un livre qui ne va pas lui coûter trop de peine, à l'écrivain ! » Encore faut-il avoir eu la sagesse, ou la prescience, de conserver les lettres en question, puis d'opérer un tri à l'intérieur de ce corpus sous enveloppes.)

Comme la plupart des livres en lignes de Camus, celui-là est “in progress”, c'est-à-dire qu'il s'enrichit de plusieurs lettres chaque semaine, au gré des fantaisies de l'auteur, suppose-t-on, et de son temps disponible. Pour le lecteur, la formule est simple : il paie une fois pour toutes et, ensuite, il regarde le livre se faire sous ses yeux.  Ça se passe là-bas. Quels en sont le but et l'intérêt ? À n'en pas douter, il s'agit de dessiner un portrait de l'écrivain, mais en creux, une silhouette réfractée en quelque sorte par tous les regards que ses différents correspondants posent sur lui et qui transparaissent dans leurs missives. En ce sens, l'entreprise rejoint celle du Journal d'un autre (livre également disponible en ligne et tout autant “in progress”), un peu plus ancienne, puisque, là, il s'agit du journal d'un certain Duane McArus (anagramme de Renaud Camus), dans lequel Camus lui-même apparaît comme protagoniste et est vu, décrit, sous des couleurs parfois assez peu flatteuses.

Hier, Lettres reçues s'était enrichi de deux nouvelles contributions, dont la première n'était pas une lettre au sens classique mais un mail. Le voici :

Mon cher Camus,

comme Dame Paypal vous en a sans doute averti, je viens d’acheter vos Lettres reçues. Lisant celles qui sont d’ores et déjà en ligne, je fus soudain poigné par une insurmontable angoisse : êtes-vous bien conscient du terrible danger qui vous menace ? Avez-vous pensé à ces centaines de milliers de personnes qui, prenant connaissance de cette nouvelle aventure littéraire, vont se mettre à vous adresser lettre sur lettre, comme des furieux, dans l’espoir de décrocher leur quart d’heure de gloriole warholienne ? Vous allez être submergé, les vastes salles de Plieux n’y suffiront bientôt plus !

Cela étant dit, et plus sérieusement, je trouve ce projet très attirant et ai bien hâte que votre collection épistolaire s’épaississe. De mon côté (mais quel rapport ?), j’ai définitivement cessé d’écrire des Brigade mondaine et me sens désormais léger et insouciant comme l’oiseau à son premier envol, malgré ma surcharge pondérale notoire. Pour fêter notre admission chez les nouveaux pauvres, Catherine et moi sommes allés aussitôt commander au garage idoine une Volvo V 70, appliquant ainsi la maxime d’une personne que vous avez bien connue : « Ce n’est déjà pas drôle d’être pauvre, si en plus il fallait se priver… »

Mais je dois vous quitter : j’ai encore à lire quelques entrées du Journal d’un autre

Vous serez bien aimable de transmettre mes meilleurs sentiments à M. Pierre et de me croire votre toujours fidèle lecteur.

Didier Goux, retraité en bâtiment


Évidemment, l'intérêt de publier immédiatement ce mail somme toute assez anodin saute aux yeux : il s'agissait de retourner vers moi, humour pour humour, ce soupçon de “gloriole warholienne” dont j'accusais d'imaginaires lecteurs – l'épistolier arrosé. Et aussi, bien entendu, d'introduire dans Lettres reçues un texte qui parlait de Lettres reçues.

Et c'est ainsi que, par effraction, je suis devenu immortel.

Ça va faire plaisir à tout le monde…


« (votre blog est tellement bon que même vos commentateurs sont excellents, je trouve (y compris les ronchons)) »

Renaud Camus, hier, 18 h 16.

vendredi 21 septembre 2012

Marine Le Pen a dit une connerie

Elle déclare ceci, en conclusion d'une interview accordée par elle au journal (sic) Le Monde : « Il est évident que si l'on supprime le voile, on supprime la kippa dans l'espace public. »

Quel rapport entre le voile musulman et la kippa juive ? Est-ce que la kippa sert à retrancher les femmes de cet espace public dont elle parle ? Est-ce que la kippa est le plus voyant symbole d'un culte nouvellement importé en France et prétendant rétablir le délit de blasphème ici ? Est-ce que la kippa est liée à une religion responsable de la plupart des actes de barbarie qui se commettent en ce moment même dans le monde ? Est-ce que le judaïsme n'est pas une composante à part entière de l'identité française, et ce depuis des siècles ? Veut-elle aussi interdire les petites croix d'argent ou d'or autour des cous (j'en connais que cela ravirait…) ? Est-ce que les porteurs de kippa incendient des quartiers entiers, caillassent la police et les pompiers, dès lors qu'un juif est interpellé pour une raison ou une autre ? Y a-t-il des filières bien organisées qui fournissent les porteurs de kippa en armes lourdes ? Est-ce que les porteurs de kippa passent la moitié de leur temps à pleurnicher et l'autre à menacer tout ce qui ne s'incline pas devant eux ? Les porteurs de kippa ont-ils condamné Salman Rushdie à mort ? Et combien les porteurs de kippa ont-ils lapidé de femmes adultères, ces dernières décennies ?

Madame, il serait bon de réfléchir un peu avant de parler – fût-ce au journal (re-sic) Le Monde.

Le droit de vote des étrangers ou la sottise des 77 socialistes


« (…) Autre argument qui déchire, niveau pertinence : les étrangers résidant en France se fendent d’une « égale participation à l’impôt, qui reflète plus que tout leur appartenance à la République ». Français non imposables, tenez-vous le pour dit ! Votre « appartenance à la République » n’est plus très assurée. Vos droits civiques non plus.
 
« Lecteurs, ne riez pas. Sauf si c’est la seule alternative pour éviter de chialer. Décortiquons plutôt ce curieux syllogisme. Selon les signataires de l’appel, il serait intolérable que des étrangers qui payent des taxes sur notre sol soient exclus de la participation à la vie collective. Allons bon ! Nous voilà donc passés du très politique « un homme, une voix » – qui concernait les seuls citoyens – au très économique « tu payes, tu votes ». Ça faisait longtemps qu’on n’avait plus lu plaidoyer plus émouvant en faveur du suffrage censitaire. C’est désormais chose faite. (…) »

Le billet est à lire chez la belle Coralie.

jeudi 20 septembre 2012

Le jour où CSP s'est rallié à mon panache blond


Intéressant, le nouveau billet de M. Comité, vraiment très intéressant. Le problème de ce garçon c'est qu'il est parfois trahi par son intelligence ; je veux dire par là qu'étant nettement plus lucide que n'importe quel gauchiste de base, il lui arrive de percevoir la réalité du monde et de la dire, plus ou moins malgré lui. Comme la fois où, ayant fait l'expérience de se trouver le seul blanc sur je ne sais quelle ligne pourrie du métro toulousain, il en avait ressenti un évident malaise et avait éprouvé le besoin de nous en faire part. Bien sûr, pour cela, il avait été contraint d'en passer par un laborieux et prévisible artifice d'écriture, du style : « Ah si j'étais un méchant con de réac j'aurais salement flippé ce soir-là mais heureusement je suis un chouette révolutionnaire et j'ai même pas eu peur. » 

Dans son billet d'aujourd'hui, il y a cette fin de paragraphe : « Il n'est pas bien loin, le temps où il y en aura une ou un qui s'exclamera chez Taddéi : "Oui, je suis raciste !" et déjà, il commence à filtrer ce retournement de langage qui va de plus en plus consister à dire : "Si c'est cela être raciste, alors oui, je le suis". » Ceux qui me font l'honneur de me lire régulièrement savent que je radote j'ai dit cela au moins une dizaine de fois depuis trois ou quatre ans. Et exactement dans les mêmes termes : « Si c'est cela être raciste, alors, oui, je le suis. » À force de taxer tout le monde et n'importe qui de racisme, pour un mot qu'on a dit, pour une pensée qu'on a eue, ou une pensée qu'on est supposée avoir eue, ou en raison de la déduction que certains ont faite de la pensée qu'on est censé avoir eue, eh bien, naturellement, des gens, de plus en plus de gens, vont commencer à se dire que si c'est ça, seulement ça, être raciste, alors oui, sûrement qu'ils le sont eux-mêmes – et la barrière qui sépare l'anodin du dommageable sera allègrement sautée, sans même y penser vraiment. Ils seront rejoints par tous ceux qui, jusqu'à une époque récente, n'auraient jamais eu la tentation de penser leurs rapports avec l'étranger en termes de racisme ou de non-racisme, mais qui se mettent à le faire, puisqu'il n'est plus question que de cela dans leurs journaux, leur radio, leur télé et jusque dans les programmes scolaires de leurs enfants – l'obsession racialiste des combattants du Bien ne peut aller qu'en s'étendant, mais avec certainement des résultats contraires à ceux qu'ils prétendent rechercher.

CSP a vu cela, tout comme moi, même si avec pas mal de retard. Naturellement, tout de suite après en avoir fait le constat, il se réfugie dans le convenu, s'empresse de réintégrer son petit home sweet home mental et idéologique, comme effrayé par ce qui vient de lui échapper. 

CSP, l'homme qui dit tout haut ce qu'il n'ose pas penser tout bas.

mercredi 19 septembre 2012

Des bestioles bruyantes et noires, qui harcèlent et ne pensent qu'à piquer : les mahomé-taons

J'ai cherché une photo de Pierre Boulez barbu et coiffé d'un turban, mais apparemment ça n'existe pas. Dommage.

Eh bien, en fait, je n'ai rien à ajouter au mot-valise bébête de mon titre, que j'ai mis là (prénom arabe bien connu) uniquement pour être désagréable. En fait, j'étais bien trop occupé pour me soucier des gamineries de Charlie-Hebdo et du carrousel des prosternés qui s'en est suivi : j'ai passé la journée à préparer un long panégyrique de Karl-Heinz Stockhausen et à bâtir au fond du jardin un mausolée destiné à recueillir la dépouille sacrée de Penderecki – dont je ne me suis encore jamais risqué à tenter d'écrire le prénom, et qui en plus n'est même pas mort.

mardi 18 septembre 2012

Grand miroir de mon désespoir


Donc, si j'en juge d'après certains commentaires rageotants du billet précédent, il ne suffit plus que la musique, en notre époque, ait presque totalement disparu des écrans radars (même France Musique n'ose plus qu'à peine en diffuser, ou alors en s'excusant ; France et Musique : deux mensonges… deux souvenirs…), que les compositeurs soient ipso facto réduits au silence ou à la masturbation chromatique : il faut encore piétiner ce qu'il en reste, l'affubler d'un nez rouge afin de pouvoir y rire, la grimer jusqu'à la rendre méconnaissable, glisser par derrière un putois sous ses robes afin que les enfants se bouchent le nez si d'aventure ils parviennent à la croiser, la traiter par le brocard, le mépris et la haine, tel Quasimodo sur sa roue ; la tuer n'est qu'un prologue, il faut maintenant en effacer les traces, persuader au monde qu'elle n'a jamais existé ou bien qu'elle est ailleurs, tout à fait ailleurs, que ses orchestres sont des fantômes, qui boivent le sang des vierges si on les laisse vagabonder un tant soit peu. De la musique il ne subsiste plus que sa Fête ; le 21 juin, c'est la Saint-Barthélémy d'Euterpe (la vraie, pas Mme Mime…)

Dans son coin, la littérature aurait bien tort de ricaner : l'estrapade l'attend et c'est sans doute pour bientôt. Il y a des signes avant-coureurs : essayez donc de parler de Claude Simon ou de Nathalie Sarraute, tiens, pour voir…

dimanche 16 septembre 2012

Sous la morsure de mon dentier


Le samedi 4 août 2012, vers quatre heures et demie de l'après-midi, j'ai eu cette pensée profonde, aussitôt burinée dans le marbre le plus dur :

En fait, et tout le monde le sait bien, la seule solution pour faire disparaître l'envie de cigarette, c'est de fumer une cigarette.

À la relecture, ça sonne un peu comme du Oscar Wilde au petit pied.

Retour au néant de celle dont on ne prononce pas le nom

Entre 1940 et 1944 (point Godwin ! And the godwinner is…), les antisémites dénonçaient des juifs : on peut critiquer d'un point de vue moral, mais il faut reconnaître qu'il y avait là une certaine cohérence. Et puis, ça s'expliquait tout seul puisqu'il est bien connu qu'il s'agissait de méchantes raclures d'extrême-droite qui vendaient du beurre aux Allemands, même sans tickets de rationnement. 

De nos jours,  les délateurs antisémites sont progressistes, arabolâtres, adorateurs du pseudo-peuple palestinien, parfois blondes, et appellent à la fatwa contre les islamophobes, comme ils disent, ou plus simplement contre les racistes, notion qui a l'avantage d'être si vague et englobante que plus personne ne prend la peine d'expliquer ce qu'il entend par là. Cela ne leur pose pas plus de problèmes moraux qu'à leurs grands-parents de cœur des années sus-mentionnées ; au contraire, ces rejetons dégénérés éprouvent même une certaine fierté de leur “acte citoyen”.

On s'est bien amusé, ici, durant quelque temps, avec celle dont on ne prononcera plus le nom. Elle cesse d'exister à cette minute même et sera punie de sa crapulerie par où elle est le plus sensible : sa vanité de blogueuse, l'œil frétillant rivé à ses douze compteurs de visites.

Messieurs, vous pouvez rabattre la pierre tombale sur cette charogne et ses noirs bataillons de larves.

samedi 15 septembre 2012

Les idéologies sur l'autel de l'amitié

À Nicolas, pour emmerder certains…

Poursuivant ma lecture d'Isabelle ou L'arrière-saison, de Jean Freustié, cet écrivain incestueux et malsain mais heureusement mort, je tombe sur ce paragraphe, à la page 190 de l'édition originale (La Table ronde, 1970) :

« C'est curieux, pensait-il, à quel point dans les vieilles amitiés, les idéologies comptent peu. André et moi, nous sommes le jour et la nuit, noun ne nous entendons sur rien, pas même sur des goûts littéraires, parce que nos interprétations partent d'une conception du monde différente. Et malgré tout persiste cette chaleur en comparaison de laquelle les idées apparaissent comme un acquis un peu inutile, inapplicable en tout cas à une personne pourvue d'un vrai visage, parfaitement définie et que nul discours ne pourra jamais convertir. »

J'ajoute que ce roman est effectivement, comme le disait P/Z en commentaire il y a quelques jours, une superbe réussite, subtile, ondoyante et d'une grande sensibilité, à mille lieues de l'abjecte et sotte caricature qui en fut donnée par qui-vous-savez. J'y reviendrai sans doute dès que j'en aurai terminé la lecture.

Quand donc sont apparus les “profs clodos” ?

Petit repos bien mérité avant la reprise des cours…

La question était posée ce matin, sur un forum où je passe régulièrement. Je crois être en mesure de dater assez précisément l'apparition du phénomène. Ayant passé mon bac en 1975, j'ai eu la chance d'échapper totalement à cette engeance pré-modernœuse ; en revanche, mon frère, de quatre ans mon cadet, a eu droit, lui, aux premiers exemplaires mis en circulation par ce qui allait rapidement devenir l'Éduc' Nat' mais était encore, même si à l'agonie, l'Éducation Nationale. Je me souviens d'ailleurs fort bien de celui qui a débarqué en tête de pont au lycée Benjamin-Franklin d'Orléans. Je pense que c'était précisément en l'année scolaire 1974-1975. Il était “prof” de français, ce qui me stupéfia quand je l'appris, dans la mesure où il ressemblait plutôt au transfuge halluciné d'un groupe de rock progressif de la Côte Ouest. Bien entendu, non content d'être hirsute et dépenaillé, il pratiquait le tutoiement avec ses lycéens et, à la fin des cours, allait prendre un verre avec eux au café du coin (chez Mme Monique…), en copains. Moyennant quoi ses élèves, dont mon frère justement, parlaient de lui avec le plus tranquille mépris.

vendredi 14 septembre 2012

Le petit air de flûte de Dame Euterpe

Dame Euterpe s'apprêtant à se tortorer un nazillon tombé de son blogonid

J'ai beau avoir l'air, parfois, de me moquer de Juan Sarkofrance, je dois reconnaître qu'il n'avait pas mérité ça : héberger Dame Euterpe chez soi, c'est comme voir un camp de Roms s'installer au fond de son jardin, peut-être même pis. Je vous livre in extenso le dernier commentaire qu'elle a laissé chez ce malheureux – c'est un peu long mais ça en vaut la peine :

Pour ce qui est des excès que l'on me prête, ils surprennent et choquent à cause de la prégnation culturelle à la francaise. En France, une femme se doit d'être réservée et si elle subit une agression elle doit l'IGNORER. A la femme de s'effacer d' - ignorer - les intimidations et autres formes d'empiétement de son espace. Pourtant quand une armée attaque une citadelle, on ne va pas dire aux habitant.e.s de celle-ci : ignorer ou soyez très très gentil.le.s avec vos assaillants comme cela il ne vous feront rien. Cela semblerait du dernier ridicule. Cela n'empêche pas que l'on demande en particulier aux francaises de faire les douces et les gentilles et de prendre le moins de place possible. Seules peuvent s'étaler les femmes qui le font en défense d'un homme (cf : Suzanne la spécialiste du gâteau de Savoie qui- n'est-quand-même-pas-si bon-que-celui-du-pâtissier (une vraie allégorie de mon propos)). Alors là où on utilise le mot "con" à tour de bras (ce que l'on fait tout le temps et partout), j'utilise le mot "couille" et oh surprise les machos n'aiment pas et les femmes qui voient l'une d'entre elle briser la règle de la douceur et de l'effacement s'offusquent. Ils/elles préfèrent que l'on emploie l'insulte convenue faisant référence au sexe féminin (on est habituées hein !). Les plus machos sentent l'effet que cela fait et cela ne leur plaît pas, bien sûr. Les non-machos par contre comprennent parfaitement ma démarche. Car ca aussi c'est de l'engagement. Je ne sais pas si vous avez remarqué mais n'y a toujours pas de loi interdisant le sexisme. On n'a pas le droit de comparer les noirs à des singes car une loi l'empêche, par contre on peut utiliser sans problème des hyènes pour représenter des femmes (dans la publicité par ex.). Tant qu'il n'y a pas de mesures protégeant les femmes contre le sexisme, il faut bien desciller les yeux des femmes et des hommes avec les moyens du bord. Et si mes contradicteurs s'amusent de moi, je m'amuse encore plus d'eux (ils ne s'amusent pas en fait, ils enragent comme l'a fait remarquer coup de grisou). En tout cas, votre intervention prouve autant que la leur à quel point mon attitude non-orthodoxe fait voler la poussière mentale qui encrasse les esprits.

À part mettre ce poulet en italique, je n'ai évidemment rien touché de sa prose : la prophylaxie n'est pas un vain mot. Donc, voilà, nous avons ici affaire à une sorte de Madame Mime 2.0 qui pense faire œuvre de féminisme de combat en traitant les gens de couilles plutôt que de cons. Ce faisant, elle “brise les règles” et interpelle au niveau de leur vécu aliénant les pauvres femmes qui, bien entendu, ne “s'offusquent” nullement de ses testiculaires dérapages mais se contentent de se foutre de sa poire. Elles ont tort puisque, de la part de Madame Mime 2.0, il ne s'agit nullement d'un léger coup de surchauffe mais d'une démarche.

Ensuite, parce que sa connaissance de sa propre langue est assez approximative, notre héroïne se met à dire à peu près n'importe quoi. Par exemple ceci : On n'a pas le droit de comparer les noirs à des singes car une loi l'empêche. C'est faux : il est parfaitement licite de comparer les noirs (ou les blancs ou les jaunes ou les lampadaires) à des singes ; ce qui ne l'est pas, c'est de les assimiler à des singes. Mais, évidemment, tous les moyens sont bons à qui s'est donné pour tâche de faire “voler la poussière mentale qui encrasse les esprits”.

Pour atteindre au clou de ce petit spectacle, il faut remonter un peu plus haut dans ce qu'on n'ose qualifier de texte. Jusqu'à ceci : Pourtant quand une armée attaque une citadelle, on ne va pas dire aux habitant.e.s de celle-ci : ignorer ou soyez très très gentil.le.s avec vos assaillants comme cela il ne vous feront rien. Cela semblerait du dernier ridicule. En effet, cela semblerait. Néanmoins, c'est bien ce que nous serinent tous les Rosaeux qui se traînent dans le paysage, dès qu'il est question d'islam et d'immigration massive (je rétablis la phrase en français d'avant) : « Ignorez ou soyez très gentils avec vos assaillants, comme cela ils ne vous feront rien. » C'est très précisément le sens premier, et même le seul, du mot qu'ils aiment tant : islamophobie.

En attendant, on aura tout de même ri un peu.

mercredi 12 septembre 2012

Juan Sarkofrance : bref, mais quand même

Je l'ai relu deux ou trois fois de suite, tellement c'était trop beau. En me demandant si j'avais affaire à une crise de naïveté satisfaite, à une éruption de tranquille cynisme ou à une poussée de sottise aveugle, de la part  de cet infatigable combattant des Forces de Clarté qu'est ce cher Juan Sarkofrance. Voici le paragraphe qui m'a arrêté ; il y est question de Manuel Valls, qui semble quelque peu obséder notre pauvre antisarkozyste, errant désormais comme une âme en peine dans notre paradis hollandien auquel nulle cellule de soutien psychologique ne l'avait préparé. À propos de Valls, donc :

« Il incarne l’exact schizophrénie qui occupe certains d’entre nous à gauche. D’une part, il prive la droite de ses arguments électoralistes avec des arguments qui n’en sont pas. Quand il détruit des camps de Roms, il détruit une large fraction du sarkozysme politique. Et, j’avoue, cela me réjouit, me régale, me soulage. Pour une raison essentielle: j’avais la nausée trop souvent en écoutant Sarkozy comme Le Pen jouer des Roms ou de l’immigration. Valls ne joue pas, il agit. »

Faites comme moi, relisez-le lentement : c'est un bijou, une perle, un miracle. Peut-on avouer plus de choses en moins de mots ? Non, je ne crois pas. La schizophrénie qui occupe nos progressistes, comme on occupe les enfants les mercredis pluvieux, ou encore comme l'ennemi occupe la citadelle prise ; la droite privée de ses arguments électoralistes par des arguments qui n'en sont pas (celle-là, elle va filer directement chez les Modernœuds) ; Valls qui, rasant les camps de Roms, demeure néanmoins dans celui du Bien, puisque ce faisant il détruit le sarkozysme ; le soulagement et la réjouissance de ce bon Juan qui, les proclamant, avoue qu'il se fiche comme d'une guigne des Roms réels : seul le sarkozysme compte, n'est-ce pas ? Enfin, l'apogée du ridicule, l'acmé du délire : Sarkozy (et Le Pen qui arrive in extremis pour faire vilain dans le tableau) était un monstre car il jouait des Roms ; Valls, lui, est un saint car il les expulse. Sans jouer.

Il y a environ un an, je disais je ne sais plus où que, pour préserver la santé psychique de ce Juan-là, il fallait absolument que Nicolas Sarkozy soit reconduit dans ses fonctions, car sa raison ne survivrait pas à la perte de son axe unique. On commence à constater que j'avais raison. L'état de désarroi mental du camarade est fort bien résumé par une toute petite phrase du second paragraphe, lequel constitue son “d'autre part” ; phrase de quatre petits mots, qui pourrait d'ailleurs lui être érigée en devise :

« Bref, mais quand même. »

À la mémoire de Jean Sobieski et de Charles V de Lorraine


Au soir du 11 septembre 1683, Vienne s'apprêtait à tomber aux mains du Grand Vizir Kara Mustafa, dont les troupes étaient plus de deux fois supérieures en nombre à celles de Charles V de Lorraine, qui tenait encore la ville assiégée, augmentées de celles du roi de Pologne, Jean Sobieski, qui, respectant à la lettre ses engagements, se portait à son secours.

À quatre heures du matin, le 12 septembre, le combat s'engage. Les Turcs sont proches de l'emporter lorsque Jean Sobieski lance son infanterie à l'assaut. Après douze heures de combat, les Ottomans sont défaits et se retirent dans le plus grand désordre.

Cette victoire des chrétiens fut le point de départ d'une reconquête qui allait durer seize ans, permettre aux Habsbourg de récupérer la Hongrie et la Croatie, et surtout marquer la fin des prétentions turques sur l'Europe centrale. Il faudra ensuite trois siècles aux mahométans pour mettre en place de nouvelles modalités de conquête, moins voyantes, et pour comprendre tout l'intérêt d'avoir des alliés sûrs dans les places à prendre, afin d'endormir les velléités de résistance qui leur avaient coûté si cher en 1683.

Avec tout cela, nous sommes le 12 septembre.

lundi 10 septembre 2012

Eh bien si, les andouilles servent à quelque chose !

Lire un roman de Jean Freustié ne faisait pas, jusqu'à hier, partie de mes priorités, je le confesse ; et je ne l'aurais sans doute jamais fait, sauf s'il était venu de lui-même se placer entre mes mains – ce qui arrive. Mais évidemment, que l'un ou l'autre devienne soudain la cible de la joyeuse troupe des Rosaeux (le masculin doit l'emporter sur le féminin, ça ne se discute pas) de la blogosphère ou d'ailleurs, voilà qui le rend tout de suite digne d'intérêt, si ce n'est désirable. On se dit que, pour déclencher une aussi immédiate production de bave chez les bigots des temps actuels, il faut bien qu'il ait quelque chose pour lui, ce malheureux livre – en dehors de son titre, qui me plaît beaucoup. Si, de surcroît, P/Z (l'un de mes maîtres-étalons, si je puis dire, en ces matières) intervient pour affirmer qu'il s'agit effectivement d'un bon roman, alors il n'y a plus qu'à se précipiter du côté de chez Amazon et à régler l'affaire en deux ou trois clics. Le dernier doute est levé au moment où vous découvrez qu'un vendeur vous propose son exemplaire contre la somme de deux euros : avoir la possibilité de faire un doigt d'honneur à Rosalui pour le prix d'un petit noir en terrasse, vous avouerez…

samedi 8 septembre 2012

La littérature vue de la gauche verdurin

Qu'est-ce qu'une bigote ? Dans le langage populaire, c'est une femme frustrée pour qui la bite est l'ennemi. La bite en question, évidemment, est protéiforme selon les époques, la bigote étant toujours le plus sûr soutien de l'idéologie dominante. De plus, précisons que la bigote peut parfaitement être un homme : dans ce cas, on parle d'un bigot. Par exemple, au mitan du XIXe siècle, la bigote type pouvait très bien être procureur impérial, s'appeler Me Pinard et condamner Baudelaire et Flaubert, au nom de toutes les bigotes qui le poussaient dans les reins. Il ne faut pas se moquer des oukases de Me Pinard : il était parfaitement représentatif de son temps et exprimait les indignations de la majorité bêlante alors en place.

De même, il serait trop facile de se moquer de Mamie Rosa, chaisière moderne : à l'instar de Pinard, elle est incapable d'envisager un livre pour sa valeur propre : s'il ne veut pas être immédiatement brûlé en place publique, un roman se doit, dans le petit camp de rééducation qu'est la société dans la tête de Mamie Rosa, de promouvoir les aberrations mentales en vogue, à l'exclusion de toute autre. Un romancier “responsable” doit s'interdire d'aborder certains thèmes ; et s'il le fait tout de même, il doit bien entendu se refuser à tenter de les comprendre et se contenter, comme font toutes les Mamies Rosa de la planète Europe, de les condamner vigoureusement, pour l'édification des masses. Ainsi, Mamie écrit :

« Il y a quelques années en arrière, je suis tombée par hasard sur un livre qui avait quand même eu le Prix Renaudot et dont l'auteur a un style effectivement très bon, le roman est de bonne facture littérairement parlant.
Cela s'appelle Isabelle ou l'Arrière-Saison, de Jean Freustié: le titre est poétique, c'est clair.
Mais cela s'arrête-là: ce truc est un torchon idéologique malsain. Cela raconte l'histoire d'un type de 45 ans tombant amoureux de sa fille (qu'il ne connait pas(!) l'auteur est bien sûr hypocrite...on est pas à cela prêt), et tout le long la gamine de 15 ans (et pas 17 comme on voit sur les résumés), joue une espèce de séduction dont le brave gars de père est victime...à vomir...puisque l'auteur joue sur la fameuse légende de l'allumeuse...vous savez, celle qu'on nous sort pour justifier le viol...bien sexiste avec ça...
Le père se "guérit" en se tapant la copine du même âge.

Et bien, ce torchon infect ne semble pas avoir traumatisé grand monde à l'époque, si jamais vous vous rappelez d'un quelconque parfum de scandale, faites-moi signe. »

Passons bien entendu sur le côté folklorique de la syntaxe de la dame. Je précise que je n'ai jamais lu la moindre ligne de Freustié, mais il va de soi que ce genre de crapulerie morale me donne irrésistiblement envie d'y aller voir, ce qui n'est déjà pas si mal. Comme Freustié est mort depuis près de trente ans, il devrait se remettre sans trop de peine de cette attaque en bigoterie modernœuse. Mais on sent bien que si le bas-bleu dont on cause pouvait le faire rayer des listes d'Amazon et de la Fnac réunis, il ne s'en priverait pas. Du reste, la dame a des alliés de plus en plus nombreux parmi les “petits libraires” dont je vois mal comment un individu normal pourrait ne pas souhaiter la mort la plus rapide et la plus douloureuse, tant ils sont devenus acharnés à se transformer en commissaires politiques plutôt qu'en vendeurs de livres.

Milan Kundera dit dans l'un de ses essais critiques (je ne sais plus lequel) que le roman est ce “territoire où le jugement moral est suspendu”.  Demander à une aigre bigote de suspendre son jugement moral revient à la condamner à mort, car alors il ne lui resterait rien ; ce qui serait déjà un effet hautement bénéfique du roman. Dans le monde de Mamie Rosa, il n'y a pas de place pour le roman, pas de place pour la littérature, pas de place pour rien de véritablement humain : juste des barbelés et des idées ; idées à l'intérieur des barbelés, idées en dehors (chargées de surveiller celles qui sont à l'intérieur).

On va dire que je m'acharne sur cette pauvre fille : je ne crois pas. Elle est loin d'être la seule à “penser” sur ces rails-là, la blogosphère en fourmille. Simplement, comme elle est stupide et candide, ça se voit beaucoup mieux chez elle que chez d'autres : Mamie Rosa est notre mètre étalon, c'est en cela qu'elle fascine. Et comme on est finalement assez longanime, bien que nauséabond, on ne dira rien de cette fierté qu'elle étale lorsqu'elle prend les spams qui fourmillent sur son blog, comme sur les nôtres, pour des lecteurs véritables.

Mamie Rosa doit continuer à vivre et à s'exprimer (comme on le dit d'un furoncle qui perce enfin) : telle est notre croix.


(Je reconnais qu'assimiler la gauche à Mamie Rosa, dans mon titre, est un coup bas de ma part : j'en sais qui savent lire, et comment. C'est comme si on ramenait la droite à Andres Breivik.)

vendredi 7 septembre 2012

L'adieu aux livres


Il y a environ deux heures, en cliquant sur la touche “passer la commande”, Catherine et moi avons effectué un saut quantique qui ne laisse pas de m'effrayer encore un peu. D'ici quelques jours, nous devrions recevoir une liseuse Kindle Touch. Il va de soi que, dans un premier temps, je laisserai la douce moitié de moi-même essuyer ces nouveaux plâtres électroniques, ayant bien trop la crainte de passer l'engin par la fenêtre au moindre refus d'obtempérer qu'il ne manquerait pas de m'opposer. Mais, ensuite, je compte le bourrer à ras la mémoire de tout un tas d'œuvres écrites qui ne peuplent pas ma bibliothèque, et ce pour des prix défiant toute concurrence, voire pas de prix du tout.

Il n'empêche que, depuis tout à l'heure, depuis que l'irrémédiable a été accompli, j'ai l'impression que les livres, ici, me regardent d'un drôle d'air.

La fait-diversité : acte de naissance officiel


Le paragraphe qu'on va lire est extrait d'une interview donnée par Renaud Camus à Valeurs actuelles. Comme l'entretien a paru tronqué dans le magazine, il est reproduit ici dans son intégralité. J'ai choisi ce passage car je trouve très heureusement venue la formation de ce néologisme, la fait-diversité. Camus y répond à la question suivante : Y a-t-il un génie des peuples, et plus spécialement un génie français ? Et si oui, en quoi consistent-ils les uns et les autres ? Et en quoi sont-ils menacés ?

« Il y avait des caractères propres à chaque communauté ethnique ou culturelle, qui se manifestaient dans des formes de toit, de fenêtre ou d’arcades sourcilières, dans des répartitions de l’ombre et de la lumière à l’intérieur des tableaux, des timbres et des nuances chromatiques au sein de la musique instrumentale, des galbes de meubles, des expressions du visage, des lignes de fuite au sein des jardins, des prééminences de saveur dans la cuisine, des façons d’être de bouleaux, de chênes, de chiens, de pivoines, de ruisseaux, de jeunes filles. Stendhal, quand il voyage dans le Midi, prend soin de décrire le type physique des femmes de chaque ville — pas le costume, non : la bouche, le nez, les yeux. « Le divers décroît » constatait déjà Segalen. L’humour noir du sort veut qu’il décroisse au nom même, menteur, comme tout le reste, de la sacro-sainte “diversité”, de même que le triomphe du même a pour meilleur fourrier, par un apparent paradoxe, le culte officiel et obligatoire de l’“autre”. Plus il y a d’“autre(s)”, c’est curieux, moins il y a d’altérité dans le monde, dans la cité, dans la vie de l’esprit et dans l’être. Quant à la “diversité”, désormais quatrième mousquetaire de la devise républicaine, elle semble, à en juger par ses conséquences sur l’ordre public et l’harmonie sociale, le nom générique des faits-divers. Bien que les “divers” ne soient pas seuls à les alimenter on est parfois tenté, tant leur place y est éminente, d’appeler fait-diversité la chronique de la nocence, les annales de l'“insécurité” — à moins qu’il ne faille parler de la mauvaise fée Diversité, inspiratrice des méfaits de tant de ses “issus”… »

À propos du conflit arabo-palestinien


« (…) Si l’on peut reprocher à Israël d’être, à certains égards, un pays à deux vitesses, il reste à l’heure actuelle le seul de la région à promouvoir, ainsi que le prévoit la Déclaration d’Indépendance de 1948, « une complète égalité de droits sociaux et politiques (…), sans distinction de croyance, de race ou de sexe. » C’est pourquoi, il compte de nombreux citoyens arabes aux fonctions étatiques les plus hautes : à la Knesset, par exemple, plusieurs députés arabes ont été élus dont Taleb El-Sana, Ahmad Tibi ou Muhammad Barakeh ; à la Cour suprême d’Israël, le juge Salim Joubran siégea lorsque la haute juridiction condamna, en novembre 2011, l’ancien président d’Israël, Moshé Katzav, à sept ans d’emprisonnement pour harcèlement sexuel et viols. En dépit du régime démocratique qui fait d’Israël une exception au cœur d’une région ravagée par les dictatures militaires et religieuses, cet État est régulièrement comparé à une nation d’apartheid.

« À titre de comparaison, à l’heure actuelle au Liban, plus de 400 000 réfugiés palestiniens restent apatrides, géographiquement et socialement cantonnés à des emplois déterminés ; en Syrie, ils sont méprisés et manipulés par des dirigeants dont la politique fut toujours celle de la division permanente de la scène politique palestinienne. En Jordanie, ils sont également méprisés en raison de l’épisode Septembre noir orchestré par Yasser Arafat en 1970 contre la monarchie hachémite et ils furent déchus de la citoyenneté jordanienne lors du désengagement de la Cisjordanie en 1987. En Égypte, les Palestiniens subissent le dédain des autorités, qui contrôlaient Gaza d’une main de fer jusqu’en 1967 avant de l’abandonner définitivement en 1978 à Israël, marquant ainsi sa “trahison” de la cause palestinienne. (…) »


jeudi 6 septembre 2012

Comment faire crever les mères ?


Je sortais de la boulangerie de l'avenue de l'Europe, à Levallois, une expérience soft que je ne souhaite à personne, notamment en raison de la qualité du pain qu'on y vend. Mais enfin j'en sortais. En même temps que moi, mais par l'autre porte, une femme que je n'ai pas regardée, avec un enfant, un garçon, un tout petit, je dirais : entre deux et trois ans. 

Ce gamin, donc : prêt à se jeter dans mes jambes, mignon comme vous n'avez pas idée, même pour un type dans mon genre qui déteste les enfants, ou est censé les détester. Tout brun, tout bouclé, souriant et délié de la parole. Moi, ma baguette sous le bras, vieux con irrémédiable, je contemple ce petit lutin-là ; il va et vient sous l'arcade, mais pas loin car il est tout petit, tout jeune, à peine vivant, je trouve, durant les quatre ou cinq mètres que nous parcourons ensemble entre cette boulangerie et… et tout le reste de sa vie. 

Je suis presque attendri (avec ma baguette sous le bras, ce qui n'aide pas) : vraiment, ce petit machin, ce bout d'homme, ce petit zébulon frisé et souriant, on pourrait s'en accommoder, n'est-ce pas ? S'en faire un pour soi, pour peu qu'on ait le réceptacle féminin nécessaire. Bon, on n'a pas envie, on l'a déjà dit : pas d'enfant, berk ! Mais enfin, ce petit truc, là, frisé, qui gambade et gazouille, n'est-ce pas…

C'est à ce moment que (il ne s'est pas passé plus de cinq ou six secondes) la “maman” ouvre sa gueule, sa terrible gueule de “maman”. Et elle dit ceci :

« Ethan ! Viens-là mon chéri ! Ethan ! »

Ethan. Ce petit garçon merveilleux s'appelle donc ainsi : Ethan.  Comme Buthan, Propan, autre gaz, etc. Je ne le reverrai jamais, ce gamin entrevu hier. Mais évidemment, je vomis sa mère. Qui l'a appelé ainsi : Ethan. Qui lui a donné un nom de gaz. 

Pouffiasse. Va crever.

mercredi 5 septembre 2012

Guide du broutard : de plus en plus con, mais dans le bon sens

Déjà, jeunes, ils étaient moches et avaient l'air con. Rien ne s'est arrangé avec le temps : désormais, la chouette équipe des broutards arbore sur la chouette photo qui trône en chouette quatrième de couverture de leurs chouettes petits guides, de chouettes maillots rayés qui les font ressembler à ce qu'ils sont : de chouettes bagnards de la teuf à petits prix. Mais le meilleur – encore une chouette nouveauté, je crois bien –, c'est la fière proclamation, toujours en chouette quatrième de couverture, des “valeurs que nous défendons”. Je vous les livre in extenso et dans l'ordre où elles sont proposées à notre chouette convoitise :

Coups de cœur, tolérance, générosité, respect, Droits de l'homme, sincérité, rencontres, indépendance, fous rires, curiosité…

J'ignorais que les rencontres et les fous rires fussent des “valeurs”, mais il vrai qu'on nous cache parfois de chouettes choses. À mon sens, parmi leurs chouettes valeurs, ils ont oublié le frigo et le nombre d'or – mais personne ne peut penser à tout,  même pas le chouette, le tolérant, le généreux, le respectueux, le droit-de-l'hommiste, le sincère, l'indépendant, le curieux Philippe Gloaque.

lundi 3 septembre 2012

Que le monde, ailleurs, s'agite, bruisse, allume ses fêtes


Je me suis dit qu'après le tombereau d'insanités suffisantes que je vous ai plus ou moins contraints d'ingurgiter hier, je vous devais, aujourd'hui, un peu de silence et de mélancolie. Un peu d'absence. En voici donc.

« Et comme Bruges aussi était triste en ces fins d'après-midi ! Il l'aimait ainsi ! C'est pour sa tristesse même qu'il l'avait choisie et y était venu vivre après le grand désastre. Jadis, dans les temps de bonheur, quand il voyageait avec sa femme, vivant à sa fantaisie, d'une existence un peu cosmopolite, à Paris, en pays étranger, au bord de la mer, il y était venu avec elle, en passant, sans que la grande mélancolie d'ici pût influencer leur joie. Mais plus tard, resté seul, il s'était ressouvenu de Bruges et avait eu l'intuition instantanée qu'il fallait s'y fixer désormais. Une équation mystérieuse s'établissait. À l'épouse morte devait correspondre une ville morte. Son grand deuil exigeait un tel décor. La vie ne lui serait supportable qu'ici. Il y était venu d'instinct. Que le monde, ailleurs, s'agite, bruisse, allume ses fêtes, tresse ses mille rumeurs. Il avait besoin de silence infini et d'une existence si monotone qu'elle ne lui donnerait presque plus la sensation de vivre. »

Georges Rodenbach, Bruges-la-Morte, GF Flammarion, pp. 65-66.

dimanche 2 septembre 2012

Un bel exercice d'antisémitisme primaire, comme on aimerait en lire plus souvent


Si vous n'avez pas peur d'aller barboter dans le cloaque, franchement ça vaut la peine…

samedi 1 septembre 2012

Comment je suis devenu réactionnaire sans douleur ni même m'en apercevoir

Renaud Camus, écrivain cristalliseur…

Hier, le jeune Gaël (je ne sais pas son âge, mais je sais qu'il est assez nettement plus jeune que Nicolas, et donc a fortiori que moi), sur son blog De tout de rien, me disait, en réponse au commentaire que je venais de lui laisser, qu'il pensait justement à moi et se demandait où je pouvais bien en être, sur le plan idéologique, dans ces années quatre-vingt-dix qu'il évoquait, et à quel moment j'étais passé “du côté obscur de la force” – selon sa propre expression. Bien entendu, il a employé cette formule par humour ; néanmoins, elle reflète très bien ce que pensent plus ou moins consciemment tous les gens de gauche à propos de ceux qui ont abandonné les idées auxquelles eux continuent de s'accrocher : que notre changement de perspective ne peut être qu'une chute, un lâcher-prise ; qu'en disant adieu à tous les idéaux plus ou moins fumeux, nous succombons à je ne sais quel bas instinct, qui se nicherait en tout homme et qu'il importerait de combattre vigoureusement. Pendant ce temps, bien entendu, nous autres pensons – tout aussi sincèrement – que nous avons enfin accédé à la lucidité, que nos yeux se sont décillés ; et nous plaignons les malheureux progressistes de continuer à errer comme ils font dans les brouillards de leur jeunesse attardée. 

Bref, j'ai botté en touche, comme disent mes confrères en journalie, et lui ai dit que la réponse à sa question était assez difficile à donner, y compris à moi-même, mais que j'allais tenter de l'éclaircir, au moins dans mon journal. Ma première tentation, si je réponds vite et sans trop examiner la question, serait de dire que je suis devenu réactionnaire (mot employé faute de mieux et qui ne recouvre pas exactement ce que je crois être) sur le tard, assez précisément en 2006, le véhicule de ma “conversion” ayant été les livres de Philippe Muray dans un premier temps, et ceux de Renaud Camus juste après. C'est ce que j'ai d'abord pensé. Ensuite, il a commencé à me sembler qu'il y avait quelque chose d'un peu étonnant dans un changement de point de vue à la fois aussi tardif et à ce point radical, massif, comme dirait l'autre en parlant de l'ennui qui naît immanquablement chez le lecteur de mon journal. Il devait bien y avoir autre chose.

Petit à petit, en repensant à certaines de mes réactions face à tel ou tel événement précis du passé, j'en suis arrivé à me dire que, sans doute, mes lectures de Muray et Camus avaient opéré en moi non pas une quelconque conversion mais une cristallisation, qu'elles m'avaient servi à réunir et à structurer des éléments disparates et épars qui, pour cette raison même, m'étaient jusqu'alors demeurés invisibles, ou en tout cas pas assez signifiants pour remettre en cause une appartenance au “camp” de la gauche, posée par moi comme un indiscutable a priori, un postulat à la remise en cause impensable. Je me suis alors rendu compte que mon réactionnariat était beaucoup plus ancien que je ne le croyais ; et peut-être même que mon “progressisme” n'avait jamais existé plus profondément qu'au stade de la pure et simple jactance. Jactance qui, je le crains fort, m'avait été inspirée par un banal conformisme sécrété par l'époque à laquelle je fus jeune. Plus guère de doute : j'avais été, durant des années, un réac-avant-l'âge, mais affublé du gros nez rouge de la révolution et coiffé de la perruque jaune paille des lendemains qui chantent.

Sinon, comment expliquer, dès le début des années quatre-vingts, mon admiration jamais démentie pour le pape Jean-Paul II ? Mon enthousiasme, à la même époque, pour la montée en puissance de Solidarnosc ? Ma satisfaction, en 1984, de voir réélu Ronald Reagan, au prétexte qu'il était le plus anticommuniste des candidats à la Maison-Blanche ? Ma très force suspicion devant la farce sandiniste au Nicaragua ? Et mon dégoût instinctif pour l'éducation permissive, qui commençait d'exercer ses ravages chez les jeunes parents ?

Mais, tous ces éléments, ces petits faits isolés, il ne me serait pas venu à l'esprit de les relier entre eux, de les réunir afin qu'ils dessinent mon portrait. Pour cela, il a fallu le “coagulant” que furent les lectures conjointes de Muray et de Camus. Et ce qui m'amuse aujourd'hui, c'est de voir certains individus, notamment chez les blogueurs, qui sont eux-mêmes, en ce moment, dans cette situation prémurayenne, antécamusienne, où j'étais alors : ils se disent et se pensent sincèrement toujours-de-gauche, mais dès qu'ils expriment une opinion, ou mieux : une réaction, celle-ci est quatre fois sur cinq en opposition radicale avec ce qu'ils prétendent être.

Comme suis un bon garçon, je ne donnerai pas de noms.