Ils sont nombreux, et très différents les uns des autres, ce qui les rend encore plus amusants. On a envie de les couper en morceaux, mais ça ne servirait à rien. – d'autant qu'ils ne sont pas mangeables, même pour nos chiens. Il y a évidemment Céleste (je veux dire : les célestes, avec un petit “c” : un symptôme plus qu'un individu réel), ma préférée, celle qui se fera couper la gorge avec le sourire, celle qui aime le monde entier, à condition qu'il soit basané et pauvre (c'est-à-dire le contraire d'elle), sans savoir que “le monde entier”, ça n'existe pas. Les Céleste pensent notamment que si on abolit les frontières, l'humanité va d'un coup devenir une sorte de gardiennage IKEA, ne demandant qu'à rire, à jouer, etc. Or, naturellement, si on abgolit les frontières et les différences, la sauvagerie intrinsèque se déchaînera dans le quart d'heure. Bref, Céleste est une pitoyable conne n'ayant aucune idée de ce qu'est l'homme. On le sait depuis un moment, il est inutile d'y revenir.
Il y a aussi les révolutionnaires. Ceux-là sont moins gênant, moins dangereux – rigolos et fokloriques : ils font du bruit, des moulinets avec leurs petits bras, mais rien de plus. Prenez mon ami CSP, par exemple. Sous prétexte qu'il écrit à peu près en français, on pense qu'il est intelligent. De fait, par rapport à ses commentateurs, il l'est – mais ce n'est pas mettre la barre bien haut. Sinon ? Il atteindra les 80 balais (comme Krivine, comme l'autre con trotskiste dont la mort a été annoncée ces derniers jours alors qu'il pourrissait depuis déjà un an, dont le nom m'échappe, et échappe à tout le monde) et attendra toujours la révolution. Il aura passé sa vie à attendre : why not ? C'est son histoire. Il n'y a jamais de vraie révolution. Une révolution est toujours fausse, elle consiste juste à redistribuer les cartes – la nature humaine étant ce qu'elle est. Tous les gens qui s'intéressent vraiment à la politique se foutent de ce genre de petits crétins inutiles, braillards, gesticulants et, somme toute, assez drôle..
J'ai connu les mêmes, il y a environ 35 ou 38 ans, quand l'autre polichinelle n'était même pas né : le discours était exactement (mais alors, exactement) le même. La seule différence est que mes cheveux étaient plus longs. Les leurs aussi, du reste : c'était la panoplie obligée. Les gauchistes adorent les uniformes, contrairement à ce qu'ils croient eux-mêmes : c'est d'ailleurs leur seule manière d'être jeunes, ce goût du semblable. Je signale aussi que, à mon époque, les gauchistes réfléchissaient (ou croyaient réfléchir) et qu'ils n'allaient évidemment pas se muscler au Gymnase-Club ni ne s'agenouillaient devant les plus cons des films hollywoodiens, comme ce parfait américanophile-qui-s'ignore de CSP. En un mot, même les plus recuits des bourgeois, s'il en reste, n'ont rien à craindre de ce genre de petits ludions, puisqu'ils fabriquent et vendent ce qsue ces petits crétins ne demandent qu'à acheter.
Les gauchistes de ma jeunesse se souciaient de leur cerveau (un peu) et absolument pas de leur viande. Ils étaient très bêtes (parce que très jeunes), mais enfin, au moins, ils n'allaient pas pousser de la fonte pour se faire des muscles. – Fin de la parenthèse.
Maintenant, passons à la droite. Ça n'existait pas. Un lycéen (ou étudiant) de droite, ça n'existait pas, quand j'étais petit. C'est-à-dire que ça fermait sa gueule. En réalité, il y en avait autant qu'aujourd'hui, mais ils avaient bien compris qu'ils n'étaient pas “dans le vent”. Donc, ils se taisaient. Et, là, je vais parler de moi, qu'on me le pardonne.
J'étais de gauche. Non : d'extrême. J'étais même anarchiste, ce qui était encore plus confortable, plus à gauche de la gauche, plus rien du tout. Être anarchiste a toujours été n'être rien du tout, mais donner des leçons de gauchisme à tout le monde : cool. Donc, comme je me suis finalement foutu de tout, j'étais anarchiste. en plus, ça faisait chier mon père, militaire. Être anarchiste, c'est se payer une petite révolte contre papa, sans qu'il se passe quoi que ce soit de désagréable. Donc, j'étais anarchiste. Je le proclamais. J'étais de gauche (extrême) comme tout le monde alors., pour peu qu'on ait moins de 25 ans. C'est-à-dire que j'étais dans le courant majoritaire – soit un petit con. Semblable à tous les autres. Qui pense qu'il pense, et ne pense justement pas. Du coup, j'ai contribué à faire élire Mitterrand (je vous passe quelques années sans intérêt), et je ne me souviens pas avoir été plus heureux que ce fameux 10 mai 1981 – je ne renie rien : tant pis pour ma gueule.
Maintenant, l'extrême-droite ; la très fameuse, la très horrible. Moi qui ne vote jamais (sauf précisément en 1981...), je ne voterai jamais pour le Front national. Parce que Jean-Marie Le Pen. Parce qu'il est intrinsèquement antisémite, comme le sont ces gauchistes actuels que je déteste, qui se sont vertueusement rebaptisés “antisionistes”, et qui sont les magnifiques héritiers des antisémites du siècle dernier, et même de celui d'avant. Je le redis : je suis furieusement philosémite ; je regrette (d'une certaine manière) de n'être pas juif, de ce peuple magnifique qui, probablement, est réellement le sel de la terre. J'aime Charles Chaplin pour cette réponse qu'il faisait quand on lui demandait s'il était juif : « Je n'ai pas cet honneur. » Je ne l'ai pas non plus, et le regrette.
Par conséquent, tant que Le Pen sera aux commandes, il sera hors de question pour moi de voter pour le Front national. Je fais partie de ces gens qui pensent que Le Pen fait le lit du monde actuel, en servant de repoussoir. J'attends un Geert Wilders français, mais n'en vois aucun se pointer. Marine Le Pen ? Mouais... Faut voir. Je n'y crois pas tellement. Pas l'ombre d'une idée, pas la moindre vision de l'avenir.
Que conclure ? Rien, pour l'instant. Personne ne me donne envie de voter, absolument personne. Je vois trop bien qu'un Sarkozy et un Strauss-Kahn (ou une Aubry, ou une Royal, voire un Mélenchon) sont des copies conformes : liquidateurs de cette France qu'ils détestent et que, moi, je persiste à aimer. En réalité, je pense que nous sommes déjà morts, et j'en appelle à Baudelaire, cette conscience supérieure du XIXe siècle, quand les blogueurs ne connaissent que Hugo, ce flamboyant imbécile qui leur ressemble, au fond. Nous sommes morts. Mais, comme nous agitons encore bras et jambes, ça ne se voit pas trop. Pour l'instant.