Elle n'y est évidemment pas pour grand-chose, la petite clandestine kosovarde – ou kosovarane, ou kosovarienne, ou kosovareuse, I don't care –, mais à cause d'elle j'ai replongé la nuit dernière dans ce délicieux rêve récurrent que je fais depuis plusieurs années et dont je suis toujours désolé, m'éveillant, de constater la nature purement onirique.
Il a pour théâtre une cité sinistre et multicule, trois blocs d'appartements, avec antenne parabolique à chaque balcon, disposés en carré ouvert, le centre commercial – deux boutiques sur trois définitivement fermées, rideau de tôle tagué jusqu'au dégoût – formant le quatrième côté. Au milieu, posé sur un souvenir de pelouse, à côté des deux bacs à sable : celui des enfants un peu plus vaste que celui réservé aux chiens, un bâtiment rectangulaire à un seul niveau, assemblage de plaques préfabriquées et avec des panneaux d'affichage devant : c'est un genre de centre culturel, de “maison pour tous” dans laquelle personne ne met jamais les pieds, sauf les deux permanents d'une association à subventions municipales et régulières, qui s'y relaient pour ouvrir le matin et fermer le soir. Entre les deux, ils ramassent les cannettes de bière vides et les emballages de Mac Do qui jonchent les trois marches et le semblant de perron protégé de la pluie par un auvent de plastique plus ou moins translucide.
Mais, dans mon rêve, la maison pour tous affiche complet, exceptionnellement. C'est que s'y tient la réunion mensuelle des antennes locales de diverses officines pleurnichardes et procédurières : LDH, RESF, Debout la Cité !, Ainsi front, front, front (la dernière née, spécialisée dans la lutte antifasciste par les armes du surréalisme), DAL, Valls à trois temps (citoyens en colère contre les expulsions d'enfants au berceau et de femmes indisposées), plus deux ou trois autres que je n'ai pas le temps de nommer ici mais dont, il n'en faut pas douter, l'histoire retiendra tous les noms. Ils sont au moins cinquante, là-dedans, en état de surchauffe physique et émotionnelle. Ça schlingue la transpiration de vieux, la brillantine qui tourne, la fuite urinaire mal colmatée – ça sent le militant citoyen, si vous voulez vous faire une idée du mélange. La motion qui vient d'être présentée par le président de section d'Ainsi front, front, front lézarde un tantinet la belle unité d'action : certains, notamment parmi les plus de 75 ans, rechignent un peu à aller s'allonger en plein cagnard sur le tarmac de l'aéroport voisin, à seule fin d'empêcher de décoller l'avion qui doit reconduire la famille Popolescu en sa Roumanie natale. On va pour mettre aux voix, c'est alors que ça se produit.
Six types sautent à bas du camion débâché qui vient de s'arrêter devant la galerie marchande. Ils portent des casques de moto à visières fumées, deux grosses bouteilles dans le dos et un bizarre fusil entre les mains. Ils piétinent sans vergogne l'absence de pelouse et se déploient en demi-cercle autour de la maison pour tous. C'est au moment où ils pressent avec un bel ensemble la queue de détente de leurs armes que Mohammed Diop, accoudé à sa fenêtre au troisième étage du bloc B (escalier 1), comprend qu'il ne s'agit pas de fusils mais de lance-flammes.
La maison pour tous s'embrase presque tout de suite ; l'hospice se fait mouroir, des parfums de barbecue couvrent les relents de pisse vendanges tardives. Les couinements citoyens qui s'échappent du brasier sont en grande partie couverts par les sifflements furieux des bouches à flammes. Il ne se passe pas plus de cinq minutes avant que les anges exterminateurs – mission terminée, aucun survivant – ne remontent dans leur camion, lequel tourne rapidement le coin de l'avenue Albert-Jacquard avant de filer vers la cité des Primevères qui borde l'autoroute de Paris.
En général, c'est à ce moment-là que je me réveille.
S'il n'y a plus que ça pour vous donner des érections...
RépondreSupprimerDANNY L
Quel intérêt d'avoir des érections ?
SupprimerMoi, les rêves de flammes ça me donne une de ces soifs en plein milieu de la nuit! Je préfère de loin rêver d'océans, vastes, sombres, profonds et habités.
RépondreSupprimerL'eau des océans est salée : ça peut donner soif aussi…
SupprimerSaviez-vous que dans le film Narco (non ce n'est pas du verlan) Guillaume Canet fait aussi des rêves terribles ?
RépondreSupprimerDécidément, il y a des coïncidences troublantes.
Billet très proustien, comme d'hab, des odeurs ennivrantes de petites Madeleines (non pas le biscuit) crâmées...
Je me demande si ce pauvre Marcel aurait été d'accord avec votre appréciation…
SupprimerToujours est-il que maintenant on comprend pourquoi vous vous couchez de bonne heure.
SupprimerUn rêve...dommage.
RépondreSupprimerJe pense qu'on ne devrait plus tarder à voir apparaître les procès pour activités oniriques nauséabondes…
SupprimerIsmaïl Kadaré décrit quelque chose de ce genre dans "Le palais des rêves"
SupprimerBon démarrage d'un BM : les casqués sont des roms serbes qui n'aiment pas les kosovars
RépondreSupprimerThierry
Ça manquerait un peu de sexe, tout de même.
SupprimerVous allez encore fâcher la France de demain… (enfin d'aujourd'hui…)
RépondreSupprimerMes rêves sont moins réalistes que les vôtres…
C'est que, les miens, je les arrange après coup…
SupprimerEh bien, elle vous en fait faire de beaux rêves la petite Léonarda! Charmante enfant...
RépondreSupprimerCependant, je suis désolé d'avoir à vous le dire, certains détails de votre rêve révèlent votre grand âge.
Le lance-flammes, c'est dépassé, désuet, et pour tout dire, réactionnaire.
De nos jours on a trouvé beaucoup mieux pour nettoyer des locaux de leur vermine citoyenne. Par exemple ça.
Sentimentalement, je reste très attaché au lance-flammes, que voulez-vous !
SupprimerMore guns, less crime...
SupprimerEn France, avec la proportionnalité de la riposte, ça serait coton de plaider la légitime défense.
Popeye
PS : ça dépôte vos vidéos. Quant aux Russes, 44kt mais en conventionnel ! Sympa, mais l'arme pèse au moins 7 tonnes : l'emploi n'est pas facile. Le syndrome "tsar bomba" a encore frappé
C'est terrible, on voit bien les images en vous lisant... ^_^
RépondreSupprimerComme dirait l'autre, il n'y manque que le bruit et les odeurs…
SupprimerQue vient faire ce pauvre Albert Jacquard dans cette histoire !
RépondreSupprimerCe n'est tout de même pas sa faute si on a donné son nom à une rue !
SupprimerLe pauvre, il méritait de finir purifié avec les citoyens vigilants que vous décrivez si bien.
SupprimerVous faites de bien violents rêves...
RépondreSupprimerÇa doit venir d'une mauvaise position pendant le sommeil…
SupprimerVous devriez peut-être quand même songer à décrocher ce portrait d'Anders Breivik, au-dessus de votre lit.
RépondreSupprimerVous croyez que ça peut venir de là ? Je n'y avait point songé. Je vais commencer par ôter la Croix de fer qui orne le cadre…
SupprimerDe première classe avec épée et diamants, c'est le minimum.
SupprimerDeux grenades quadrillées suffisent pour faire du bon boulot et si on veut fignoler le travail quelques mines anti-personnelles disséminées ça et la et point de survivants.
RépondreSupprimerOui, mais, visuellement, c'est beaucoup moins joli.
SupprimerSi vous insistez, des petits grenades au phosphore, là ç'est joli tout plein, les petits gars courant partout en se consumant, j'en ai la larme à l’œil.
SupprimerVous êtes décidément trop moderne pour moi…
SupprimerLe piège à loup reste, a mon avis, un grand classique. Combiné avec le tromblon, ça passe nickel...
SupprimerMême dans le choix des armes, on voit les réactionnaires. Non seulement ils portent au pinacle une France moisie et des auteurs poussiéreux, mais en plus ils rêvent à des armes qui n'existent plus.
RépondreSupprimerQuand j'étais enfant, j'avais un petit soldat agenouillé, qui actionnait un lance-flammes. Beau travail, figurine probablement fabriquée en France par des ouvriers syndiqués. Il me semble bien que c'était un soldat nazi. On n'échappe pas à son destin.
La question fondamentale est : comment un auteur peut-il moisir dans une atmosphère poussiéreuse ?
SupprimerYa pas un allemand moustachu qui nous parlait de ressentiment ?
RépondreSupprimerJe ne saurais vous dire : contrairement à ce qu'une blogo-légende tenace aimerait accréditer, je n'ai pas d'Allemands dans mes relations – ni vivants, ni morts.
Supprimer"Les couinements citoyens" et peu renouvelables ni durables, cette fois-ci.
RépondreSupprimerEnfin, si, c'est renouvelable et remplaçable.
Mais il faudra trouver des "bénévoles" n'ayant pas entendu parler du premier barbecue.
Le lance-flammes, quel beau symbole phallique...Il serait temps de passer à des rêves non classés X
RépondreSupprimerDe la fièvre... un grog maison... et voilà le résultat : le syndrome du pyromane. Je dois l'avouer humblement, cela m'arrive aussi.
RépondreSupprimerÇa devrait vous plaire d'apprendre que vous êtes à la pointe de l'acualité pour la chasse aux nuisibles.
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