lundi 7 octobre 2013

Syntaxe des élites


Dans le dernier numéro de la revue Le Débat, fort intéressant par ailleurs, et même par ici, on apprend que, le 23 mars 2011, Nicolas Sarkozy chargeait Joseph Zimet, adjoint au directeur de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives au ministère de la Défense et des anciens combattants – et Monsieur Rama Yade à la ville –, de rédiger un rapport concernant les futures célébrations du centenaire de la Grande Guerre. Bien. À cette fin, le président de la République adressait une assez longue lettre au nouveau chargé de mission, afin de préciser ce qu'il attendait de lui. Re-bien. La missive en question se terminait par la phrase suivante, apprend-on dans la revue déjà nommée : 

« Vous me remettrez ce rapport au plus tard avant l'été 2011. »

Imagine-ton un de Gaulle, un Pompidou, un Mitterrand laissant passer cette phrase pataude jusqu'à l'absurde, et allant même jusqu'à la prendre à leur compte en traçant leur signature au bas du document ? Serait-elle même, cette phrase, arrivée jusque sous les yeux de ces présidents-là ? Parce que, enfin, on peut raisonnablement imaginer que la lettre en question a été rédigée par un troisième couteau, puis lue par un second couteau, avalidée par le premier couteau, revue par le secrétaire général de je ne sais quoi, par le grand chambellan de la syntaxe citoyenne, qui sais-je encore. 

Et pas un de ces grands serviteurs de l'État ne s'est avisé que le conglomérat “au plus tard avant” n'avait aucun sens ? Je serais personnellement très ennuyé si je devais remettre à quelqu'un un rapport, ou un article, ou ma petite sœur, au plus tard avant l'été. Ça tombe quel jour, ça, au plus tard avant l'été ? Et devrais-je en déduire que je suis censé m'acquitter de ma tâche, à l'inverse, au plus tôt après le printemps ? À la fin du mitan de l'hiver ?

Cette patauderie prouve simplement que celui qui l'a commise ne comprend pas la langue qu'il tente de manier ; ce qui n'est pas grave puisque, manifestement, la phrase ayant franchi avec panache tous les barrages, il s'adressait à des sourds. Des sourds hiérarchisés jusqu'au sommet : pour finir, M. Nicolas Sarkozy, président de la République française, a cautionné cette aberration de son paraphe sans que cela ne lui fasse bouger une oreille (suppose-t-on).

C'est d'autant plus regrettable que, si j'avais été présent, en ce 23 mars 2011, j'eusse facilement pu lui éviter ce ridicule, en retenant la main présidentielle au plus tard avant qu'elle ne signe.

20 commentaires:

  1. vous devriez postuler pour un boulot de rewriter à l'Élysée...et pas besoin il y a déjà une bonne plâtrée de journalistes au Château, Trierweiller, Claude Sérillon et pareil lors de l'administration précédente...

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    1. Ah parce que, grand naïf que vous êtes, vous vous imaginez que le fait d'être journaliste suffit pour pouvoir se passer de rewriters ?

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  2. Voilà, le jour où Sarko bénéficie d'un non lieu prévisible tant l'accusation était débile que vous lui faites un procès en syntaxe ! Aucune pitié ! :)

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    1. Ce n'est pas à lui que je le fais, mais au "nouveau monde" dont il est hélas un parfait représentant. Cela dit, Hollande s'exprime dans le même sabir.

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  3. Vous en faites bien des histoires pour une "patauderie" de rien du tout !
    Peut-être eussiez-vous dû retenir votre plume, et au lieu de nous parler de la syntaxe des élites du passé, vous eussiez pu vous focaliser sur celle de nos élites présentes.
    Je suppute qu'il y aurait largement de quoi faire !

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    1. Comptez sur moi dès que l'occasion se présentera. Du reste, je crois bien l'avoir déjà fait à plusieurs reprises.

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  4. J'imagine bien la scène :

    Sarkozy : Tu peux me relire la dernière phrase ?

    Le Conseiller spécial : "Vous me remettrez ce rapport avant l'été 2011."

    Sarkozy : Tiens, on va lui mettre un peu la pression ; rajoute : "au plus tard" !

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  5. L'absence de sens est la nature du discours de ces gens-là....

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    1. Oui, mais ils pourraient essayer de produire de l'absence de sens en bon français…

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  6. Dans le genre sabir issu de ce milieu que je connais bien, il y a aussi le très fameux "notamment" et le célébrissime "mis en articulation"
    Thierry

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    1. Que reprochez-vous à “notamment” ?

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    2. Son imprécision, ce machin ouvre et ferme, mollement. Il n'y a pas une note ministériel qui ne comporte ce stigmate. A peu près certain que ni Clemenceau, ni De Gaulle n'en usaient
      Thierry

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  7. Billet avec lequel on ne peut qu'être d'accord. Cela étant, je me demande quand même si votre avalidée est volontaire ou non...

    Imagine-t-on (avec... hum, hum.. deux traits d'union) en effet que cela puisse être autre chose qu'une faute de frappe, due à la proximité du S et du D sur le clavier ?

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    1. Mettons cela sur le compte d'un arrêt momentané du cerveau (cette réponse vaut aussi pour Barbara, ci-dessous).

      Je le laisse, à fins de mortification personnelle.

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  8. S'il avait écrit "au plus tard après l'été 2011", vous n'auriez rien dit...

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  9. J'aime bien votre avalidé, métissage probable entre aval et validation.

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  10. Peut-être aurez-vous entendu Hollande au sujet des "bonnes nouvelles qui arrivent"? Mais oui, elles sont encore dans le train, elles arrivent.
    Ces nouvelles qu'on fabrique (la baisse du chômage annoncée il y a une semaine en est un parfait exemple), dont la France a besoin pour ne pas se tourner vers les extrêmes.


    Donc, ne vous tournez pas vers les extrêmes, soyez juste patient Didier, les bonnes nouvelles "arrivent", elles sont juste en cours de fabrication.

    C'est si drôle...

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  11. "Le mec ne comprenait pas la langue qu'il parlait"
    Ça tombe bien, les gensses à qui il s'adressait non plus
    Enfin....c'est pas comme s'il était le seul.....

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.