mardi 12 août 2014

La puanteur permanente de certains cadavres

Comme il fallait bien, aujourd'hui, célébrer un mort d'hier d'une façon ou d'une autre, et que je n'avais que très modérément envie de revoir ce monument de niaiserie qu'est Le Cercle des poètes disparus, j'ai choisi plutôt de consacrer quelques heures aux Écrits sur la Chine (Robert Laffont – Bouquins). Je ne relis pas vraiment ; je hume, je musarde, je furète : mon hommage est vagabond et nez en l'air. La prose de Simon Leys se prête bien à la nonchalance de l'exercice : par où qu'on y entre, elle vous séduit et vous emporte, par son élégance et sa beauté sinueuse. Par sa verve, son humour et son mordant, aussi : il faut lire et relire les huit ou dix pages assassines par lesquelles il exécute Michelle Loi (L'Oie et sa Farce), vieille maolâtre, autoproclamée sinologue, dont, après 12 ans de caveau, le cadavre sent encore : je ne crois pas que la punaise de Grande Muraille s'en soit jamais tout à fait relevée.

Mais les livres de Leys, ces livres-là, sont avant tout un hymne à la Chine, à ses villes et ses campagnes, à ses écrivains, à ses artistes, à ses traditions, et surtout à son peuple ; toutes choses que les satrapes sanguinaires de la révolution “culturelle” ont détruites ou asservies, avec l'enthousiaste assentiment des forces de progrès occidentales, et notamment françaises, lesquelles se recrutaient de l'Université aux palais de pouvoir, en passant par la rédaction du Monde et les bistrots germanopratins de Tel Quel.

Face aux intimidations et aux procès en sorcellerie, Leys n'a jamais cédé un pouce de terrain quand il se savait dire la vérité ; il en a payé le prix. Mais il est vrai que lorsqu'on est grassement rétribué en dessous de table par la CIA pour salir la révolution populaire et propager les mensonges américano-sionistes, on a toujours de quoi voir venir.

13 commentaires:

  1. "Un hymne à la Chine (...) et surtout à son peuple": Haaaa, une motif supplémentaire de filer chez Amazon...

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  2. Vous avez raison d'insister, Didier Goux.

    Passants qui vous arrêtez ici, croyez-m'en, lisez, relisez Simon Leys.

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    1. Absolument ! Et pas seulement ses livres sur la Chine, d'ailleurs.

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    2. Oui, parce que vous en serez vite revenu !

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    1. Des pas sur la neige : un titre très oriental, déjà…

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  4. On trouve tout de même de belles choses sur Wikipédia :

    “Il faut attendre 1983 pour que Simon Leys trouve une audience plus large, à l’occasion de son passage à l’émission de la télévision française Apostrophes consacrée à la Chine, à laquelle Bernard Pivot avait également invité Maria-Antonietta Macciocchi, auteur du livre De la Chine. Après avoir laissé cette dernière parler avec lyrisme de l’homme nouveau qui apparaissait en Chine, Simon Leys (qui avait vécu en Chine précisément pendant la période en question) répondit en fournissant plusieurs données factuelles suggérant qu’elle n’avait pas vérifié ses sources avant d’écrire son livre. « Il est normal que les imbéciles profèrent des imbécillités comme les pommiers produisent des pommes, mais moi qui ai vu chaque jour depuis ma fenêtre le fleuve Jaune charrier des cadavres, je ne peux accepter cette présentation idyllique par madame de la Révolution culturelle. » D’après une interview de Bernard Pivot, ce fut le seul cas où à la suite d’un passage à Apostrophes les prévisions de vente d’un livre, celui de Maria-Antonietta Macciocchi, furent révisées à la baisse.”

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  5. Il faut lire ou relire son livre
    LES IDEES DES AUTRES
    Idioyncratiquement compilés
    par Simon Leys !

    Un régal, une fête.
    Un exemple:
    J'ai tellement besoin de temps pour ne rien faire, qu'il ne m'en reste plus pour travailler.

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  6. http://rue89.nouvelobs.com/2014/08/13/chine-comment-pierre-ryckmans-est-devenu-simon-leys-254182

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    1. Il est bien dommage que ces journalistes de gauche n'aient pas profité pour nous rappeler quelle furent leurs positions vis-à-vis de la tyrannie maoïste à cette époque, et comment ils reçurent les livres de Simon Leys…

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  7. Bon article de Luc Rosenzweig, dans Causeur, à propos de Leys.

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.