Il y a un certain temps que n'avais pas plongé tête en avant dans le grand marécage de la blogoboule, où s'ébattent les principaux penseurs politiques de notre temps, avec une insouciance langagière qui fait plaisir à voir. J'ai pu constater, sans en être autrement surpris, que la créolisation de notre langue – qui fut commune – y allait bon train. Mais, après tout, l'exemple vient de loin à ces impeccables jeunes gens, puisque même le pidgin élyséen n'entretient plus que des rapports assez souples avec le français tel qu'on l'enseignait naguère. Pour éviter les babéliennes confusions, je propose d'ailleurs que l'on cesse de parler de “français”, et que l'on baptise ce blogocréole : le petit-lyonnais ; dont voici tout de suite un premier exemple :
« Dans un décor de téléréalité, TF1 avait réuni jeudi dernier des convives pour une joute verbale. Au menu, une vielle recette déjà sur la carte (politique). Un « diner de cons »? Peut-être, bien qu’il n’était pas question de désigner le « François Pignon » de la soirée, quoi que. »
Que tente de dire l'auteur de ce début de billet ? On ne sait ; que dit-il réellement ? Rien. Mais quelques-unes des caractéristiques du petit-lyonnais se donnent déjà à voir dans ces trois lignes : utilisation aléatoire de l'italique, des guillemets et de la parenthèse ; “bien que” rétrogradé du subjonctif à l'indicatif ; “quoique” faisant sécession, tel un vulgaire Pakistan se séparant de son Bangladesh ; mots employés au petit bonheur, comme ce “téléréalité” qui ne correspond nullement à ce que chacun a pu voir sur son écran de télévision. Cela étant, il ne faudrait pas s'imaginer que le petit-lyonnais n'est pratiqué que par les sympathiques habitants de l'ancienne capitale des Gaules : il sévit également aux marches de Lorraine. Preuve :
« Je tiens à saluer ici personnellement la probité exceptionnelle de ces
cabinets d’expertise qui exercent à leur manière leur devoir d’alerte.
Chacun(e) pourra en effet juger par lui-même de l’extrême-gravité des
faits qu’ils ont constatés, et à quel point, contrairement aux discours
dominants en la matière qui cherchent de manière systémique à rejeter la
cause des suicides dans le cercle privé des victimes, l’organisation
du travail est bien l’origine essentielle de ces suicides. Pour être
réellement prévenus, cette structuration pathologique doit être modifiée
de toute urgence. »
Là encore, on notera la propension du petit-lyonnais à remplacer un mot par un autre qui lui ressemble vaguement (“systémique” prenant la place de “systématique”), à en glisser d'autres de manière inutile (“l'origine essentielle des suicides” ou le fait de saluer personnellement), à former des attelages incertains (“le cercle privé des victimes” ou cette étonnante “structuration pathologique”, qui, en effet, mériterait bien d'être “modifiée de toute urgence”) ; tout cela englué dans la mélasse de phrases dont, à l'instar de certains animaux, on serait bien en peine de déterminer où se trouve la tête et où, la queue. À moins que le petit-lyonnais n'ait été forgé que dans le but de donner un semblant d'existence à des propos n'ayant justement ni queue ni tête : cette possibilité étant encore à l'étude, nous y reviendrons dès que les cabinets d'expertise auront rendu leurs devoirs d'alerte.
A mon humble avis ce petit-lyonnais porte bien mal son nom. D'ailleurs que vient faire Lyon dans cette galère, on n'en sait rien. Lyon est parfaitement à sa place depuis Lugdunum.
RépondreSupprimerC'est plutôt de petit-hollandais qu'il faudrait baptiser ce sabir...
Le petit-hollandais paraît certes plus judicieux que petit-lyonnais ; il illustre mieux, notamment l’imprécision du vocabulaire. Mais outre le fait que ce nom suscitera autant l’incompréhension des Bataves que celle des Lyonnais, il va paraître très vite "daté" alors que l’usage de cet idiome perdurera…
SupprimerJe propose, par exemple, quelque chose comme "glossobobolalie".
Comme le signale Fredi M. plus bas, le choix du "lyonnais" a une histoire précise, originaire de ce blog. Mais je serais à peu près incapable de retrouver le billet en question…
SupprimerAuriez-vous décidé de fusionner ce blog avec celui des Modernoeuds ?
RépondreSupprimerQue voulez-vous : en notre époque de frontières poreuses, cela devait arriver.
SupprimerVérifions dans le littré de la grand'côte pour voir ce qu'il en est exactement...
RépondreSupprimerOn compte sur vous !
SupprimerJe vous rappelle que, sur ce blog au moins, GdC se nomme Adolfo Ramirez…
RépondreSupprimerN'écoutant que mon intrépidité, je suis parti à la recherche du billet fondateur, en ce qui concerne le nouvel emploi du qualificatif “lyonnais”. Et je l'ai trouvé.
RépondreSupprimerEvidemment, il faut appeler les Européens blancs qui habitent en Afrique les Dakariens (ou Dakarois ?)
SupprimerMme Schreyer va encore se demander pourquoi…
RépondreSupprimerD'autant que je vois plus souvent Adolfo Ramirez chez H16 (notez la rime) que chez vous !
RépondreSupprimerA la lecture de cet échantillon de petit-lyonnais le sapeur Camember pleurerait dans son tablier en s'exclamant: "Doux Jésus! Il y a de quoi perdre la traboule".
RépondreSupprimerCette référence à une France franco-française prouve à quel point vous êtes méphitique : je ne vous félicite pas !
Supprimer(Sinon, saviez-vous que l'auteur du fameux Sapeur ainsi que de La Famille Fenouillard, en tant que professeur au lycée Condorcet, avait eu Marcel Proust comme élève ?)
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
SupprimerJe recommencerai à valider vos commentaires, pourtant peu intéressants en général, lorsque vous ferez l'effort de les écrire en français.
SupprimerC'est quoi ce bordel ? Est-ce que je me fois de la gueule de ces deux guignols dans mes blogs, moi ?
RépondreSupprimerNon, et c'est pourquoi il faut bien que je me dévoue.
SupprimerVous poussez à peine le bouchon je trouve..
RépondreSupprimerPas mal !
SupprimerAdolfo chez H16 ? Vraiment ?
RépondreSupprimerHa, ha ! excellent ! Qu'est-ce qu'on s'amuse chez vous, Maître Goux !
RépondreSupprimerRésumons-nous, si on parle de gratin dauphinois avec saucisson au cumin on est dans un film vétéro-lyonnais. Si par contre on voit débarquer un couscous royal avec ses raisins, abricots et sauce au piments on sera dans un plan spatio-temporel lyonnais. Point,
J'ai bon ?
À peu près. Remplacez "couscous" par "mafé" et ce sera parfait.
SupprimerNon! Lyon n' a jamais été englobé (la limite était dans son actuelle banlieue) dans le Dauphiné qui était constitué avant son éclatement lors des suites de la Révolution Française, des territoires des départements de l' Isère, de la Drôme et des Hautes Alpes, un petit morceau rattaché au département du Rhône et un bout qui a été restitué a l'Italie Sa capitale a d' abord été Vienne puis Grenoble...
SupprimerSi vous voulez ranimer la guerre des Gaules, continuez ainsi et vous serez exaucée...
Ô pointilleux archiviste, aucun détail ne saurait donc vous échapper !
SupprimerMes envolées lyrico-gastronomiques se trouvent ainsi reclassées dans la catégorie de fantaisies goûteuses...
Oui, il y a un commentateur français (expat au Pérou selon ce qu'il dit) qui a un gravatar associé à Adolfo Ramirez Jr et qui commente irrégulièrement en fréquence...
RépondreSupprimerBarbara, c'est pas celui de H16 qui sert ici de tête de Turc. Adolfo Ramirez est le nom du gestapiste tenu par Gérard Jugnot dans Papy fait de le résistance...
RépondreSupprimerChez H16, c'est signé A. R. Jr...
(va falloir vous résigner à mettre des besicles...)
;-)
Je ne voudrais pas jouer les bas-bleu - ce qui est de plus en plus difficile depuis que Wikipédia est à la portée de n'importe qui - mais je trouve étrange que personne n'ait encore mentionné le département de Rhône-et-Loire, créé en 1790 par la Révolution française et démembré en 1793 pour punir Lyon de s'être soulevé contre la Convention.
RépondreSupprimerDe baragouin en petit-lyonnais, beaucoup de nos contemporains redoublent d'efforts pour saboter et détruire notre langue. Pareil acharnement a fini par être récompensé bien plus qu'on aurait pu s'y attendre : nous sommes tombés, non pas sur un lit de roses cher aux hollandais, mais dans une fosse à purin. Et les hollandais – engeance cauchemardesque –, avec...
RépondreSupprimerMerci Messire Aristarque pour ces opportunes précisions !
RépondreSupprimerEvidemment, il s'agit ici du symbolique Ramirez, avec ses funestes petites lunettes noires.
J'ai cru que vous vous étiez remis à la cuisine, lyonnaise en plus,déception pas de mâchon, sniff.
RépondreSupprimerDans une de vos dernières réponses, vous évoquez le mafé, excellent plat qui tient à l'estomac mais il ne faut pas trop forcé sur la dakatine car il devient très lourd à digérer.
Moi, j'y mets des carottes,hérésie peut-être d'autres le font avec des navets.
Bon dimanche.