Ce n'est pas parce que j'ai explosé sa race à l'ancien blog qu'il a totalement disparu. Et je ne vois pas pourquoi je devrais m'interdire d'aller y puiser, de temps en temps, quelque vieillerie afin de vous la resservir. C'est ce qu'on inaugure pas plus tard que tout de suite. Désormais, lorsque vous verrez un texte apparaître en bleu, ce sera du réchauffé...
jeudi 3 mai 2007
Vos âmes pareilles
Mon très jeune et très vieux Bergouze, une image étrange m'occupe l'esprit depuis quelques jours. Elle te concerne, tu es dedans - et vivant. Mais il va de soi que tu es toujours vivant dans mes images - il n'est pas impossible que les images servent à cela, d'ailleurs, je laisse à plus intelligent que toi et moi d'en statuer.
Tu es ici, au Plessis-Hébert, chez nous. Ce n'est pas la première fois que tu viens. Tu es presque chez toi. Tu es déjà ami avec l'Irremplaçable (et c'est très important, dans l'image).
C'est l'été, probablement, puisqu'on est installé dehors, sous le tilleul. Il me semble que c'est la fin du repas. Tu es confortablement carré dans ton fauteuil de plastique blanc (oui, je sais, M. Camus, mais c'est une histoire qui ne vous concerne pas : Philippe Bernalin (tiens, j'ai dis son nom en entier, pour la première fois...) se foutait totalement des fauteuils dans lesquels on le priait de s'asseoir), je suppose que tu as allumé un Café Noir ou un Café crème, l'un ou l'autre de ces petits cigares que tu aimais (et dont je ne sais même pas s'ils existent encore).
Il doit rester un peu de vin dans la bouteille, sur la table (de toute façon, il y a de la réserve dans l'arrière-cuisine, ne t'inquiète pas, je veille, ton ivresse m'est chère).
Nous ne parlons pas. Catherine parle. Je ne sais pas ce qu'elle te raconte. Car c'est à toi qu'elle s'adresse. Ce doit être (ce doit, au sens de "il faut" - pour la beauté de l'image) une chose sans importance, un petit fait de la vie quotidienne, un fragment d'insignifiance, une poussière de temps - rien.
Et je vois ton regard, posé sur elle, comme je ne l'ai pas vu depuis plus de vingt ans, je te vois l'entendre et la comprendre - ce regard que tu avais, à la fois flottant et fixe, comme rendu lointain par l'épaisseur des verres.
Moi, je suis un peu décalé, par rapport à vous, de biais, peut-être un peu dans l'ombre, je ne sais pas. Je pense que Catherine est debout (elle débarrasse la table ? Elle vient d'apporter le dessert ? Oui, c'est possible.), toi assis, les yeux légèrement levés, donc.
Vous ne me voyez pas, mais, moi, à cet instant, je ne vis que par vous, par ces paroles sans importance qui passent d'elle à toi. C'est une sensation puissante, tellement que je ne veux pas sortir de la pénombre, du fugitif oubli où je suis. Et ce n'est pas tout.
Balbec est venu, et il a posé sa tête sur tes genoux, comme il le faisait avec nous. Tu le caresses distraitement, de la main droite, avec lenteur, presque sans t'en apercevoir. Il n'est pas impossible qu'une légère brise se soit mise à passer, mais je ne jurerais de rien. Le chien ne bouge pas. Ses yeux sont levés vers toi, qui ne le regarde pas, ce qui fait remonter les petites pastilles brunes qui lui servent de sourcils.
Il semble te connaître de toute éternité et posséder l'assurance que tu ne bougeras jamais de ce fauteuil de plastique blanc, et que Catherine ne cessera pas de parler.
C'est une innocence que je lui envie.
jeudi 3 mai 2007
Vos âmes pareilles
Mon très jeune et très vieux Bergouze, une image étrange m'occupe l'esprit depuis quelques jours. Elle te concerne, tu es dedans - et vivant. Mais il va de soi que tu es toujours vivant dans mes images - il n'est pas impossible que les images servent à cela, d'ailleurs, je laisse à plus intelligent que toi et moi d'en statuer.
Tu es ici, au Plessis-Hébert, chez nous. Ce n'est pas la première fois que tu viens. Tu es presque chez toi. Tu es déjà ami avec l'Irremplaçable (et c'est très important, dans l'image).
C'est l'été, probablement, puisqu'on est installé dehors, sous le tilleul. Il me semble que c'est la fin du repas. Tu es confortablement carré dans ton fauteuil de plastique blanc (oui, je sais, M. Camus, mais c'est une histoire qui ne vous concerne pas : Philippe Bernalin (tiens, j'ai dis son nom en entier, pour la première fois...) se foutait totalement des fauteuils dans lesquels on le priait de s'asseoir), je suppose que tu as allumé un Café Noir ou un Café crème, l'un ou l'autre de ces petits cigares que tu aimais (et dont je ne sais même pas s'ils existent encore).
Il doit rester un peu de vin dans la bouteille, sur la table (de toute façon, il y a de la réserve dans l'arrière-cuisine, ne t'inquiète pas, je veille, ton ivresse m'est chère).
Nous ne parlons pas. Catherine parle. Je ne sais pas ce qu'elle te raconte. Car c'est à toi qu'elle s'adresse. Ce doit être (ce doit, au sens de "il faut" - pour la beauté de l'image) une chose sans importance, un petit fait de la vie quotidienne, un fragment d'insignifiance, une poussière de temps - rien.
Et je vois ton regard, posé sur elle, comme je ne l'ai pas vu depuis plus de vingt ans, je te vois l'entendre et la comprendre - ce regard que tu avais, à la fois flottant et fixe, comme rendu lointain par l'épaisseur des verres.
Moi, je suis un peu décalé, par rapport à vous, de biais, peut-être un peu dans l'ombre, je ne sais pas. Je pense que Catherine est debout (elle débarrasse la table ? Elle vient d'apporter le dessert ? Oui, c'est possible.), toi assis, les yeux légèrement levés, donc.
Vous ne me voyez pas, mais, moi, à cet instant, je ne vis que par vous, par ces paroles sans importance qui passent d'elle à toi. C'est une sensation puissante, tellement que je ne veux pas sortir de la pénombre, du fugitif oubli où je suis. Et ce n'est pas tout.
Balbec est venu, et il a posé sa tête sur tes genoux, comme il le faisait avec nous. Tu le caresses distraitement, de la main droite, avec lenteur, presque sans t'en apercevoir. Il n'est pas impossible qu'une légère brise se soit mise à passer, mais je ne jurerais de rien. Le chien ne bouge pas. Ses yeux sont levés vers toi, qui ne le regarde pas, ce qui fait remonter les petites pastilles brunes qui lui servent de sourcils.
Il semble te connaître de toute éternité et posséder l'assurance que tu ne bougeras jamais de ce fauteuil de plastique blanc, et que Catherine ne cessera pas de parler.
C'est une innocence que je lui envie.
C'est drôle, celui-là je n'ai pas besoin de le relire, je m'en souviens très bien... c'est même un de ceux dont je me souviens le mieux.
RépondreSupprimerBon, j'essaierai de davantage vous surprendre au prochain "réchauffé"...
RépondreSupprimerMoi, c'est la première fois que je le lis et cela corrobore le fait que ce qui est réchauffé est encore meilleur.
RépondreSupprimerC'est presque de la peinture de mots. J'y étais, je me suis tu et j'ai observé, comme vous Didier.
Merci, Plum'...
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