Qui restera, dans trois siècles, des écrivains français du nôtre ? Probablement aucun de ceux que nous tenons pour des valeurs sûres ; toutes nos statues seront par terre. Proust intéressera les historiens de la littérature, qui chercheront à expliquer le raz-de-marée de La Recherche ; des amateurs de bizarreries se pencheront sur Céline et ses préciosités monstrueuses ; Gide et Sartre seront couchés, bien tranquilles, jamais dérangés, dans le caveau où Barrès les attend déjà ; parfois un dandy exhumera d'un grenier un mince volume de Simenon et affectera de le redécouvrir ; les noms de Mauriac, Bernanos ou Green ne diront plus rien à personne, qu'aux trois ou quatre universitaires qui, basant leurs carrières sur eux, achèveront de les tuer ; on rira volontiers de nous, qui avons encensé France et salué gravement Malraux ; et ainsi de suite, dans ces grands cimetières. Il ne restera que Léautaud, vivant, insolent, irritant, palpitant, pour témoigner que le XXe siècle fut bien : ce sera la revanche discrète des chats perdus et des chiens affamés.
J'ai du mal à croire qu' Albert Camus ne tiendra pas le coup.
RépondreSupprimerJe (re)lis aussi régulièrement Julien Gracq , mais, là , je crains que nous ne soyons pas très nombreux.
Il y a, par contre, pour moi, des mystères : pourquoi ne lit-on plus Paul Valéry ?
On ne lit plus Valéry parce qu'on ne l'a jamais vraiment lu, je crois.
SupprimerMais, Didier, vous n'en savez rien. Trois siècles, c'est drôlement long. On lit toujours le Roman de Renart, on joue toujours les pièces de Molière.
RépondreSupprimerEt Léautaud... si on lit, si on s'intéresse aux écrivains, on se prive de beaucoup, et du meilleur, en n'ayant pas lu Léautaud.
Et pourquoi croyez-vous que j'ai situé ma prédiction à trois siècles, sinon pour ne pas risqué d'être contredit de mon vivant ?
SupprimerN'oublions pas Michel Brice.
RépondreSupprimerQui pourrait l'oublier ?
SupprimerHey, Elie, moi aussi je relis Julien Gracq. (mais pas trop Valéry)
RépondreSupprimerEh bien, moi, ses romans m'ont toujours emmerdé, à vot' Gracq.
SupprimerMoi aussi ; je ne le lis que pour son style (ce que je préfère, ce sont ses "Lettrines" ) ; peu importe de quoi il parle, c'est pour le plaisir de le voir jouer de la langue française en virtuose ; un peu comme un grand violoniste qui jouerait une partition sans intérêt musical .
SupprimerMais la langue française , c'est chouette en soi, je trouve .
Monsieur Teste est bien sympathique.
RépondreSupprimerPS: j'ai changé d'adresse: htps://panglosshuron.wordpress.com
Oh! Un écrivain si primesautier, sautillant, étincelant, drôle ! (hum)
RépondreSupprimerMême que, de passage dans son village, je suis allée à une lecture de Gracq... et que c'était bien beau.
(désolé pour ce hors-sujet, mais, parfois, ça s'impose...)
RépondreSupprimerLe responsable de l’ anti-islamiste, ce ne sont pas ces gens qui ont tué Wolinski, Cabu et Charb aux cris de » Nous avons vengé le prophète! », c’est Houellebecq sur lequel tous les médias bien-pensants était occupés à tirer à boulets rouges pour une œuvre de fiction.
Mais, là, il ne s’agit pas de fiction.
Prochain attentat : à la Comédie-Française, lors d’une représentation du « Bourgeois gentilhomme », dont la fin, avec son ballet du Grand Mammamouchi, ridiculise l’ islam ?
dans le dernier Charlie, celui daté du 7 janvier, il y a un billet enthousiaste de Bernard Maris sur le bouquin de Houellebecq. J'aimais beaucoup "oncle bernard" et bêtement je suis heureuse qu'il n'ait pas cédé à la bien pensance acharnée et imbecile
SupprimerL'amateur de bizarreries, gentiment amusé, vous livre cet extrait de « Nord » :
RépondreSupprimer« ... il m'est donc permis d'affirmer (...) que les romanciers écrivent toujours les mêmes romans, plus ou moins cocus, plus ou moins faisandés, pédés, mélimélo, poison, browning... à tout bien voir, garniture lianes de fortes pensées... Tallemant suffit, compact, vous met tout, pognon, les crimes, l'amour... en pas trois pages... vous pouvez bien vous rendre compte que les critiques, une revue l'autre, ont toujours les mêmes doigts dans l'œil, manquent pas de se gourer absolu, du bout d'un siècle l'autre... raffolent que de la merde, tant plus que c'est à genoux !... les revues des fonds de bibliothèques sont toujours joliment actuelles... toujours le canal de Suez... toujours les vingt guerres imminentes !... toujours l'humanité qu'augmente... vous arrivez à plus rien lire, plus vouloir, plus savoir, tellement vous êtes très sûrs du reste... » Gallimard p.214 Édition définitive 2003.
Et puis, l'immortel Bébert :
« ... en tout cas cette petite bossue s'occupait de Bébert très gentiment, et son père aussi, pêcheur à grands risques !... pas question des ablettes, gardons, goujons... si Bébert la voyait venir, avec sa bouteille !... quand on connaît un peu les greffes, si peu liants, tellement sur leurs gardes, c'était la surprise de le voir, il l'aimait bien avec sa bosse... et pas je crois, tout intéressé, aussi parce qu'elle pensait à lui, il se rendait compte... je voyais encore une autre figure... un profil... une fillette... toute pâle... un très fin profil, joli... onze... douze ans... Cillie, la fille d'Inge von Leiden ? »
Merci pour Léautaud.
J'ai soudain cessé de lire Léautaud, (et depuis le déteste) quend j'ai lu dans son Journal un acte horrible qu'il commit, et ayant ainsi compris qu'il n'avait jamais aimé les bêtes.
RépondreSupprimer(je vous expliquerai de vive voix).
Je m'aperçois finalement que j'ai bien raison de ne pas lire des auteurs qui seront oubliés dans trois siècles...
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