Poursuivant nonchalamment ma lecture du Château de Seix (journal 1992), j'en arrive à ce paragraphe, daté du mercredi 10 juin (c'est moi qui souligne le second passage qui l'est) :
« Il arrive très souvent que la voix méritoire de l'exigence intellectuelle soit en même temps, très audiblement, celle de la bêtise. Il y a des idiots à tous les étages de la vie de la pensée, et des spécialistes de Lacan, de Chomsky ou de Parménide qui sont absolument bêtes comme chou. J'ai peine à croire que l'inverse soit tout à fait aussi vrai, mais il doit bien exister, dans le roman de gare, la chansonnette ou la peinture naïve, quelques esprits tout à fait vifs, à défaut qu'ils soient profonds… »
Je veux bien accorder mon entière indulgence à Renaud Camus, dans la mesure où, à cette époque, il ignorait tout de mon existence. Mais, comme disait le petit bonhomme de Sempé, il y a déjà quelques années : « Je pardonne à ceux qui m'ont offensé… mais j'ai la liste ! » Et puis, il y a aussi que je ne suis pas tant que cela assuré d'avoir l'esprit vif. Quant à la profondeur, il n'y faut évidemment point songer.
Cela dit, à mon côté, au sein de cette profession graphomane et ferroviaire honteusement stigmatisée par le Maître de Plieux, se tient tout de même Philippe Muray…
Ha ha ha ! Quand je lis Camus, ces passages me font toujours beaucoup rire. C'est très "monsieur le baron boit l'orangeade sous la charmille".
RépondreSupprimerEt paf !
RépondreSupprimer"C'est très "monsieur le baron boit l'orangeade sous la charmille"."
RépondreSupprimerVous m'avez complètement déboussolé Suzanne, maintenant j'ai cette phrase qui me revient sans cesse comme un mantra : "Monsieur se fait sucer sous le tilleul".
Sous un tilleul, ça calme encore plus.
SupprimerUnter den Linden...
Supprimer"C'est très "monsieur le baron boit l'orangeade sous la charmille"."
RépondreSupprimerC'est malin. Je vais avoir cette phrase dans la tête toute la journée, un peu comme ces chansonnettes que l'on fredonne sans trop savoir pourquoi
Et bien moi j'aime bien. Ces passages de Renaud Camus comme la charmante phrase de Suzanne. Ça vient très certainement de mon côté vieille France moisie. D'ailleurs, je trouve que l'époque manque cruellement de barons, de ducs, de marquis.
RépondreSupprimerOui_, koltchak, mais consolons- nous, il y a plein de léons qui nous scrutent avec leurs petits yeux cruels et lubriques !
RépondreSupprimerNon, les vieilles dentelles, les médisances, le racisme, le radotage culturel, la bourgeoisie rance, je vous les laisse.Très peu pour moi.
SupprimerIl y a tant d'autres choses passionnantes dans la vie que les rancœurs et les aigreurs haineuses d'un vieux garçon.
Koltchak: oh, mais j'aime bien aussi ! Ce n'est pas une phrase de Renaud Camus, Koltchak. Orangeade, charmille, c'est Proust et dans ce style de passage (la beauté des laitières, la vivacité du cocher, des filles de ferme, du valet...) Camus s'accorde bien avec Proust. Les gens du monde peuvent être des crétins incultes, mais si l'on n'a pas les usages du monde, on n'est rien ni personne. En tout cas, pas quelqu'un de valable, pas quelqu'un du même rang. Camus reprend souvent ce thème, celui de la politesse et des usages. En fait, du respect des conventions, plutôt. Et comme ces conventions se sont amenuisées ou ont disparu depuis la première guerre mondiale, ceux qui y tiennent sont décalés, incompris, et souffrent de passer pour des personnes hautaines. Enfin, si vous lisez le Journal de Camus, vous savez déjà tout ça.
RépondreSupprimerAinsi, quelqu'un qui écrit des romans de gare ne peut pas être du même monde que quelqu'un qui écrit de la vraie littérature sérieuse. Il ne peut pas avoir le même univers intérieur, la même profondeur. Sinon, il n'écrirait pas de romans de gare, mais autre chose. C'est comme la différence entre les musées d'art et les musées d'art populaire...
C'est curieux, moi, le mot “charmille” me fait irrésistiblement penser à Mauriac.
SupprimerEt moi, encore plus curieux, à Rina Ketty.
Supprimer(Merde ! Je sens que je vais encore avoir fait baisser le niveau...)
Ah non ! Charmille évoque un certain Jules Lequier et personne d'autre. Honte sur vous tous !
Supprimer"Un jour, dans le jardin paternel, au moment de prendre une feuille de charmille, je m’émerveillai tout à coup de me sentir le maître absolu de cette action, toute insignifiante qu’elle était. Faire, ou ne pas faire! Tous les deux si également en mon pouvoir! Une même cause, moi, capable au même instant, comme si j’étais double, de deux effets tout à fait opposés! Et, par l’un ou par l’autre, auteur de quelque chose d’éternel, car quel que fût mon choix, il serait désormais éternellement vrai qu’en ce point de la durée aurait eu lieu ce qu’il m’aurait plu de décider."
SupprimerC'est bien cela.
SupprimerUne expérience métaphysique à portée de la main.
Didier, allons: Marguerite Duras écrivait bien des nouvelles pour "Nous Deux" (je sens que ça va vous consoler...)
RépondreSupprimer" Le ravissement de Lol V. Stein" ?
Supprimer:-D
Lol.
SupprimerLe petit bonhomme de Sempé n'a-t'il pas de la mémoire, plutôt que la liste ?
RépondreSupprimerNon, non, je revois parfaitement ce dessin : c'était bel et bien “la liste”.
Supprimer"…quelques esprits tout à fait vifs, à défaut qu'ils soient profonds… »
RépondreSupprimerJe connais pas mal de gens qui s'y sont noyé dans les profondeurs…
"Qui se sait profond tend vers la clarté; qui veut le paraître vers l'obscurité ; car la foule tient pour profond tout ce dont elle ne peut voir le fond." Nietzsche
Philippe Muray c'est très bien. C'est le type qui a écrit tous les sketchs de Fabrice Luchini.
RépondreSupprimer"Charmille" c'est charmant. Ça rime avec Camille, famille, patrille. Ça fait un peu Pétain le Bref, mais tout le monde ici aime Pétain, même Léon. N'est-ce pas, cher Bloy ?