Quelle figure plus pitoyable et plus belle que celle de Tristan Corbière, oiseau de malheur à poil roux ? « Que je sois seul oiseau d'épave sur les brisants que la mer lave. »
Cet homme souffreteux appelé par le large, que le large a refusé, cet homme de grande santé que la santé a rejeté, mort à 29 ans, qui n'a trouvé d'issue que dans la poésie. Je crois qu'aucun personnage ne me donne comme lui envie de pleurer, de pleurer naturellement, les larmes qui ne jaillissent même pas, qui coulent simplement des yeux. Pour un homme mort déjà depuis des éternités, un poète de second rayon, sans doute, si on se réfère à ses contemporains prestigieux, et Verlaine, et Rimbaud, et Laforgue, et d'autres.
Mais eux ont passé le siècle, n'est-ce pas ? Corbières, c'est plus difficile. Il est mort très jeune, ne s'est jamais trop poussé du col. Il a rendu humble hommage à François Villon, en son épitaphe, et pas seulement : son hommage à sainte Anne est un bel écho à la Ballade pour prier Notre-Dame de maître François : il atteint là, ce doux Tristan à une sorte de valeur d'orgue, il rejoint Villon, lui tend la main, et on sent que cette main est prise.
Nul n'a envie d'avoir la vie de Tristan Corbière, et même pas lui, sans doute. Cette vie, pourtant, lui fut échue ; elle fut courte et pénible, douloureuse et injuste. Il en a tiré une œuvre. Vous l'ignorez ? Sans doute. C'est ce qui me la rend précieuse, infiniment, petitement, juste pour moi ; certains soirs, pas souvent, je pense à Tristan Corbière, ne vous en déplaise.
Vous me donnez envie de découvrir ce poète qui effectivement fait partie de la longue liste de ceux que je ne connais pas encore...
RépondreSupprimerMerci donc pour le partage.
Du coup votre billet m'a aussi donné envie de replonger dans "Le testament" de François Villon, du moins dans une des adaptations faites au XXe siècle car l'original est quand même ardu à aborder.
J'avais eu à travailler l'une d'entre elle dans le cadre de mes activités professionnelles pour le théâtre il y a quelques années et j'y avais pris beaucoup de plaisir.
Déclin
RépondreSupprimerComme il était bien, Lui, ce Jeune plein de sève !
Apre à la vie O Gué !... et si doux en son rêve.
Comme il portait sa tête ou la couchait gaîment !
Hume-vent à l'amour !... qu'il passait tristement.
Oh comme il était Rien ! ... - Aujourd'hui, sans rancune
Il a vu lui sourire, au retour, la Fortune,
Lui ne sourira plus que d'autrefois ; il sait
Combien tout cela coûte et comment ça se fait.
Son coeur a pris du ventre et dit bonjour en prose.
Il est coté fort cher... ce Dieu c'est quelque chose ;
Il ne va plus les mains dans les poches tout nu...
Dans sa gloire qu'il porte en paletot funèbre,
Vous le reconnaîtrez fini, banal, célèbre...
Vous le reconnaîtrez, alors, cet inconnu.
Le "sonnet à sir Bob" fait partie de mes "poèmes de chevet"....
RépondreSupprimerMerci, Didier, pour cet hommage à ce merveilleux poète -- qui a toujours des lecteurs (il est dans la Pléiade et divers "poche").
Bel et émouvant portrait qui donne envie de le connaître mieux.
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup le disque que Monique Morelli lui a consacré. On peut l'entendre ici.
RépondreSupprimerC'est précisément ce que j'écoutais hier soir. ainsi que celui, tout aussi merveilleux, qu'elle a consacré à Villon.
SupprimerLaforgue n'est guère plus connu que Corbière, et même il l'est moins sans doute. Ce sont deux merveilleux poètes. Ce qu'on aime bien chez eux c'est l'ironie dans le pathos, la distance. Tout ce qui manque à nos producteurs de phrases d'aujourd'hui, sauf peut-être Houellebecq (je parle de sa prose, car ses vers sont amusants, sans plus).
RépondreSupprimerJe ne connaissais point ce monsieur, il est vrai qu'en littérature je suis un béotien par contre je possède un ouvrage sur les poémes de François Villon illustré par Dubout, un pur bonheur..
RépondreSupprimerMerci de me l'avoir fait connaître, je le mettrai dans mes "poèmes du dimanche".
RépondreSupprimerMais il ne suffit pas d'être un "poète maudit" pour être un bon poète: trop fastoche!
Et il ne suffit pas d'être un commentateur maudit pour être un bon commentateur : trop fastoche !
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