Je viens, fouillant les entrailles de la bête (je parle de ce blog), de retomber sur le texte ci-après. Comme il m'a fait sourire, que d'autre part je n'ai nulle autre inspiration pour le quart d'heure, que d'encore autre part, il se trouve que deux jardiniers sont actuellement en train de délimiter un enclos grillagé pour Odette et Nana, j'ai décidé de vous le réinfliger. Voici :
Depuis des
générations on me fait une réputation de stupidité incurable, au prétexte que
j'aurais, paraît-il, une très fâcheuse tendance à traverser les routes devant
le mufle des automobiles, au lieu d'attendre benoitement sur le bas-côté
qu'elles aient fini de passer. D'abord, je ferai observer que c'est pure
calomnie : je traverse très souvent derrière les voitures ; sauf
qu'alors personne ne s'en aperçoit. Car quel conducteur, sur un lacet de
campagne, s'aviserait de traquer du regard une poule dans son rétroviseur ?
D'autre part, je signale tout de même que j'étais là bien avant vos fichues
autos et que je ne vois pas pourquoi ce serait forcément à moi de m'adapter à
vos lubies et inventions plutôt que l'inverse. Par conséquent, je m'entêterai à
traverser rues et routes comme il me chantera. Et tant pis si je continue à vos
yeux de passer pour une dinde.
Partant de
ce préjugé que rien ne justifie, les humains ont forgé un certain nombre
d'expressions destinées à dauber ma sottise, ma maladresse, ma balourdise, etc.
Nager comme une poule dans un tonneau de ferraille ou bien se comporter
comme une poule mouillée, ou encore rester telle une poule ayant trouvé
un couteau, etc. ; autant de lazzis cruels et attentatoires à ma dignité,
venant de créatures qui, je le rappelle, n'hésitent pas à dévorer mes enfants
lorsqu'ils sont encore à l'état fœtal, ce qui ne dénote pas beaucoup
d'intelligence et encore moins de délicatesse. « On ne fait pas d'omelette sans
casser les œufs ! », lâchent-ils de ce ton péremptoire qui les rend si
horripilants aux animaux de basse-cour ; et ils s'imaginent être quittes avec
ce dicton à la con ? Du reste, s'ils étaient aussi malins qu'ils se croient, il
y a beau temps qu'ils auraient imaginé pour nous des protections efficaces
contre les renards – je dis ça, je ne dis rien.
La vérité
qu'il essaient de cacher est que nous sommes, nous autres gallinacés, largement
aussi futés qu'eux ; et même davantage, en un certain nombre de circonstances :
contre les désagréments de la chair de poule, par exemple, nous avons tout de
même été capables d'inventer les plumes, on ne peut pas en dire autant de tout
le monde…
D'autre
part, je ferai observer que quand mes poussins brisent leur coquille, dans
l'heure qui suit ils font preuve d'une réjouissante débrouillardise et sont
tout de suite capables de se nourrir et d'organiser seuls leur petite vie à la
ferme ; tandis qu'il faut bien vingt ans aux rejetons humains pour parvenir au
même résultat, et encore : à condition de ne pas rater leur bac. D'ailleurs,
est-on bien sûr que les petits des hommes se transforment finalement en adultes
autonomes, comme il arrive chez les poules et aussi chez leurs mâles
chatoyants, gueulards et prétentieux, ces avantageux de la crête que l'on
appelle des coqs ? De la même manière que les roses tiennent pour immortels les
jardiniers, je ne suis pas la seule, ici, à considérer cela comme une pure
légende, aucune d'entre nous n'ayant jamais vu un poussin humain devenir
exploitant agricole. Mais il vaut mieux que je m'arrête là, je serais capable
de m'énerver et ça risquerait de faire monter mes blancs en neige.
Une dernière
chose tout de même : les humains se moquent volontiers de nous quand ils nous
voient picorer avec ardeur les minuscules cailloux de la cour ; ce serait pour
eux la preuve que nous sommes sans cervelle. Je leur répondrai que, quand on
arbore des mines d'extase et des regards vides simplement parce que l'on fume
de l'herbe, on devrait la mettre un peu en veilleuse sur les petites habitudes
des autres. Les gravillons, au moins, sont en vente libre.
L'idée de fumer des gravillons est à creuser. Au moins à la campagne.
RépondreSupprimerJ'y songe également…
SupprimerQuand je vois poule dans votre titre, je me dis que vous êtes enfin allé picorer dans Wikipédia et que vous allez parler du système suisse qui, je cite, comparé à un système par poules, permet de gérer beaucoup de joueurs...
RépondreSupprimerEt je déchante, mais je ne désepère pas.
Je vais me pencher sérieusement sur la question.
SupprimerComment "gérer beaucoup de joueurs" avec seulement trois races de poules ? Pour mémoire la France en compte plus de quarante ! Alors oui, si on est suisse, il y a de quoi déchanter et même - ah ! que coucou - désespérer !
SupprimerEt combien de races de dindes ? Il faudrait demander l'avis d'un spécialiste comme realist qui semble s'y connaître en dindes de Noël ou bien ?
SupprimerNotez qu'en fait j'aime toutes les volailles, même les bécasses, tant qu'on peut leur voler dans les plumes...
" ce serait, comme on dit, à faire rire les poules, que voulez-vous que je vous dise?"
RépondreSupprimerSi mes souvenirs sont bons, c'est bien le duc de Guermantes qui le dit quelque part. Et peut-être même la bouche en cul de poule ;)
Vive les poulettes !
La phrase ne me dit rien, ce qui ne signifie pas grand-chose, vu la vieille passoire qui me sert de mémoire !
SupprimerQuel sens de l'observation ! En fait, c'est que j'ai repris un billet d'annonce du journal mensuel pour le transformer en celui-ci. Les commentaires étaient donc totalement hors sujet.
RépondreSupprimerJ'ai vu aussi les commentaires disparaître d'un seul coup, cela m'a fait une drôle d'impression. D'autant plus que j'étais en pleine finition d'un article sur mon blog au moment même ou Windows s'introduisait pour une mise à jour. Bref, c'était un peu le train fantôme...
RépondreSupprimer" les humains ont forgé un certain nombre d'expressions destinées à dauber ma sottise, ma maladresse, ma balourdise, etc."
RépondreSupprimerAllons, allons ! Et alors : "une belle poulette", "quelle jolie poule", etc. ? Et même des chansons immortelles :
https://www.youtube.com/watch?v=Epkt9SmqSqo
C'est que la poule a une certaine tendance à toujours voir le mauvais côté des choses.
SupprimerMa poule, comment puis-je être abonné aux commentaires d'un billet que je n'ai jamais lu et jamais commenté ? (Me disais-je avant de lire les premiers commentaires).
RépondreSupprimerOn vit dans un monde formidable…
SupprimerNous sommes tous des trains fantômes allemands !
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