C'est un mal étrange et terrible qui frappe Catherine depuis quelques mois. Dès le début de l'hiver, elle s'est mise à faire preuve d'une implacable étourneauphobie, digne des heures les plus sombres de l'histoire naturelle. Lorsque les froidures sont arrivées, les oiseaux du ciel – ainsi qu'on les nomme dans les zoos, par opposition aux pensionnaires ailés – ont rapidement pris l'habitude de sautiller jusqu'au narthex de notre poulailler où, profitant de la bénévolence d'Odette et Nana, ils pouvaient se gaver de graines et de mie de pain ramollie dans l'eau.
Or, si Catherine tolère parfaitement bien les moineaux, mésanges, pinsons, rouge-gorge et même merles, elle est saisie de fureur dès que deux ou trois étourneaux ont le front de pénétrer eux aussi dans le temple nourricier. Et l'on peut la voir, ouvrant la fenêtre, se mettre à gesticuler et à pousser des pschttt ! sonores afin d'effrayer les infortunés et les contraindre à quitter les lieux le gésier vide (si les étourneaux ont bien un gésier, ce que je ne saurais garantir). Certes, de nature peu craintive, les volatiles reviennent se goinfrer à peine la fenêtre refermée. Néanmoins, cette soif de discrimination, cette stigmatisation, cette façon de chasser au plumage comme d'autres au faciès, me dévoile soudain une âme plus noire que je n'aurais osé l'imaginer, se vautrant sans le moindre remords apparent dans le réactionnariat le plus vil et virulent.
Heureusement encore que la maison n'abrite pas de jeunes enfants : quel triste exemple ce serait pour eux !
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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.