dimanche 4 septembre 2022

Épépé ou l'enfer sous la langue

Ferenc Karinthy, 1921 – 1992

 Le thème d'Épépé est curieux en soi : un spécialiste des langues – il en connaît plus ou moins deux douzaines – s'envole pour Helsinki où il doit participer à un congrès international de linguistes, ce qu'il est lui-même et non des moindres. 

Au lieu de cela, suite à une erreur qu'il ne s'explique pas, il atterrit dans une ville immense et inconnue, dont les habitants, atrocement nombreux absolument partout, parlent une langue qui lui est radicalement étrangère et qui va lui demeurer résolument impénétrable. 

De leur côté, les dits habitants – qui semblent former un pot-pourri de toutes les races et ethnies possibles – sont incapables de saisir le moindre mot dans aucun des idiomes que lui-même maîtrise. Pour corser l'affaire, la langue locale s'écrit dans un alphabet radicalement différent de tous les systèmes de notation que notre malheureux héros est capable d'identifier.  

Que va-t-il lui arriver ? C'est tout l'objet de ce roman étrange, fantastique, irréel… et assez copieusement “fout-la-trouille”.

L'auteur de ce livre était hongrois, ce qui est, on en conviendra, une excellente raison pour se pencher sur le problème des dialectes imbitables (qu'Agnès D. ne se sente nullement offensée de cette remarque !). Il poussait l'originalité jusqu'à s'installer à son bureau en short de sport ; et aussi, en toute fin de parcours, à mourir un 29 février.

Mais, bissextile ou non, il pouvait défunter tranquille : il avait, vingt ans plus tôt, écrit ce roman, aussi remarquable qu'unique.

23 commentaires:

  1. Si vous me le permettez, Parrain, je dirais qu'effectivement ça fait envie !
    OK, je sors comme disent les trolls !

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    1. Lisez-le ! En plus, même si le roman vous déçoit, il ne vous ruinera pas :

      https://fr.shopping.rakuten.com/mfp/131888/epepe-ferenc-karinthy?pid=222202376

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    2. Commencé à le lire : va falloir que je m'accroche !

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    3. Vous accrocher ? Pourquoi donc ? Vous le lisez en hongrois ?

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    4. Même en français, lire un premier chapitre de soixante-dix pages écrites bien serré, où on vous raconte qu'on ne comprend rien à ce qui se dit, c'est effectivement comme lire du hongrois !

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  2. "ce roman, aussi remarquable qu'unique". Unique en son genre parce que Karinthy a écrit un autre roman consacré presque exclusivement à l’insurrection de 1956 : Automne à Budapest, publié en 1982 en Hongrie.
    Cette information est tirée de l'article intitulé " Épépé. Une géographie expérimentale " :
    https://www.cairn.info/revue-espace-geographique-2016-4-page-295.htm

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    1. Et encore un autre intitulé L'Âge d'or

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    2. Sinon, l'article que vous mettez en lien est écrit en volapuk universitaire pénible et risible (comment un roman pourrait-il "interroger des concepts" ? En quelle langue le fait-il ? Les concepts lui répondent-ils ? Et sur quel ton ? Etc.).

      Mais bon.

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  3. Dire que je commençais à vous soupçonner de négligence à l'égard de la littérature d'Europe centrale !
    Un des avantages des productions "en langue imbitable", c'est qu'elles nous parviennent en général dans des versions françaises irréprochables. Il est nous est certes impossible de vérifier la fidélité à l'original (sauf concours de circonstances cocasse : Kundera s'entendant vanter, par des critiques français, la langue fleurie et baroque d'un ouvrage dont il avait particulièrement travaillé l'écriture sèche et ironique). Mais la lecture est souvent si aisée que l'on se plaît à imaginer des traducteurs convaincus de la qualité des livres qu'ils traduisent, conscients de la responsabilité qui leur incombe de les faire connaître et emplis de respect pour leurs lecteurs et pour la langue française. On est loin des traductions bâclées, semi-automatisées, de l'anglo-américain ou, pis, des traductions cuistres de l'allemand ou du russe (car nos amis universitaires, quand ils se piquent de traduction, arrivent à faire cuistre sans même avoir à se fendre d'une préface ou d'un "appareil critique" !).
    S'il vous prend envie de continuer dans la veine magyare, je ne saurais trop vous conseiller un joyau paru il y a cent ans tout juste, Alouette, de l'imprononçable Dezsö Kosztolányi.

    Ursule

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    1. Votre Alouette est au nid (nid également appelé : panier Rakuten…) !

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    2. Ce que vous dites des différentes traductions est sans doute vrai… mais je n'ai, hélas, pratiquement aucun moyen de le vérifier.

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    3. Je ne connais pas d'exemple plus spectaculaire des effets de la traduction que celles de " Trois Hommes dans un bateau", de Jérôme K.Jérôme, dont l'une est un des rares livres dont certains passages me font rire à haute voix chaque fois que je le relis, et l'autre ne m'arrache pas un sourire.
      Plus sérieux, il y a le cas des traductions en français de Freud par Marie Bonaparte, qui a remplacé certains passages par ses idées personnelles sur la psychanalyse ; il a fallu tout reprendre, mais plusieurs décennies plus tard, et c'était trop tard.

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    4. Donc, non content d'achever notre glorieuse révolution, le bonapartisme aurait également défiguré le freudisme ?

      Sombre bilan !

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  4. Et l'Espéranto alors ?
    Bah, il n'a pas eu de succès et tant mieux. Chaque pays entend garder sa culture.
    Pour le livre, j'ai lu quelques critiques, il paraît très angoissant et je me demande si ce roman d'anticipation ne deviendra pas d'actualité.
    Hélène

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    1. Je me souviens d'avoir pris des cours d'espéranto durant quelques mois, dans ma jeunesse lycéenne et néanmoins orléanaise. Je me demande bien pourquoi.

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  5. paraît que le Hongrois et le Finlandais ont des racines communes et que ce sont parmi les 2 langues les plus compliquées à apprendre, j'imagine que l'auteur explore cette parenté, en fait je n'en sais rien...
    Puisque chacun y va de ses conseils de lecture sur l'Europe Centrale, on pourrait avancer Kertesz mais plutôt son Roman Policier... et aussi, une histoire qui se déroule dans l'empire austro-hongrois au mitan du XIXème siècle mais écrit par un Français, Karpathia de Mathias Menegoz...qui a vraiment été une découverte.

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    1. « paraît que le Hongrois et le Finlandais ont des racines communes »

      Je me demande si ce ne serait pas pour cette raison qu'on parlerait de langues finno-ougriennes…

      Sinon, dans le genre "hongrois-mais-quand-même-fréquentable", il y a aussi Sandor Marai.

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  6. On commence par faire l'éloge d'écrivains étrangers, et ensuite on vient se plaindre du Grand Remplacement !

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    1. Rien à voir, puisque, en l'occurrence, cet étranger-là a toujours vécu dans son propre pays…

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    2. Si, avec votre aide, il parvenait à s'emparer de nos esprits, ce serait bien plus grave que s'il venait finir ses jours à Pacy-sur-Eure.

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  7. Etonnant que le titre n'ait pas été modifié par l'éditeur, moins vendeur, c'est difficile

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.