Dans mon extrême jeunesse, on les appelait des aubergines, en raison de l'immonde couleur lie-de-vin de leur uniforme ; puis, des pervenches, ce qui était plus poétique, pour la même raison colorée. Aujourd'hui, je ne sais même plus si ces délicieuses contredanseuses ont encore un sobriquet – mais on s'en fout.
Il se trouve que, ce matin, 11 h 30, j'arrive à Neuilly, avenue Achille-Peretti (anciennement "du Roule"), où j'ai rendez-vous avec mon cardiologue (rendez-vous de routine : inutile de commander les couronnes). Remontant l'avenue, je me dis que j'aimerais bien trouver une place de stationnement "en surface", plutôt que de devoir m'enfoncer dans les méandres minotauréens du parking souterrain. L'esprit de l'Irremplaçable planait-il sur moi ? Toujours est-il que se présente un espace outrageusement disponible, face au 116 de l'artère susnommée (mon réparateur de pompe officie au 110). Je m'y introduis, descends de mon véhicule et m'aperçois simultanément que :
1) je n'ai pas un sou de monnaie pour alimenter l'horomoloch ;
2) une contractuelle va s'approchant de mon modeste véhicule, carnet en main, oeil fureteur, narine palpitante de la fraude possible.
Je prends les devants et m'avance vers elle de ma démarche dindonnante. Elle est brune, plutôt opulente mais rien de trop, jeune (par rapport à moi) ; je me fais la réflexion qu'elle serait mieux dans un treillis de Tsahal que dans son ridicule costume de papillonneuse de pare-brise. Bref, le genre de pervenche que l'on cueillerait volontiers si l'on n'était soi-même en bouquet depuis plusieurs floraisons.
Je l'aborde avec la courtoisie délicate que chacun me sait, lui explique mon désargentement et mon intention d'aller consommer rapidement un petit noir au comptoir le plus proche afin d'y faire de la monnaie : Aurait-elle, la délicieuse, l'amabilité et l'indulgence de m'accorder les dix minutes nécessaires ?
Elle sourit, incline la tête et répond : « Bien sûr Monsieur, pas de souci. » (Elle a dit souci, j'en suis au regret : sa cote dégringole de deux barreaux sur ce qu'il me reste d'échelle libidinale.) Et elle ajoute, cambrant sa courte taille et un défi mal assuré dans la prunelle : « On n'est pas aussi méchantes que ce qu'on dit ! » Je m'arrache le petit sourire complice que requiert sa remarque, et nos vies se séparent.
Un peu plus tard, revenant du bistrot où je suis en effet allé boire un café dans le but de faire de la monnaie, je me rends compte que je n'ai jamais détesté les aubergines-pervenches-contredanseuses, qu'elles soient tsahaliennes ou non. Qu'il m'a toujours paru que leur boulot en valait un autre. Même quand elles m'alignaient. J'ai soudain été pris d'un tel amour de l'humanité que j'ai failli ne pas mettre de monnaie dans le parcmètre, juste pour offrir le plaisir à ma chère disparue de se sentir utile.
Ensuite, j'ai demandé à mon cardiologue si c'était grave. il m'a dit que non ; mais il m'a tout de même suggéré d'en toucher deux mots à son confrère psychiatre, de l'autre côté du palier.
Il se trouve que, ce matin, 11 h 30, j'arrive à Neuilly, avenue Achille-Peretti (anciennement "du Roule"), où j'ai rendez-vous avec mon cardiologue (rendez-vous de routine : inutile de commander les couronnes). Remontant l'avenue, je me dis que j'aimerais bien trouver une place de stationnement "en surface", plutôt que de devoir m'enfoncer dans les méandres minotauréens du parking souterrain. L'esprit de l'Irremplaçable planait-il sur moi ? Toujours est-il que se présente un espace outrageusement disponible, face au 116 de l'artère susnommée (mon réparateur de pompe officie au 110). Je m'y introduis, descends de mon véhicule et m'aperçois simultanément que :
1) je n'ai pas un sou de monnaie pour alimenter l'horomoloch ;
2) une contractuelle va s'approchant de mon modeste véhicule, carnet en main, oeil fureteur, narine palpitante de la fraude possible.
Je prends les devants et m'avance vers elle de ma démarche dindonnante. Elle est brune, plutôt opulente mais rien de trop, jeune (par rapport à moi) ; je me fais la réflexion qu'elle serait mieux dans un treillis de Tsahal que dans son ridicule costume de papillonneuse de pare-brise. Bref, le genre de pervenche que l'on cueillerait volontiers si l'on n'était soi-même en bouquet depuis plusieurs floraisons.
Je l'aborde avec la courtoisie délicate que chacun me sait, lui explique mon désargentement et mon intention d'aller consommer rapidement un petit noir au comptoir le plus proche afin d'y faire de la monnaie : Aurait-elle, la délicieuse, l'amabilité et l'indulgence de m'accorder les dix minutes nécessaires ?
Elle sourit, incline la tête et répond : « Bien sûr Monsieur, pas de souci. » (Elle a dit souci, j'en suis au regret : sa cote dégringole de deux barreaux sur ce qu'il me reste d'échelle libidinale.) Et elle ajoute, cambrant sa courte taille et un défi mal assuré dans la prunelle : « On n'est pas aussi méchantes que ce qu'on dit ! » Je m'arrache le petit sourire complice que requiert sa remarque, et nos vies se séparent.
Un peu plus tard, revenant du bistrot où je suis en effet allé boire un café dans le but de faire de la monnaie, je me rends compte que je n'ai jamais détesté les aubergines-pervenches-contredanseuses, qu'elles soient tsahaliennes ou non. Qu'il m'a toujours paru que leur boulot en valait un autre. Même quand elles m'alignaient. J'ai soudain été pris d'un tel amour de l'humanité que j'ai failli ne pas mettre de monnaie dans le parcmètre, juste pour offrir le plaisir à ma chère disparue de se sentir utile.
Ensuite, j'ai demandé à mon cardiologue si c'était grave. il m'a dit que non ; mais il m'a tout de même suggéré d'en toucher deux mots à son confrère psychiatre, de l'autre côté du palier.
Didier, si j'ai bien compris, vous vous dandinez devant les poulets ? ( smiley smiley )
RépondreSupprimerOuais, ben je trouve qu'il s'est bien assez dandiné comme ça ! (smiley aussi)
RépondreSupprimerPourquoi le "pas de souci" vous choque-t-il, vous auriez préféré qu'elle vous dise "no soucy" comme une djeun's ?
RépondreSupprimerZoridae : en français "d'avant", elle aurait dit : « pas de PROBLÈME »...
RépondreSupprimerPluton et Catherine : je vous méprise...
On ne peut plus dire PROBLEME sans afficher sa ringardise?
RépondreSupprimerOrage : je ne sais pas si c'est ringard ou non. En tout cas, en quelques années, le mot semble avoir proprement disparu des usages...
RépondreSupprimerPluton : eh ! c'était un gag !
RépondreSupprimerJe m'en doutais Didier et en plus, j'ai balancé ma vanne sans réfléchir. Ouf ! j'ai peut-être sans le savoir, frôlé un billet doux du genre "Pluton est un ...." ;))
RépondreSupprimerMeuh non !
RépondreSupprimer@Pluton et Didier : trêve de politesses, moi j'aurai bien aimé lire un billet tel que semblait le redouter Pluton (pour lui clouer le bec à celui-là il faut se lever de bonne heure). Euh, Didier, voilà-t-y pas que je déborde un peu les bornes de la bienséance blogueuse...Je ne vous dirai rien de la mauvaise foi méridionale atavique.
RépondreSupprimerUne pervenche qui vous dit « Pas de souci », c'est assez logique. Se prénommait-elle Rose ou Marguerite ?
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