Sous prétexte que, quatre ou cinq fois durant l'été et le début de l'automne, cet écureuil était venu faire le zouave dans les branches du cerisier, nous lui avons installé, dans la fourche basse de l'essence en question, une sorte de boîte cylindrique, grillagée sur son périmètre et ouverte à ses extrémités, dans laquelle nous avons glissé une poignée de noisettes, achetées exprès pour lui – c'était en novembre. L'écureuil ne s'y est point montré ; en revanche, un pic épeiche arrivé de contrées inconnues s'est invité au banquet, voilà trois ou quatre semaines. Depuis, il vient tous les jours et consomme les fruits à une vitesse soutenue, au point que nous commencions, ce matin, à nous inquiéter d'une possible explosion de notre budget animalier, façons dépenses publiques en régime socialiste. « Mais enfin, il ne fait pas froid ! Il doit tout de même être capable de trouver des insectes en frappant l'écorce des arbres de son bec ! », s'est exclamée Catherine, à deux doigts de couper les vivres à l'oiseau. Je lui ai alors soumis l'hypothèse d'une rapide fainéantisation du pic : pourquoi irait-il cogner comme un sourd contre les arbres de son bosquet natal, pour un résultat aléatoire, alors que, chez nous, il suffisait de passer la tête dans la boîte magique, toujours abondamment pourvue en délicieuses noisettes, introuvables par chez lui ?
J'arrête là le récit de cette anecdote, car chacun voit bien qu'aucun parallèle n'est possible avec la condition humaine – or seul l'humain intéresse l'auteur de ce blog, on le sait. Pour qu'il pût s'en établir, des parallèles, il faudrait que, d'ici huit ou dix jours, se considérant désormais chez lui, le pic vînt frapper au carreau de la porte-fenêtre de façon comminatoire sitôt que les noisettes viendraient à manquer durant quelques heures ; ou bien qu'il exigeât une mangeoire plus conforme, couleur et matériau, à ce qu'il était habitué à trouver (mais à trouver vide) chez lui ; il faudrait aussi qu'il se formât une association de mésanges bleues, un collectif de chardonnerets, un mouv' de sitelles en colère, qui se mettraient, à notre moindre sortie hors de la maison, à nous fienter sur la fontanelle pour protester contre les diverses humiliations par nous infligées à ce malheureux pic épeiche venu d'ailleurs – le fait que nous refusions de concasser les noisettes avant de les lui donner n'étant pas la moindre ; enfin, le front de libération des pinsons nous enjoindrait de faire venir rapidement d'autres pics, afin de remédier à la misère morale et à la solitude affective de celui-ci. Tout ce petit peuple insurrectionnel finirait par détruire ses propres mangeoires à graines de tournesol par solidarité volatile, cependant que le pic, indifférent, continuerait de gloutonner ses noisettes.
Dans le même temps, mais personne n'aurait plus le loisir ni le cœur de s'en soucier, l'écureuil continuerait de se geler les noix on ne sait où.
Bien vu !
RépondreSupprimerJ'aime bien quand vous parabolez.
RépondreSupprimerMoi, mon écureuil noir profite bien de la raréfaction des chats errants (ou non) sur mon territoire (je précise qu’il est noir car ça me vaudra peut-être quelque indulgence plénière). J’en suis ravi et tout à la fois navré de cette raréfaction qui raréfie les occasions de m’exercer au tir.
RépondreSupprimerS’agissant des volatiles, ils en profitent aussi mais j’ai la flemme de remplir la mangeoire à eux destinée par ma défunte épouse : pourquoi en effet s’escagasser en faveur de bestioles qui ne me fournissent pas de magrets ?
S’agissant de vos propos sur les revendications de divers "collectifs" d’ovipares à plumes, je ne vois pas le rapport avec notre humanité ; pas du tout, mais alors pas du tout…
Ou alors vous avez vraiment mauvais esprit.
Vous me rassurez grandement, Plouc : comme vous avez vous-même un esprit exécrable, si vous me dites qu'il n'y a aucun rapport avec l'humanité, c'est vraiment qu'il n'y en pas.
SupprimerQu'on lui donne le droit de vote…
RépondreSupprimerAh oui, tiens !
SupprimerPour une fois qu'on trouve la trace d'une imagination fertile quoique ironiquement connotée sur ce blog !
RépondreSupprimer.
Ça nous change des sempiternelles déclarations du groupuscule de l'in-nocence qui brillent par leurs obsessions stériles ou des réminiscences incessantes sur le goulag de Staline.
Je vous souhaite pour l'année qui commence, cher monsieur Goux, un renouvellement intellectuel salutaire.
Merci d'avoir entamé l'année sous les meilleurs auspices.
C'est dit. Et plutôt très bien dit.
SupprimerComme je suis de nouveau plongé dans Vie et Destin, vous n'en avez pas fini avec Staline ni avec Hitler ! Du reste, il s'agit là, je le répète sans me lasser, de l'un des plus grands romans du XXe siècle : au lieu d'ironiser sur mes petits écrits, vous feriez mieux de le lire…
SupprimerAh! On dirait que certains semblent vous ménager en vue d'avoir vos faveurs le 11 janvier.
SupprimerParlerez-vous de tous les sujets?
Les déclarations de l'in-nocence
RépondreSupprimersont souvent frappées au coin du bon sens.
Mais un pic épeiche peut-il le comprendre ?
Un pic epeiche peut-être pas mais même un inoffensif et humble moineau peut trouver ce genre de bon sens un peu simpliste.
SupprimerSi tu veux nous expliquer que Frédi est simpliste, tu peux, mais tu perds ton temps, on sait.
SupprimerTiens je viens de lire J-M Ayrault dans Le Monde.
SupprimerIl est bien embarrassé notre Premier Ministre.
Et de fait que peut-il contre ça?
Alors il vient nous parler de la mondialisation, l'inévitable mondialisation qui a bon dos, de l'ouverture au monde dont les Français constatent tous les jours les dégats.
Il vend, comme ses prédécesseurs il faut bien le dire, les clefs de la maison "France" sans en avoir demandé l'avis à ses propriétaires:
nous.
Putain ! Mais arrêtez ce genre de billet qui vous rend sympathique si on le lit d'un comptoir.
RépondreSupprimerL'écureuil se les gèle sur le trottpir sous un carton, ou dans sa voiture, ou dans un camping.
RépondreSupprimerVi.
SupprimerMais l'écureuil n'a rien compris à la mondialisation: il n'a qu'à aller chercher fortune ou noisettes aux Bahamas comme tout le monde.
trottoir, pas trottpire !
SupprimerVous ne semblez pas envisager la possibilité que votre écureuil ait muté et se soit transformé en pic.
RépondreSupprimerAu passage je m'aperçois qu'il y a bien longtemps que je n'ai pas vu ce joli oiseau qu'est la sitelle torchepot.
Nous n'en avons qu'une, de sitelle, mais elle est fidèle.
SupprimerCet oiseau nous a intrigués par sa curieuse manière de se délacer la tête en bas.
SupprimerAh, 2013 commence bien! Bonne année à tous!
RépondreSupprimerJ'espère qu'on ne va pas venir me taxer mes noisettes à 75 %…
SupprimerVotre bon cœur vous perdra, Didier. Vous voici maintenant à héberger des transfuges. L’effet Schengen ?... Magnifique ! Gare cependant à la police des frontières !
RépondreSupprimerBonne année à vous et à votre dame !
Nos meilleurs vœux également pour vous deux !
Supprimer
RépondreSupprimerBrillant !
Grand merci pour ce texte superbe ; une véritable Célébration de la langue française.
Heureuse nouvelle année - qui s'annonce vraiment bien !
Excellent article qui ne déplairait pas à Laurence Parisot!
RépondreSupprimer« il faudrait que, d'ici huit ou dix jours, se considérant désormais chez lui, le pic ne vînt frapper au carreau de la porte-fenêtre de façon comminatoire »
RépondreSupprimerÇa m'est déjà arrivé quand je donnais à manger aux oiseaux du jardin en hiver. Un jour, en retard sur l'horaire habituel, je vis une brochette de moineaux qui piaillaient devant la fenêtre ; certains, plus hardis, essayaient de cogner de leur bec les carreaux. Ah, ces assistés !
Superbe. Il vous reste à en faire une fable, non ? Ca marche bien, les fables, ça tient dans le temps.
RépondreSupprimerPermettez-moi de m'instruire un peu.
"Pour qu'il pût s'en établir, des parallèles, il faudrait que, d'ici huit ou dix jours, se considérant désormais chez lui, le pic ne vînt frapper..."
N'aurait-il pas fallu, pour qu'il pût ? La concordance des temps avec un conditionnel me perturbe (avec les autres aussi, cela dit), je recevrais volontiers la lumière d'un connaisseur.
Si j'osais, le "ne" de vînt me chatouille aussi...
Bonne année.
Je ne comprends pas votre première objection, dans la mesure où vous me proposez de remplacer ce que j'ai écrit… par ce que j'ai écrit ! (Je suppose que vous auriez préféré “pour qu'il puisse” ? C'eût été possible, c'est vrai. Mais comme, derrière, j'ai écrit “il faudrait” et non “il faut”, l'imparfait est de meilleur aloi ; d'autant que j'étais parti pour une série d'imparfaits, afin de distraire un peu la galerie…
SupprimerPour le “ne”, en revanche, vous avez totalement raison : c'est une monstruosité, que je m'empresse d'aller corriger, le rouge au front et le savon à la main.
C'est gentil de me répondre. Je pensais à "il aurait fallu" à la place de "il faudrait".
SupprimerMais vous avez répondu : derrière un conditionnel présent, une subordonnée à l'imparfait, comme moi. Mais non, je ne voulais surtout pas le présent, c'est lui que je traque !
Merci encore.
c'est lui que je traque ! Réac !
SupprimerConclusion, tu donnes à bouffer à un passant qui passe et le lendemain, tu vois débarquer deux passants qui passent qui ont peut être le premier passant, c'est cela la solidarité chez les passants qui passent.
RépondreSupprimerVotre bonté vous perdra Monsieur Goux.
Bonne et heureuse année plein de noisettes pour changer votre Volvo contre un superbe break de chasse.
http://www.actionco.fr/Breves/Mercedes-relance-le-break-de-chasse-48659.htm
Bon d'accord, c'est plus cher d' où l' année plein de noisettes.
Mais aussi, pourquoi vouloir faire le bonheur des gens malgré eux ?
RépondreSupprimerY d'mandait quelque chose l'écureuil ?
Vous l'aurez vexé en mettant en doute sa capacité de trouver des noisettes tout seul.
C'est plutôt un bon calcul de Didier : lui fournissant le manger, il lui retire la nécessité d'aller en planquer dans tous les trous de mur, or il n'y a pas pire que la noisette qui germe dans un mur pour le fusiller, et l'écureuil, s'il fait des provisions, doit avoir un problème de mémoire. Donc, il en laisse... qui risquent de germer.
SupprimerCQFD.
Une belle histoire racontée avec talent. À Paris, dans le quartier où j'habite, je n'ai malheureusement jamais vu de pic épeiche. En revanche, corneilles revendicatives et goélands querelleurs sont de plus en nombre croissant ainsi que les pies. De moins en moins de moineaux. Un "grand remplacement" est en cours...
RépondreSupprimerJe vous souhaite ainsi qu'à Dame Catherine une année baignée de lumière, sinon au plan de la vie publique (avec les guignols pas drôles qui nous tiennent lieu de gouvernants, cette perpective n'est pas totalement sûre), du moins dans le domaine privé. Je sais bien que cette distinction entre sphère publique et sphère privée diffuse des relents réactionnaires. Tant pis...Je n'ai pas oublié que dans les années d'après 1968, nous étions nombreux à affirmer avec la morgue de ceux qui n'ont rien vécu mais tout compris que "Tout est politique !". Nombreux à nous tromper.
Almart
Cher M. Goux, permettez-moi de vous présenter mes vœux, qui s'adressent également à ceux qui vous sont chers : que le malheur vous épargne tous, et que le bonheur, ou tout au moins ses plus vraisemblables apparences, vous visitent régulièrement.
RépondreSupprimerÀ propos d'oiseaux, je constate, moi aussi, et cela me navre, que les moineaux disparaissent progressivement de Paris, que les corbeaux et les mouettes, vindicatifs et souvent pillards, commencent à coloniser les quartiers baignés par la Seine.
tant que les noisettes de Depardieu sont à l'abri en Moscovie!
RépondreSupprimerJoyeuse Épiphanie, Mon Cher Goux, si vos puristes pardonnent le pléonasme. Et félicitations pour l’apologue.
RépondreSupprimerMêmement, Cher ami, mêmement ! Pour l'heure, tel que vous me surprenez, je devrais être en train de travailler à quelque production vaguement lucrative ; au lieu de cela, je suis plongé comme un fiévreux dans l'épais manuel d'utilisation de la grosse voiture de bourgeois que nous venons de nous offrir, Catherine et moi, au mépris de toute raison financière. Et je trouve tout de même hallucinante cette époque qui, pour ce qui n'est après tout qu'une voiture, réussit à produire un manuel de quatre cents pages…
SupprimerÉpiphanie au bar ?
RépondreSupprimer(Je trolle Camus, maintenant...)
Rien que pour cela, vous passerez à la postérité – comme Salieri grâce à Mozart…
SupprimerÇa s'arrose. Cela étant expliquer au chef des reacs qu'on ne comprend rien à une voiture moderne qu'on a achetée tout en se plaignant de la longueur du manuel....
SupprimerY'a pas besoin de 400 pages pour enfiler une clef de contact dans un neiman...
RépondreSupprimerRaté : il n'y a ni neiman ni clé de contact !
SupprimerAvez-vous remarqué que les voitures nous échappent de plus en plus ?
SupprimerCa sonne ça clignotte de partout au bout de 10 secondes si vous ne bouclez pas votre ceinture; bougies et batterie se cachent, deviennent inaccessibles; au moindre pêt de travers il faut un ordi pour diagnostiquer la panne. Devant tant de technologie les petits garagistes ont disparu au profit de grands centres hospitaliers pour bagnoles. Les concessionnaires le plus souvent, trop heureux de raffler le jackpot du SAV. Jusqu'à la casse elles restent pour nous des étrangères en dépit ou à cause des 400 pages.
Les jeunes qui s'offrent de ces voitures aux formes prétentieuses, aux éclairages aux allures de guirlandes, ne sauront jamais le bohneur de conduire une Lancia Fulvia sur une départementale bordée de platanes et sans rond-point.