C'est bien de toi que je parle, et de personne d'autre : que l'on ne se méprenne. Tu as été le plus fort, le plus brillant de poil, le plus doux et le plus magnanime aussi : j'ai l'impression, parfois, d'avoir des souvenirs de toi remontant avant ta naissance. En vérité, il semble difficile d'imaginer un chien réunissant plus de qualités que toi. Tu pouvais faire peur, tu faisais jouer tes muscles, mais tous ceux qui partageaient ta vie savaient bien qui tu étais : on croyait à ta force et on faisait plus ou moins semblant d'être effrayé de toi : on respectait les règles que tu avais édictées – non : dont tu avais hérité. Tu n'y croyais pas toi-même : avoue-le, maintenant que tout cela a passé ! Tu faisais semblant d'être féroce, tu grondais presque sur commande.
Tu as été fort longtemps (je veux dire : fort, longtemps – le poids des virgules), au point qu'on était sûr que rien ne changerait jamais. Même adulte comme je le suis ou suis censé l'être, je ployais devant toi, je m'inclinais devant ta puissance et j'étais content de le faire : lorsque tu montrais les dents, je voyais un sourire, mais j'en étais tout de même très impressionné – rassuré, aussi. Et puis, et puis… très rapidement, tu es devenu ce que tu es aujourd'hui, et pour peu de temps sans doute : un vieux chien pénible, triste et contemplatif, une merveilleuse mécanique rouillée, un ancien vivant pelé, faisant sous lui, mais avec suffisamment de bonté encore pour tolérer les bonds des plus jeunes, que l'on essaie d'écarter de toi, parce qu'ils peuvent te faire mal sans le vouloir ni le savoir. Les chiens ne sont pas seuls responsables : nous aussi, on peut te faire mal sans le vouloir. Comme tu n'es pas doué de parole, en tout cas de la nôtre, on essaie de se fier à tes regards, très malaisément déchiffrables.
Ton arrière-train se bloque, ton poil blanchit et disparaît, tu te mets à gémir des exigences que personne ne comprend – on fait un peu semblant de comprendre, mais alors, sans aucun succès : on le voit bien à tes regards. Du coup, tu deviens le chien le plus important de la maison, bâtard que tu es ! Tu n'en sais rien, en rond dans ton panier, mais on ne cesse de penser à toi, du matin au lendemain. Au moment où on te quitte, le soir, on se demande si on va te retrouver vivant – et on vibre bizarrement et désagréablement de cela.
Heureusement, tu n'es qu'un chien, et on tente de se consoler avec ça. Si tu faisais partie de notre espèce, l'affaire serait autrement délicate. On n'oserait même pas écrire une ligne.
Oh la Loutre, que cela va être dur de le perdre.
RépondreSupprimerIl se demande sûrement pourquoi les grognements de son maitre ont cette drôle de manière d'être articulés, comme nous disons. Mais peut être que pour sentir si son maitre est content ou pas, dans le ton de la voix, il est aussi supérieur a nous que pour sentir avec la truffe ? S'il entendait ce que vous lui dites là, il comprendrait quelque chose, a sa manière d'animal.
RépondreSupprimerOn a le même à la maison et ça nous fait pareil...
RépondreSupprimerFaut que j'organise une collecte pour son enterrement ? (Smiley c'était une référence idiote à un de nos rêvent échanges).
RépondreSupprimerMes parents ont toujours eu des chiens (je vais faire une plaisanterie immonde : jusqu'à ce que l'un d'entre survive à mon père) et j'ai toujours mal vécu cette periode où ils vieillissent et qu'on ne sait pas comment qualifier. Dans le temps on les envoyait se noyer dans la fosse à lisier maintenant on les envoie se faire euthanasier chez le vétérinaire. Pauvres bêtes...
Les vieux chats ne seraient-ils pas moins pénibles ?
RépondreSupprimerC’est malin de me faire pleurer dès le matin !
RépondreSupprimerC'est ce qui m'est venu à l'oeil.
SupprimerBien à vous.
Majeur
Pareil, la larmichette n'était vraiment pas loin.
SupprimerJe me souviens de son beau regard et je comprends les larmes de Catherine, les chiens sont nos amis, qu'ils soient d'une autre espèce n'y change rien.
RépondreSupprimerBen, j'ai longuement hésité entre véto et médecine et avec du recul, je pense avoir fait le mauvais choix…Bon j'arrête là car c'est très vilain de cracher dans la soupe.
RépondreSupprimerL'avantage du veto c'est que c'est moins grave quand il rate le malade.
SupprimerJe vous lis avec trop de plaisir pour vous laisser écrire (ligne 2 paragraphe 2) "je suis sensé l'être". Je mettrai ce s sur le compte de la fatigue post-rognonectomie, dont je vous souhaite massif rétablissement. Continuez à faire merveille.
RépondreSupprimerShame on me ! C'est corrigé…
SupprimerDura lex sed lex en effet, pochtron, je ne me résous cependant pas à trouver plus de sens à "sensé". Il est vrai que je raisonne, mes parents me l'ont toujours reproché (ce qui m'a toujours interdit de leur demandé si je résonnais, ou je raisonnais).
SupprimerIl y a un moyen simple de s'en souvenir : l'être humain raisonne, tandis que le blogueur résonne.
SupprimerBel hommage !
RépondreSupprimerJégoun, "Dans le temps on les envoyait se noyer dans la fosse à lisier", c'est une blague ?
RépondreSupprimerC'est de Swann dont il s'agit?
RépondreSupprimerQuel âge a t-il?
T.Fellman.
Bientôt 13 ans…
SupprimerC'est de Swann QU'il s'agit, bordel à queue...
SupprimerElle pue du cul, la grammaire ?
Merci de l'info, M.Goux.
SupprimerIl y a des traitements gériatriques pour vieux toutous qui soulagent un peu leurs problèmes. Oh, ce n'est pas miraculeux, mais ça aide....
Robert Marchenoir:
-Etant donné mon (relatif) jeune âge, vous devriez être content qu'il n'y ait que cette faute.
Je suis un rara avis parmi les gens de ma génération, parce que je ne confonds pas participe passé et infinitif.
Donc, respect, bordel de merde!
;-)
T.Fellman.