L'article que l'on va lire figure en bonne place dans le numéro de décembre de Politique Magazine, mensuel très-respectable qui ne pèche point par un progressisme excessif. On peut bien sûr s'y abonner – c'est d'ailleurs conseillé –, mais aussi le commander au détail, sur son site. Il est animé par une équipe au-dessus de tout éloge, puisque, non content d'avoir, il y a quelques mois, publié une excellente critique d'En territoire ennemi, ils m'ont récemment demandé si cela me dirait de leur écrire une tribune libre. Ça me disait, et la voici :
Le dit mariage pour tous n’en finit pas de revenir flotter à la surface, tel
un bois d’épave. Commençons cependant par le rebaptiser : mariage
guignol. Cette appellation nouvelle a
le mérite de dire d’emblée ce que l’on en pense, et en outre l’avantage d’une
plus grande exactitude que le label officiel. Car, enfin, et que je sache,
“pour tous” il n’est nullement, ce mariage : en sont encore exclus les
enfants au biberon, les labradors noirs et les lampadaires halogènes, pour ne
citer que les cas d’exclusion les plus criants d’injustice – mais trêve
d’ironie bon marché.
Je
sais que je risque de froisser mes amis des diverses “manifs pour tous” – et
j’en ai un certain nombre –, mais il faut bien que quelqu’un leur annonce la
noire vérité : leur combat ne pourra être ni gagné, ni même perdu, pour la
raison qu’il est sans objet. Ils prétendent, ces aimables terroristes à
poussettes, ces factieux à talons plats, se battre pour sauver la famille : cela revient à vouloir inscrire aux Monuments
historiques un tas de pierres moussues et chardonneuses qui fut jadis château
médiéval, mais dont aucun vivant n’a conservé le souvenir de sa splendeur. Je
sais bien que, dans le domaine de l’architecture ancienne, la préservation des
ruines n’est pas sans grandeur : Jumièges est là pour en attester ;
mais pour ce qui est des us anthropologiques, c’est se donner beaucoup de mal
pour rien. Or, la famille me semble en bien plus piteux état encore que
l’abbaye que l’on vient d’évoquer.
Se
battre pour elle, il eut fallu le faire en 1975, au moment où M. Giscard
d’Estaing, alors président de la République, décida d’instituer le divorce par
simple consentement mutuel, qui a transformé le mariage en self-service. Ce
combat probablement perdu, mais au moins mené, on serait tout de même remonté
en selle à l’aube du millénaire, quand ont disparu les dernières traces de
distinction entre enfants légitimes et bâtards. Mais à partir du moment où un chacun quelconque peut épouser et démarier la première chacune venue, où les enfants qu’ils feront ensemble puis
sèmeront chacun de son côté seront déclarés rigoureusement semblables en
droits, de quelle famille
voulez-vous encore éviter la disparition ? Que signifie encore ce mot
superbe et précieux de filiation ?
Plus personne ne pourrait le dire, mais cela n’a pas empêché, dernièrement, les
trois prétendants au trône de l’UMP de venir faire la danse des voiles
(nuptiaux) devant le chœur des contempteurs de la loi scélérate. Bruno Le Maire
a dit qu’il faudrait la conserver. « Nom de nom, nous l’abrogerons ! »,
lui a répondu Hervé Mariton. Quant à Nicolas Sarkozy, connaissant sans doute
l’ambiguïté de sa propre situation, apercevant l’enclume et devinant le
marteau, il a déclaré qu’on supprimerait la loi, tout en la gardant, mais en la
déchirant pour en écrire une plus jolie, avec des enluminures qui plairont au
réactionnariat. Vous voilà satisfaits, cher amis pourtoussiens ?
Parlons
un peu brutalement : dans la mesure où le mariage n’était déjà plus qu’une
sorte de singerie des mœurs et des rigueurs du passé, que vous chaut si une
poignée de pédérastes et un bouquet de lesbiennes réclament et obtiennent le
droit de venir eux aussi grimacer devant M. le Maire ? Le dîneur
valétudinaire à qui les médecins ont interdit les œufs, et qui réclame à grands
cris d’en manger tout de même, on peut bien lui en accorder le droit si, depuis
longtemps, il n’arrive plus dans les coquetiers de tout le monde que des écales
vides.
Les
homosexuels ont exigé et obtenu, des socialistes en général et de Mme Taubira
en particulier, le droit de se marier aussi ? Apaisez-vous et rengainez vos lames, chers
garants des traditions, mes bons apôtres rétroactifs : ils n’ont obtenu
que celui de se marier non plus.
J'ai l'impression que le "mariage guignol" a fait se rendre compte à certaines personnes de la réalité de la destruction de la famille et du véritable mariage par des lois votées il y a maintenant plus de 30 ans...
RépondreSupprimerMais s'il n'y a plus rien à sauver, y aurait-il alors quelque chose à reconstruire ? Et si oui, quoi ?
Alors, là, faudra que j'y réfléchisse…
SupprimerPareil. Mais après l'apéro.
SupprimerUne belle équipe, cette revue :
RépondreSupprimerDirecteur de la publication : Hilaire de Crémiers
Directeur délégué/rédacteur en chef : Jean-Baptiste d’Albaret
Vous n'avez pas peur de faire un peu trop "peuple" ?
A part ça, tribune sympathique.
Je leur trouve une belle élégance, moi, à ces noms.
Supprimeroui une belle brochée d'aristocrates d'une fine élégance dans la réflexion politique.
SupprimerEn 2014 ce n'est ni plus, ni moins peuple que David Cohen, Kevin Gourvenek, Rachida Merah ou Rasuk Retapopoulos.
SupprimerComme l'avait déjà dit à la télé Louis de Vilmorin , à la fin des années 1960 (sous Pompidou ) , lorsqu'on lui a demandé pourquoi elle n'épousait pas André Malraux, avec qui elle vivait : " Mais qui a encore envie de se marier, de nos jours, à part les homosexuels et les curés ? " . Depuis, il semble que les curés ont laissé tomber .
RépondreSupprimerEn ces époques d'avant le mariage guignol, Louis de Vilmorin n'aurait pas eu le droit d'épouser André Malraux…
Supprimer(suite ) Comme le disait un cardinal à un de ses collègues : " Je ne crois pas que nous obtiendrons le droit de nous marier; mais je crois que nos enfants ou nos petits-enfants finiront par l'obtenir".
RépondreSupprimerSelon la loi, il n'existe que deux causes de dissolution du mariage: le décès ou le divorce. Mais la loi ne vise que la fin du contrat, pas celle de l'institution, qui survit au divorce des époux ou à leur décès.
RépondreSupprimerA ces deux causes, les plus conservateurs d'entre nous ont voulu en rajouter une troisième, l'état des mœurs, en visant cette fois non pas le contrat, mais l'institution.
Leur raisonnement est très simple: l'état des mœurs, forcément dépravées, met fin à l'institution séculaire du mariage, qui se dissout comme un cachet d'aspirine dans un verre d'eau. Pour la sauver, il faut réduire le nombre des causes d'extinction du contrat au seul cas de décès des époux, car le divorce, à leurs yeux incarne la dissolution à la fois du mariage et des mœurs.
Ne dit-on pas d'ailleurs "mœurs dissolues"?
Tout cela, c'était le discours des années 70.
Avec le mariage homo, trompeusement appelé "mariage pour tous", comme si ce qui manquait au mariage sous l'empire de la loi ancienne réclamait son extension aux seuls homosexuels, pour qu'il fût vraiment "pour tous", alors qu'on peut marier une fille à son père, un frère à sa sœur, une femme à un ours, et un lapin à une carpe - et là, le mariage aurait réellement été "pour tous" - les choses changent.
On ne considère plus les causes de dissolution du contrat, pour déclarer que l'institution se dissout, on regarde qui y a accès, qui peut le conclure. Et là, à ce point précis du raisonnement, on déclare l’institution en ruine, on affiche l'avis de péril au bas de l'immeuble pour prévenir les voisins et les occupants, on les menace même d'expulsion, avec leur famille. Tout cela parce que l'homosexuel est entré dans la maison.
L’intrus.
Est-ce un si grand crime que les homos puissent enfin se marier? Est-ce vraiment cette possibilité nouvelle qui va précipiter le mariage, belle institution de la loi, dans les affres de la dissolution, et en faire une ruine ce qu'elle serait déjà à en croire les plus conservateurs, qui crient toujours à la fin du monde dès qu'il change de 3 millimètres?
Ca, c'est le discours du temps présent.
La moralité: le mariage, pour les conservateurs, est toujours une institution menacée, quoi que l'on fasse. Lorsqu'on étend les cas de dissolution au divorce, il crient au sacrilège, lorsqu'on étend les cas d'ouverture du mariage aux homos, ils crient au viol, mais à chaque fois ils prennent bien soin de nous dire que leurs cris résonnent dans une coquille vide, puisque l'institution est déjà morte.
Alors pourquoi nous faire chier, si c'est que du vide?
Mais ce vide, les gens du temps présent le remplissent et pour eux la coquille est pleine. Ca, le conservateur ne le comprend pas. Demain, il trouvera encore une autre raison de crier.
Dans le vide.
La concision est, sinon une vertu, du moins une politesse.
Supprimeret la circoncision? (je suis concis)
Supprimer" Mais ce vide, les gens du temps présent le remplissent et pour eux la coquille est pleine. Ca, le conservateur ne le comprend pas. "
SupprimerOn ne le comprend que trop bien et c'est justement cela que l'on vous reproche.
Ce texte est en tous points excellent.
RépondreSupprimerMais la destruction, voulue, de la famille remonte à 1789 (avec un peu de reconstruction au XIXème siécle, puis de nouvelles, et plus radicales, destructions au fil des décennies).
PS. Tiens, j'ai bien connu, jadis jadis, un M. Hilaire de Crémiers, fidèle de nos Rois.
Ça vous fait une occasion de sortir le mot pédéraste. On va pas vous refuser ce petit plaisir...
RépondreSupprimerVous auriez souhaité quoi, à la place ?
SupprimerPédéraste est doublement faux , puisque sa définition est " Homme ( le mariage homosexuel concerne aussi les femmes) qui éprouve une attirance amoureuse et sexuelle pour les jeunes garçons, enfants ou adolescents (qui n'ont pas le droit de se marier)."
SupprimerD'abord, je ne comprends pas votre "doublement". Ensuite, je connais aussi bien que vous la définition étymologique du mot, mais je l'ai employé dans son sens courant, populaire, celui qui, en abrégé, a donné "pédé", et qui signifie simplement "homme homosexuel"..
SupprimerLes commentaires de ce blog sont remplis par un ramassis de gauchistes qui parlent trop. On se croirait chez Sarkofrance.
RépondreSupprimerC'est amusant.
RépondreSupprimerC'est vrai, s'il est excessif, ce n'est pas dans le progressisme.
Désolé pour le "doublement" , qui est une erreur de ma part . Mais pédé , homo , gay , tapette, tantouze, pédale , fiotte , tafiole , etc. , n'ont pas le même sens que pédéraste .
RépondreSupprimerAu sens courant et moderne du mot pédéraste, si, tous ces mots ont le même sens. La différence est que pédéraste n'est pas perçu comme injurieux, et c'est bien pourquoi je l'ai choisi.
Supprimer"où les enfants qu’ils feront ensemble puis sèmeront chacun de son côté seront déclarés rigoureusement semblables en droits, de quelle famille voulez-vous encore éviter la disparition ?"
RépondreSupprimerC'est l'évidence et on ne le répétera jamais assez !
Vous l'avez biffé, le pédé ???
RépondreSupprimerVotre tribune est percutante. Finalement vous êtes sur la même longueur d'ondes que Jacques Attali qui, hier à la télévision disait, parlant de ces centaines de milliers de manifestants de la Manif pour Tous : "Dans quelques jours ou quelques semaines on n'en parlera plus !"
RépondreSupprimerQuand vous voyez Attali à la télévision vous l'écoutez vous ?
SupprimerDois je vous rappeler qu'au travers des très nombreux ouvrages qu'il a rarement écrit lui même il n'a jamais fait une prédiction juste ?
Je ne comprends pas qu'on invite encore à la télé un type qui s'est aussi souvent trompé.
Les enfants "semblables en droit" : ça me paraît la moindre des choses. Les enfants n'ont pas à payer pour les actions (coupables ?) de leurs parents.
RépondreSupprimerGeneviève
D'autant qu' en ce qui concerne le bâtard Jésus, l'évangéliste fait remonter sa filiation par son père adoptif... Donc en ce qui concerne la filiation nous avons là un modèle qui nous vient de très haut et que les plus conservateurs d'entre nous devraient s'empresser de suivre...
RépondreSupprimerSuivre le modèle d'une famille persécutée dont le fils finira crucifié : quelle ânerie ! (D'autant que le Fils en question transformait l'eau en vin, multipliait les pains et marchait sur l'eau, ce qui n'est pas rien, et je ne connais aucune personne de ce genre.)
SupprimerReconnaître en Lui le fils de Dieu, fait homme dans une humble famille, persécutée -reconstituée si vous le voulez : l'expression apparaît parfois au cours d'une discussion-, dont le message est encore entendu, deux mille ans plus tard, par plus d'un milliard d'hommes, ça, en revanche, ça a une autre gueule.
Ce qui n'ôte rien à la tribune de Didier, auquel je présente mes excuses pour cette occupation inopportune de blog. Mais, comme dirait l'autre, "quand même, merde, quand même !"
Excellent article. Supérieur à ce que vous écrivez habituellement, et que j'apprécie pourtant, si je puis me permettre. Mais le salut du mariage ne passerait-il pas par l’Église, ou plutôt par l'église ? Parce que les mariages à la mairie, avec leur prêches républicains à deux sous, hétérosexuels ou non, franchement...
RépondreSupprimerJe veux bien que les homosexuels aient tellement tenu à pouvoir se marier entre eux, mais alors comment se fait-il que pas un ne soit encore venu demander ma main ? Avec cette loi, je vais finir vieille fille, maintenant !
RépondreSupprimerJ'arrive un peu après la bataille, mais je voudrais rappeler que ce nous réacs défendons n'est pas le mariage (pour les excellentes raisons par vous nommées qu'il a sérieusement du plomb dans l'aile depuis qu'il a été libéralisé en 1789), mais la famille, c’est-à-dire la filiation hétérosexuelle.
RépondreSupprimerIl se trouve que dans notre pays, quand on est marié, on a accès à des droits (ou des privilèges pour les plus tradis d'entre vous), c’est-à-dire le remboursement par la Sécu de services médicaux/sociaux d’aide à la filiation, quand les parents rencontre des difficultés (stérilité ou autres). La société (vous et moi) prend alors en charge les coûts pour aider ces couples à devenir des familles, puisque les enfants sont utiles à notre nation. On peut aussi adopter des enfants.
Avec l'extension des privilèges maritaux aux couples homosexuels (légalement ou juridiquement), nous étendons les services GPA et PMA (respectivement gestation pour autrui et procréation médicalement assistée) à des adultes qui ne souffrent d’aucun disfonctionnement physique, ce qui pose déjà la question des périmètres de la Sécu: on pourrait rembourser les tatouages à effacer, tiens.
Ensuite, et surtout, nous finançons la création d’orphelins de mère (GPA pour les couples d’hommes) et de père (PMA pour les couples de femmes). Quand la nature ou la vie créent des conditions similaires, les traumatismes sont déjà assez lourds ; est-il bon d’en créer de nouveaux volontairement ?
Enfin, se pose aussi la question de l’esclavage maternel ; ce sont encore les pauvres femmes qui vont devoir porter et abandonner leurs nouveau-nés, ce qui personnellement me dégoûte au plus haut point. Où sont les féministes sur ce combat ?
Voyez-vous, nous avons la bêtise de penser que la société a le devoir de créer les meilleures conditions possible pour encadrer la venue d’un petit Homme dans notre monde, et non de multiplier les exceptions traumatiques.
Voyez-vous, si on donne notre avis sur cette question qui a première vue touche la vie des autres (dont on se fiche pas mal), ce n’est pas par voyeurisme ou ingérence, ça correspond à une idée idiote qui attache de l’importance aux plus petits d’entre-nous.
On évite de s’en laver les mains : l’Etat et la société c’est nous tous.
Je crois qu’on est assez peu matérialistes et moins encore individualistes. Respect de la vie, écologie humaine, Bien Commun, valeurs dépassées, toussa.
Si vous voulez mon avis, ces réacs-là sont les derniers humanistes et la dernière chance de notre société.