mardi 14 mars 2023

Le Maître et les Précieuses


 Repris ce matin Le Maître et Marguerite, dans la collection “Bouquins” de Robert Laffont. Très pratique puisque, en un seul volume, sont proposés les quatre romans écrits par Boulgakov. Pratique… à condition d'éviter comme la peste et le choléra réunis les abondantes notes déposées en bas de page par les deux redoutables bas-bleus, Femmes savantes hyper-moliéresques, Précieuses passées au-delà du ridicule, malencontreusement chargées de cette édition, à savoir Mmes Laure Troubetzkoy et Marianne Gourg, toutes deux universitaires bien entendu, comme l'indique assez l'impeccable sabir de leur copieuse introduction. 

Mais leur vrai chef-d'œuvre, ce sont donc les notes, dont ces deux pénibles punaises d'amphithéâtre ont maculé à peu près près chaque page. Elles sont en gros de deux sortes, les bénignes et celles qui devraient, dans un monde bien ordonné, relever de la justice pénale voire des Assises. Les bénignes sont celles dans lesquelles nos Bécassines surdiplômées étalent leur pseudo-science hors de propos, avec une candeur qui ferait sourire d'indulgence si la chose n'était pas aussi répétitive. Les notes “malignes” sont toutes celles où ces dames se croient autorisées à nous révéler brutalement et tout de suite ce que le malheureux écrivain qu'elles mettent à la torture avait choisi, lui, de nous distiller subtilement et plus loin dans son roman. 

Pour donner à ceux qui ne lisent pas une image à peu près correcte de ce que cela représente, qu'ils imaginent se trouver au cinéma avec, derrière eux, deux harpies discoureuses qui ont déjà vu le film et ne cessent de commenter et d'expliquer à haute voix ce qui va se passer sur l'écran dans la demi-heure suivante.

Le malheureux et bouillonnant lecteur de Boulgakov, lui, soupire de regret en songeant aux belles époques médiévales, celles où Mmes Troubetzkoy et Gourg auraient été condamnées à subir deux jours complets de pilori sur la place publique, tandis que les ribaudes de la ville seraient venues leur jeter au visage, à grandes brassées rigolardes, pommes pourries et trognons de chou, voire déjections canines.

Le miracle est que, constamment interrompu par ces Cathos et Magdelon piaillantes, Mikhaïl Afanassievitch s'en sorte non seulement vivant mais plus grand que jamais.

11 commentaires:

  1. Ca fait au moins 75 ans que je vous connais et vous ronchonnez toujours contre ces notes. Vous les lisez donc toujours !

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    1. Peux pas m'en empêcher...

      Et puis, le vicieux de l'affaire c'est que, de loin en loin, il y en a une qui se justifie.

      DG

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  2. comment faire avec ces notes? en bas de page elles pourrissent mise en page...en fin de texte, on a la flemme et on peut manquer des informations importantes. Maintenant que vous avez un smartphone, peut-être pourrait-on mettre des qr code et si l'info vous intéresse, vous pouvez la scanner avec votre mobile...Ah le maitre et marguerite que j'ai relu, il y a peu, il fait partie de ces romans au charme certain...mais s'il a réussi à passer la censure soviétique, pas sûre qu'il passât aujourd'hui la censure pardon la mise en contexte, pardon les "trigger warnings" des "sensitivity readers"....et oui les femmes se transforment en sorcières et le Sanhédrin est tout de même très inflexible devant les demandes répétées du procurateur de Judée quant à l'indulgence demandée envers Yehuda...le manuscrit serait certainement brûlé pour antisémitisme et misogynie...je n'ai pas de souvenir d'un passage traitant de l'homosexualité sinon on aurait eu le complet...cela devient insupportable, récemment j'écoutais un truc qui parlait de la réédition d'un polar italien des années 60...le type qui en parlait a passé la moitié de la chronique pour expliquer qu'il y avait des pages insupportables et moralement condamnables sur l'homosexualité et que l'équipe d'édition s'était longuement interrogée sur comment faire: caviarder les pages, les traduire autrement...finalement apparemment ils ont mis une petite notice type "attention les pages suivantes peuvent être choquantes et ne reflètent pas la pensée de l'équipe éditoriale"...en espérant que personne n'ait lu cette note de bas de page qui dévoile certaines intrigues du maître, marguerite, et tous les compositeurs qui apparaissent dans le texte...

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    1. L'ambition de la bien-pensance actuelle à se lancer dans la réécriture de toutes les œuvres du passé pourrait bien marquer la fin de la littérature : ce serait l' équivalent du Braghettone en sculpture ou de l ' État Islamique en architecture... Heureusement, la tâche est trop immense pour être menée à terme, d'autant que la " bien- pensance" changera tous les 20 ans et qu'il faudra tout recommencer...

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  3. Encore perdu Internet ? Décidément, on ne peut rien vous confier !

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    1. Vous voyez? Je vous avais bien dit, pourtant, de commencer par chercher dans le porte- parapluies !
      ( et le téléphone de Catherine, il sert à quoi, alors ?)

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  4. J'espère au moins qu'il pense à changer la litière du chat…

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  5. J'ai cru comprendre, dans : "La fabuleuse histoire du Juif errant" - magnifique documentaire qu'on pouvait voir récemment sur Arte :

    https://www.youtube.com/watch?v=D-DDqXa6hQA

    que nous avions chacun notre "Juif errant" !
    Élie Arié, serait-il le "Juif errant" de Didier Goux ?

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    1. " Errant" ? C'est le seul endroit où je m'exprime !

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    2. Vous n'avez donc rien compris au film, Docteur ? Dommage !

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    3. Pas vu... ( une habitude héritée de l'époque où j'exerçais: un médecin doit toujours donner l'impression d'être débordé, même quand il n'a pas grand-chose à faire).

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.