Il y a des jours où la nostalgie me poigne. Des moments où le regret de n'être plus de gauche me saisit tout vif. C'est tellement reposant, tellement cool ! Je m'en souviens bien, vous savez ! Un militant de gauche, c'est une sorte de chat qui retombe toujours sur ses pattes – avec au bout des moustaches un restant du lait de la tendresse humaine qu'il lappe du matin au soir, ostensiblement et à grand bruit.
Des émeutes en Tunisie ? Victoire ! gloire aux camarades-de-gauche qui ont décidé de se débarrasser d'une dictature-de-droite ! On duplique en Libye ? Même réaction : so-li-da-ri-té ! Ça passe le détroit de Gibraltar pour se propager en Espagne ? On troque vite fait le camarade contre un compañero ou un hermano et on reprend la vieille antienne.
À ce moment, le chaland qui passe – et qui est sans nul doute un gros réac cynique vendu aux banques et à Sarkozy – fait observer à voix mesurée que ces Espagnols qui campent sur la Puerta del Sol, et qui ont en effet toutes les apparences de la colère, manifestent contre un gouvernement socialiste et non contre un mini-Hitler enturbanné ou un roi nègre quelconques. Naïf par essence, le chaland pense qu'il va sacrément ennuyer ses amis de gauche, avec la contradiction XXL qu'il leur brandit juste sous la banderole ; les réduire au silence. Penses-tu ! En deux coups de cuiller à pot dialectique, et avec ce petit sourire de pitié condescendante qui caractérise Modernœud lorsqu'il se rassemble en troupeau, on lui explique qu'il y a eu erreur d'étiquetage en sortie d'usine : même si le señor Zapatero est persuadé d'être socialiste, il se trompe : en réalité, c'est un fantoche de droite, un valet des puissances invisibles, un bousilleur d'avenir radieux. Par conséquent, pas besoin de raturer les slogans ni de remiser les ballons : tout est comme d'habitude. La devise de nos révolutionnaires machinaux pourrait être la même que celle de Sertorius : Rome n'est plus dans Rome, elle est toute où je suis. La gauche n'est plus au PS, ni d'ailleurs au PC, ni dans aucun parti ou syndicat, elle est où mes vieux yeux myopes de militant cacochyme croient la distinguer.
L'œil de Modernœud, c'est l'équivalent de la Sainte Ampoule : le regard qui en dégouline crée la divine révolution, transforme n'importe quel jeune énervé en un rebelle thaumaturge capable de guérir les écrouelles nauséabondes. Et même pas besoin de faire le voyage à Reims.
Des émeutes en Tunisie ? Victoire ! gloire aux camarades-de-gauche qui ont décidé de se débarrasser d'une dictature-de-droite ! On duplique en Libye ? Même réaction : so-li-da-ri-té ! Ça passe le détroit de Gibraltar pour se propager en Espagne ? On troque vite fait le camarade contre un compañero ou un hermano et on reprend la vieille antienne.
À ce moment, le chaland qui passe – et qui est sans nul doute un gros réac cynique vendu aux banques et à Sarkozy – fait observer à voix mesurée que ces Espagnols qui campent sur la Puerta del Sol, et qui ont en effet toutes les apparences de la colère, manifestent contre un gouvernement socialiste et non contre un mini-Hitler enturbanné ou un roi nègre quelconques. Naïf par essence, le chaland pense qu'il va sacrément ennuyer ses amis de gauche, avec la contradiction XXL qu'il leur brandit juste sous la banderole ; les réduire au silence. Penses-tu ! En deux coups de cuiller à pot dialectique, et avec ce petit sourire de pitié condescendante qui caractérise Modernœud lorsqu'il se rassemble en troupeau, on lui explique qu'il y a eu erreur d'étiquetage en sortie d'usine : même si le señor Zapatero est persuadé d'être socialiste, il se trompe : en réalité, c'est un fantoche de droite, un valet des puissances invisibles, un bousilleur d'avenir radieux. Par conséquent, pas besoin de raturer les slogans ni de remiser les ballons : tout est comme d'habitude. La devise de nos révolutionnaires machinaux pourrait être la même que celle de Sertorius : Rome n'est plus dans Rome, elle est toute où je suis. La gauche n'est plus au PS, ni d'ailleurs au PC, ni dans aucun parti ou syndicat, elle est où mes vieux yeux myopes de militant cacochyme croient la distinguer.
L'œil de Modernœud, c'est l'équivalent de la Sainte Ampoule : le regard qui en dégouline crée la divine révolution, transforme n'importe quel jeune énervé en un rebelle thaumaturge capable de guérir les écrouelles nauséabondes. Et même pas besoin de faire le voyage à Reims.
Excellent, Yes !
RépondreSupprimerEt Bonne fête aux Didiers !
Merci !
RépondreSupprimerHabitant Madrid, j'ai fait un tour à la Puerta del Sol et voilà ce que j'ai observé:
RépondreSupprimeril y a un premier cercle assez sérieux, de jeunes engagés ou "dégagés" des partis, qui ne fait pas confiance à la classe politique et syndicale, bref aux institutions. Ceux-là sont assez conscients de la situation économique et expriment leur ras-le-bol en espérant obtenir deux ou trois choses pour leur génération. Ils sont bien organisés, ont rationalisé la distribution de nourriture et d'eau...ont même construit une cabane réservée aux cartes de presse afin de faire passer leur ménage. Certains de ceux-là feront carrière comme ceux de la génération 68.
À ce premier groupe structuré, s'ajoutent divers cercles qui viennent grossir le noyau tout en lui faisant du tort. Drogués, militants des causes palestinienne et des sans-papiers, complotistes de tout bord, des pancartes sur le 11 septembre décrit comme un Inside Job, complot sioniste, punk à chiens de 40-45 ans,...ces groupes nuisent au premier cercle décrit plus haut et je ne serai pas étonné que des tensions internes au camp naissent assez rapidement tout cela combiné à la fatigue, à l'exaspération, à la chaleur...enfin, le phénomène est assez inédit, les Espagnols protestent peu mais le regroupement est assez monté en épingle. Quelques centaines de personnes tout au plus dorment sur place et peut-être 10 à 15 mille viennent faire la claque à la fin de la journée de travail. Enfin, il n'y a pas de leader, pas de réclamations claires. C'est l'expression d'un ras-le-bol, un mouvement spontané qui à mon avis disparaîtra aussi vite qu'il n'est apparu.
Enfin, toute la symbolique d'extrème gauche est présente, livres marqués, des portraits de Che Guevara et nouveauté, une flopée d'exemplaires de Indignaos, les quelques feuillets de Stéphane Hessel, qui d'ailleurs figure en tête de classement des livres de No Ficción (tout ce qui n'est pas roman) avec celui du Docteur Dukan. Étrange coïncidence que le succès concomitant de ces deux livres. l'un sert le prêt-à-manger, l'autre le prêt-à-penser.
Voilà.
Oui, mais n'assimilez pas la gauche aux quelques gugusses qui s'expriment sur le web sans se rendre compte que "le peuple de gauche" n'avait rien à cirer de leurs âneries...
RépondreSupprimerBonne fête.
Bonne fête!
RépondreSupprimerMoi-z-aussi,je fus de gauche...
rocardo
Cherea : un grand merci pour ce témoignage "première main" !
RépondreSupprimerNicolas : oh je n'assimile rien, rassurez-vous. (Et merci pour la fête…)
Rocardo : la gauche c'est comme les oreillons : vaut mieux l'attraper jeune…
Très bonne analyse. J'adore ces mots qui épousent ma pensée difforme.
RépondreSupprimerCette propension à adopter toute manifestation contre un gouvernement en place, quel qu'il soit, se veut révolutionnaire par définition.
La révolte est bonne, les pouvoir est mauvais.
Si les affreux socialos - dont je fus naturellement en mes jeunes années - en sont là, c'est qu'ils sont très très mal et que l'avenir risque fort de ne pas être trop radieux pour eux.
Comme DSK (ouf, j l'ai placé !), ils ne veulent pas gagner.
CQFD !
Thierry
Je ne sais pas ce que les anciens gauchos vont en penser, mais hier j'ai vu des larmes dans les yeux de Mélenchon quand on lui a montré les images venues d'Espagne.
RépondreSupprimerVous croyez que lui aussi est un "révolutionnaire machinal" ?
Je dis ça, mais en fait, je n'ai pas compris grand-chose à ce billet, à part que "le militant de gauche, c'est une sorte de chat qui retombe toujours sur ses pattes."
Oui, je sais Catherine, j'ai encore étalé ma bêtise, mais c'est plus fort que moi, je ne peux pas m'en empêcher.
Brillant comme d'habitude. Mais tout ce qui brille n'est pas de l'or et, si la gauche est partout cela signifie aussi qu'elle n'est nulle part. Car dans votre texte, inversez les mots gauche et droite et je n'y verrais pas un grand changement. Par exemple qualifier le régime Ben Ali de "dictature de droite" me paraît abusif: C'était une dictature. Point. Et le premier qui vint avec tambours et trompettes à la rescousse de la Lybie, fut... Sarkozy: De gauche? Tout ceci participe plutôt de cette confusion à laquelle nul ne peut échapper, ni vous ni moi, car elle relève de cette fin de l'Histoire perçue par Hegel et dans laquelle nous nous vautrons tous, ce que dénonçait Muray. Là où vous avez raison, c'est de croire encore à la dialectique, aux oppositions, au refus du consensus... Mais du coup, j'y vois une contradiction: vous seriez donc un adepte de la lutte! Donc forcément... un "révolutionnaire"! Est-ce de la folie que de le suggérer, cher ami?
RépondreSupprimerVoici un rôle qui me plaît : dernier révolutionnaire avant le bistrot. (Ou avant-dernier, si Nicolas fait trop la gueule.)
RépondreSupprimerC'est bien vu. Il semble loin, en effet, le temps où les socialistes français, de Ségolène Royal à Martine Aubry, encensaient Zapatero! Il faut dire que son bilan n'est pas glorieux: 20% de la population active au chômage, recul de l'âge de la retraite à 67 ans, baisse du salaire des fonctionnaires et deux fois plus d'expulsions d'étrangers qu'en France...
RépondreSupprimerBon, et puisque je suis sorti de mon silence habituel, je voulais confirmer les observations de Cherea. Je vis au Pays basque espagnol, qui est plutôt épargné par la crise, et je suis allé faire un tour sur le Boulevard, à Saint-Sébastien, histoire de voir à quoi ressemblaient ces indignés.
Samedi, ils étaient quelques centaines à s'être réunis pour ce qu'ils appellent une "Assemblée citoyenne". En fait, les badauds étaient plus nombreux.
Ceux qui ont l'air d'y croire, et qui semblent avoir trouver là une raison d'exister, sont en général des étudiants. Leur discours est plutôt puéril et ultra-stéréotypé. Nourris à la télé-réalité, le fascicule de Stéphane Hessel, un succès ici en librairie, est sans doute le premier livre qu'ils ont lu depuis des années: une lecture facile qui leur permet, à peu de frais, de se draper dans la posture de l'indigné -contre les banques, contre le capitalisme, contre Israël, contre le racisme, contre la droite. Il faut les voir, leur I-phone en main, s'élever contre la société de consommation!
Ensuite, il y a les perroflautas: des punks à chien cradingues et abrutis par le shit qui ont choisi de vivre en marge de ce système qu'ils détestent tant. Ils essaient de profiter du mouvement pour vendre aux sales bourgeois des t-shirts sur lesquels ils ont écrit des slogans débiles au feutre. Il y a des joueurs de djembé, aussi, qui donnent un vague air festif au truc.
Bref, une fois de plus, les journalistes en font des tonnes. Contrairement à ce qu'ils veulent nous faire croire, on est loin des "révolutions arabes"... C'est juste un petite transpiration de l'Hessel.