Suzanne se demande pourquoi je parle autant de Trenet dans mon journal d'août. D'abord, c'est pas de ma faute : c'est Jérôme Vallet qui a commencé. Ensuite, si on parle de Trenet, c'est parce qu'il est ce qu'il est : le meilleur, le seul. Aucun chanteur ne tient face à lui, de même qu'aucun bidouilleur de bande dessinée n'existe face à Hergé : c'est comme ça – ça ne se discute pas.
On peut parfaitement discuter de tel ou tel chanteur – Brel, Ferré, Brassens, Nougaro même, Aznavour que j'adore et qui berce mon enfance, Félix Leclerc le plus grand et le plus discret, etc., et d'autres. Il n'empêchera jamais que Trenet sera toujours au-dessus de tout le monde. Exactement comme Hergé écrasera tout dessinateur de petits mickeys de par sa simple existence.
Voilà ce qui se passe : L'époque invente une expression nouvelle, que Modernœud s'empresse de baptiser “art”. Bien entendu, il ne s'agit pas d'art, mais juste de chanson, de BD, de… Mais, alors, à l'intérieur de ces petites sottises, que sont la BD, la chanson, etc., déboulent un Hergé ou un Trenet. C'est-à-dire une sorte de génie qui a décidé de s'emparer de ce nouveau mode d'expression pour exprimer ce qu'il est. Et, soudain, un Trenet ou un Hergé, simplement parce qu'ils existent, juste parce qu'ils sont Trenet ou Hergé, deviennent des créateurs – et sont les seuls.
Qui est Hergé, à part Hergé ? Quel crétin s'intéresse à la bande dessinée ? Qui est Charles Trenet, à part Charles Trenet ? Quel abruti écoute de la chanson française ?
Ah, je vous ai répondu sous le billet précédent.
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup Trenet aussi, et j'ai son intégrale, mais je trouve ses premiers disques tout à fait contournables.
Très années trente, vos préférences ! Pousser la nostalgie au-delà de son expérience, c'est ne pas y aller avec le dos de la cuiller...
RépondreSupprimerPour la chanson, moi je serais plutôt Brassens. Plus drôle et émouvant tour à tour que le "fou chantant". Auquel je reconnais quand même quelque mérite.
Quant à Hergé... Il faut vraiment ne pas avoir suivi l'évolution de la BD ces quelques dernières décennies pour en faire un maître indépassable. Précurseur talentueux, certes. Mais un rien daté, tout de même.
Ce que vous écrivez ici est très juste, même s'il y a probablement quelque Clémentine qui va venir vous dire qu'à côté d'Enki Bilal, de Tardi, de Moebius ou de quelque autre "vrai" auteur de BD, Hergé, ce n'est vraiment pas grand-chose...
RépondreSupprimer"Kangourou" me semble un très bon exemple de la grandeur de Trenet : c'est une chansonnette, ça ne se pousse pas du col, ça ne prétend pas être autre chose, c'est léger et presque inconsistant et il y a pourtant dans cette légèreté une mélancolie, une vraie tristesse, celle qui passe dans les yeux verts du kangourou quand il regarde derrière les grilles du zoo "les badauds qui le badaient". Alors bien sûr, ceux qui ont besoin qu'on leur mette les points sur les "i" n'y voient que du feu et trouvent cela ridicule, enfantin et ringard ! Le plus drôle dans tout cela, c'est que lorsqu'on lit ce que Brassens, Aznavour, Nougaro, Brel ou le fameux "grand Serge" de Clémentine (par exemple dans sa préface du recueil de Trenet "La Route enchantée") ont dit ou écrit à propos de Trenet, on se rend très vite compte qu'eux-mêmes étaient bien conscients qu'ils ne lui arrivaient pas à la cheville...
"Et Winsor McCay, alors ?" grommelé-je du haut de ma tour dans la brise du soir tandis que la route poudroie (et que les mouches ne piquent pas)...
RépondreSupprimerAux gamins qui sont nés hier et qui ne jurent que par Messi, Kaka et autres olibrius, allez parler de Gerd Müller, Johan Cruijf, Dino Zoff, Robby Rensenbrink, pour ne rien dire des Yachine, Kubala, Puskas... L'époque des vieux, c'est leur enfance. Tout y brille, et le présent est terne.
RépondreSupprimerBon, puisqu'on me réclame (Emmanuel, en tout cas), j'interviens une fois de plus pour vous abreuver de ma science. C'est très bien Hergé, j'en conviens, et je relisais justement hier soir Vol 714, qui est peut-être son meilleur, mais affirmer comme ça, péremptoirement, qu'il est indépassable et même le seul à pouvoir être qualifié d'artiste, c'est, disons, pour le moins exagéré, et même complètement couillon à mon avis. Mais évidemment il faudrait s'y connaître un peu en bd.
RépondreSupprimerPersonnellement je me moque de Bilal et Tardi, qui m'emmerdent, mais j'adore Franquin, au moins aussi fort qu'Hergé. Cependant il ne me viendrait pas à l'esprit d'appeler ça de l'art.
C'est bien différent pour la chanson. Pourquoi ne serait-ce pas de l'art, comme la musique ? Je prétends que Trenet est déjà oublié, car aucun jeune musicien ou chanteur de qualité ne s'y réfère. Trenet n'a jamais inspiré personne, c'est comme ça, alors que Gainsbourg, oui. Mais si Gainsbourg ne vous plaît pas, il y a Ferré, bien supérieur. Je ne vois pas comment on peut sérieusement comparer le benêt chantant au grand Ferré. Trenet me fait penser à Maurice Carême, c'est-à-dire à pas grand chose. Musicalement c'est inexistant : des refrains qu'on peut fredonner d'avance, des intros téléphonées... on est très en dessous du groupe de rock adolescent, alors ne parlons même pas des Rolling Stones grande époque, de Joy Division ou de la trilogie sombre de The Cure, mais sans doute commencé-je à parler chinois...
Didier, vous êtes passionnant et d'une grande intelligence. Politiquement je vous trouve à peu près toujours excellent, mais en matière de chanson et de bd, vous êtes largué.Songez qu'il y a des moins de 75 ans qui vous lisent, quand même !
Je les aime bien tout les deux, Trenet et Hergé.
RépondreSupprimerMais je préfère Debussy et Georgio De Chirico, ou Henri Dutilleux (même pas mort!) et Nicolas Poussin (un peu mort…),
et comme Trenet, je préfère la joie au bonheur…
Je reconnais volontiers que ce petit billet était volontairement provocateur. Mais j'ai le droit, non ?
RépondreSupprimerJe reconnais tout aussi volontiers être “largué” en matière de chanson française et de bande dessinée. Néanmoins, à chaque fois que j'ai glissé un œil dans un album ou tendu une oreille vers un CD, je n'ai jamais rien vu ni entendu qui puisse approcher les deux auteurs que je cite.
Et puis, les arguments que l'on m'oppose ne sont pas tous d'excellente qualité. Notamment celui de Clémentine, le très classique : "Avant de critiquer, essayez donc d'en faire autant." Ce qui revient à dire que pour prétende qu'un bâtiment est laid (ou beau), il faut déjà avoir fait des études d'architecte, et qu'on ne peut pas dire qu'un plat est raté si l'on n'a pas en poche son diplôme de cuisinier. C'est idiot.
Quant à dire que l'on préfère Debussy à Trenet ou De Chirico à Hergé, c'est à peu près aussi pertinent que de dire qu'on préfère le cassoulet au parapente…
Moi, je veux bien qu'on parle chansonnette (je me fous de tous les noms cités même si franchement, Thiéfaine, c'est absolument rase-mottes, pourquoi pas ce gros con malpoli de Jean-Louis Murat pendant qu'on y est !), mais si on parle football, alors...
RépondreSupprimerFranquin,
Dino Zoff est une escroquerie, un gardien d'une raideur épouvantable. Bon, il a gagné la coupe du monde en 82. Bravo à lui. Quitte à citer un vainqueur rital de cette année là, je préfère mille fois Bruno Conti.
Quant à Muller, c'est un bourrin, une sorte de Rudi Voller d'antan... Un footballeur allemand en somme. Franchement, vous auriez dit Garrincha, Vava, Best, là d'accord, mais Zoff et Muller, franchement Franquin, ce n'est pas raisonnable. Evidemment, Messi est à peu près dix fois tous ces joueurs là ; en dépit de toute nostalgie...
(Là, je vais me faire décapiter par Didier. Décollection en digression.)
Je tiens ici à défendre publiquement Jean-Louis Murat, le seul authentique poète vivant de la chanson française, c'est-à-dire le seul qui arrive à placer le mot « écobuage » dans une chanson sans que cela ne soit ridicule. Bon, j'admets qu'il a aussi le défaut d'une production bien trop abondante, avec pas mal de déchet et certains échecs manifestes. Mais prendre la peine de filtrer le prolifique Murat peut susciter de vraies joies. Par ailleurs, quelqu'un qui a un si bien fondé caractère de cochon et à qui il arrive de dire du bien de Renaud Camus dans les médias ne peut pas être foncièrement mauvais.
RépondreSupprimerPour rester dans la sous-culture, je m'étonne que personne n'évoque, en bande dessinée, le grand Daniel Goossens.
Ah, si il dit du bien de R. Camus, alors...
RépondreSupprimerPertinent ou pas je préfère Hergé au parapente… par contre le cassoulet… ça dépend de la marque…
RépondreSupprimer@Dorham : petite cerise sur le gâteau auvergnat.
RépondreSupprimertout ça est affaire de nostalgie aussi. Ce qui colle à notre jeunesse, pour peu qu'elle n'ait pas été trop malheureuse, à des moments exaltés et forts de notre jeunesse nous semble "supérieur". (non, je n'ai pas bu)
RépondreSupprimerJ'aurais pu écrire — mot pour mot — votre billet. À part le "Modernœud" qui commence à m'agacer un peu, tout est juste et indispensable. Les arguties qu'on vous opposera toujours et à l'infini ne sont rien. Le goût, on en a, ou pas.
RépondreSupprimer"lorsqu'on lit ce que Brassens, Aznavour, Nougaro, Brel ou le fameux "grand Serge" de Clémentine (par exemple dans sa préface du recueil de Trenet "La Route enchantée") ont dit ou écrit à propos de Trenet, on se rend très vite compte qu'eux-mêmes étaient bien conscients qu'ils ne lui arrivaient pas à la cheville... " (Emmanuel F)
RépondreSupprimerOui! et ça répond aux commentaires de Clémentine. S'il en fallait davantage pour vous convaincre, Clémentine, essayez donc de taper dans googe ne nom de n'importe quel chanteur français, même jeune, même rappeur, en y ajoutant Trenet, et vous verrez les hommages rendus...
Parmi les émissions consacrées à Trenet, il y en avait une qui n'était constituée que d'hommages, avec chanson préférée et tout et tout. C'est difficile de trouver un chanteur qui réunisse autant d'artistes de bords différents que Trenet.
C'est plutôt cool, tout cet amour partagé, pas vrai, mon p'tit Georges ?
Pauvre Suzon, toujours au bord de la crise de foie, à ce que je constate. Et l'euthanasie, vous y avez pensé ?
RépondreSupprimerSuzanne, vous n'avez pas entièrement tort, mais pas entièrement raison non plus. Oui, bien sûr, il y a de jeunes artistes qui rendent hommage à Trenet, mais sont-ils les meilleurs de leur génération ? J'en doute. Ce qui reste vrai, c'est la nullité totale de la musique de Trenet, et j'en dirais autant de celle de Brassens, d'ailleurs. La musique, chez eux, est un simple support pour les paroles; la voix n'est pas un instrument, mais le vecteur des mots. C'est bien écrit, oui, mais ce n'est pas de la musique. Si vous prenez Ferré, tout est différent. Dans sa première période il fait de la chansonnette : paroles bien troussées, rimes astucieuses, mais système couplet-refrain sans imagination, comme chez les deux précités. Et puis un jour il décide de faire de la musique, et ça donne des chansons-fleuves de 15 ou de 40 minutes, par exemple, avec des textes dantesques, des orchestrations délirantes (et parfois grandiloquentes), des bizarreries et des morceaux de bravoure. Et quand il chante ce n'est pas pour dire des mots, comme Trenet ou Brassens, mais pour faire passer une émotion, comme à l'opéra.
RépondreSupprimerAujourd'hui on retrouve ces deux tendances de la chanson, celle qui fait de la musique et celle qui fait du couplet-refrain. Un Bénabar fait du Trenet (en moins bien, et en plus c'est un con qui se prend au sérieux), tandis qu'un Dominique A, infiniment supérieur, fait de la musique. Ses paroles sont peut-être moins bien calibrées si on se contente de les lire, mais ce qui compte c'est ce qu'elles font passer quand elles sont chantées; ce qui compte, c'est la voix qui les chante et ce qu'elle transmet en termes de vibrations. Il n'y a pas de vibrations chez Trenet, mais seulement des mots.
Mais que les fans ne se croient pas insultés : dans le genre, Trenet est très bon.
Par exemple, finir sa phrase par "ou pas" est de mauvais goût.
RépondreSupprimer"Et l'euthanasie, vous y avez pensé ?"
RépondreSupprimerOh, ça c'est gentil, Georges !
"que les fans ne se croient pas insultés : dans le genre, Trenet est très bon."
Franchement, Clémentine: dans le genre insulte,ya pas mieux.
Oui, c'était mesquin.
RépondreSupprimerJe retire.
La nouvelle fonction du blog de DG: détecteur de connes... Misayre!! Misaÿre comme disait l'autre ... Geargies
RépondreSupprimerMonsieur Goux, en BD vous avez oublié Hugo Pratt ou Edgar P. Jacobs.
RépondreSupprimerTrenet, non ça ne passe pas, il n' a pas le talent d'un Brel.
Dick Annegarn avec des chansons comme Ubu, Bruxelles, Sacré géranium…
Pour ma part, je reste sur Bruxelles;
Bruxelles ma belle
Je te rejoins bientôt
Aussitôt que Paris me trahit
Et je sens que son amour aigrit et puis
Elle me soupçonne d'être avec toi le soir
Je reconnais c'est vrai tous les soirs dans ma tête
C'est la fête des anciens combattants d'une guerre
Qui est toujours à faire, etc...