Hier après-midi, avançant dans ma lecture des Hauteurs béantes de Zinoviev, je suis tombé, page 154, sur un paragraphe se terminant par ceci :
« Ils ne comprennent pas, pensa le Bavard, même lorsqu'ils voient les choses de leurs propres yeux. S'ils les voient, ils reconnaissent le fait observé, mais ils nient le fondement des choses qui leur paraît insensé et donc inexistant. Et c'est pourquoi ils nous accusent personnellement, tout en éprouvant un sentiment de supériorité. »
Zinoviev parle là des Occidentaux, communistes ou “compagnons de route”, visitant l'URSS en état de démence idéologique avancée. Mais il me semble que l'on pourrait dire très exactement la même chose, aujourd'hui, de tous ceux que d'ordinaire je qualifie d'aveugles, à propos des transferts massifs de populations dont l'Europe s'apprête probablement à crever – mais c'est une autre histoire. Je me suis souvent demandé, publiquement, si au fond ce n'était pas moi qui étais monomaniaque ou fou, car il me semblait tout bonnement impossible que les autres ne voient pas ce qui me saute chaque jour davantage à la figure. L'explication de Zinoviev semble bien répondre à cette interrogation en la supprimant : ils reconnaissent le fait observé, mais ils nient le fondement des choses qui leur paraît insensé et donc inexistant. En bref, le nerf optique fonctionne parfaitement, les centres de réception font également très bien leur boulot, mais ensuite le haut-commandement classifie les informations, les barre d'un top secret inviolable, pour non-conformité avec la ligne directrice du parti.
Le piquant de l'affaire est peut-être que ces “négateurs du fondement des choses” sont exactement les mêmes (ou leurs petits-fils idéologiques, ce qui revient au même) que ceux qui revenaient éblouis de Moscou, le trajet de retour leur ayant suffi pour remplacer ce qu'ils venaient de voir par ce qu'ils pensaient avant leur départ de Paris. Et il y aurait, dans cette coïncidence de la bêtise dogmatique, le ressort d'une irrésistible bouffonnerie, si l'époque pouvait encore sécréter un Zinoviev – ce qu'elle fera peut-être, mais il faudrait qu'elle se dépêche un peu.
S'ils nient le fondement, il faudrait les empaler.
RépondreSupprimerC'est ce qui leur pend au nez (si je puis dire).
RépondreSupprimerEn ce premier jour de ramadan, ce billet trouve une certaine résonnance, non?
RépondreSupprimerAh, c'est pour ça que je n'ai pas déjeuné ce matin ? Je me disais aussi...
RépondreSupprimerC’est très énervant… .Mais c est normal.
RépondreSupprimerFestinger le décrit bien avec sa notion de dissonance cognitive et ses explications sur la résistance du sujet devant les messages qui ne sont pas conformes à sa vision des choses ou à ses convictions.
C est un peu mon dada en ce moment car je pense que l application de ses théories aux techniques de communication peut nous être utile.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Dissonance_cognitive
allez, j vous laisse, j ai des croissants (et pas de lune!)qui m'attendent
Dieu se rit des hommes qui se plaignent des conséquences alors qu'ils en chérissent les causes, comme disait l'autre...
RépondreSupprimerCe n'est pas comparable. Ceux qui revenaient éblouis de Moscou gommaient les détails gênants qu'ils voyaient comme un grincement du moteur en marche de l'avenir radieux. Et cet éblouissement empêchait d'apprécier la taille des zones d'ombres. Il y avait un espoir d'avenir, un idéal qui les faisait mentir. Il n'y a pas de zones d'ombre dans l'islam, pas maintenant, tout se voit et tout se sait.
RépondreSupprimer(ce qui est d'autant plus incompréhensible)
RépondreSupprimerC'est toujou comme ça qu'on arrive ensuite à des confrontations regrettables. Parce que personne ne se laisse envahir impunément. Pour ce qui me concerne, les musulmans sont pires que les cathos pour la simple raison que ces derniers sont cantonnés dans leur niche depuis un bon moment, alors que les premiers vont devoir être mis au pas. Ce qui ne semble pas encore à l'ordre du jour. Dommage.
RépondreSupprimer"Bêtise dogmatique" ? Oh oui. J'y vois un beau pléonasme, pour ma part... :0)
RépondreSupprimer@ Suzanne : L'Islam est une zone d'ombre. Tous le voient, et tous se taisent.
L'autre soir, un compagnon de route sur le bord (de la route). Je ne m'arrête pas, je lui fais un bras d'honneur, salaud, pourquoi, salaud ? Il reste là, con, à me regarder passer, vroum vroum vroum, je dérape dans l'asphalte, je lui gicle les gravillons dans l'intestin, il rigole parce qu'il ne peut pas pleurer. Salaud.
RépondreSupprimerZinoviev répond-t-il à ma question : pouquoi cet aveuglement ? (je parle des années 20 à 38), mais en voyant les infos actuelles, je me rends compte que rien n'a changé chez eux. Etant contre tout prosélytisme, je me garderai bien de vous rejoindre sur votre terrain actuel.
RépondreSupprimerL'être humain a une capacité impressionnante au déni, à l'amnésie même. Ça peut être une manière inconsciente de se protéger après un choc psychologique...
RépondreSupprimerOn pourrait supposer qu'une réaction identique existe sur un plan "intellectuel". Si une réalité est trop choquante, que l'admettre pourrait bouleverser tout l'univers mental d'un individu et même le couper de ses pairs, plop... ça n'existe pas.
Enfin, c'est juste mon analyse psycho-bidon de la nuit. Je ne la relirai pas demain, par indulgence envers moi-même.