Irrempe, Saint Michel à la lune, vendredi 14 octobre 2011, vers huit heures et demie du soir. |
« On ne doit pas craindre de se mêler à l'une de ces fournées qui s'engouffrent dans l'abbaye, même au pire moment des voyages, celui des vacances générales, où tant de licence se donne cours. Un horrible troupeau, dévêtu, braillard, impérieux, sûr de sa factice et précaire liberté, gravit et monte… Le Français, en partie de plaisir, ne fait point grand honneur à la France. Eh bien, le calme se rétablit quand la société accède, à la porte du Châtelet vomissant ses marches noires ; le “rigolo” lui-même se sent moins en verve ; la plaisanterie s'étiole entre ces murs granitiques. Oui, j'ai interrogé les gardiens : ici, l'on respecte. »Jean de La Varende, Le Mont Saint-Michel, Calmann-Lévy, 1941.
Pauvre La Varende ! La porte du Châtelet, désormais, ne fait plus barrage à rien, sinon aux deux tiers de ce troupeau continu qui n'ont même pas l'idée de la franchir (« Pour quoi faire ? Y a plus d'boutiques ! ») ; la plaisanterie ne s'étiole pas entre les murs granitiques : elle s'y est au contraire institutionnalisée ; le rigolo n'a aucune raison de se sentir moins en verve, puisque cette verve est la queue par laquelle on l'attrape – et pour le respect dont parlaient les gardiens du monde d'hier, il est tout entier dévolu à l'appétit ludique de Festivus et aux béances de Modernœud, contemplant satisfait son être-là. Le Mont Saint-Michel n'est plus cette apothéose de pierre qui se dressait au milieu d'un espace miroitant et sans macule : c'est devenu un cadre tout juste un peu hors normes pour les habituelles et obligatoires activités de l'homme-en-tongs – un simple lieu, comme disent désormais les artistes autoproclamés, aux pitreries subventionnées. Dans telle salle, au lieu du silence minéral que vous aviez gardé dans l'oreille, un vacarme vous accueille, produit par une sorte d'atelier où l'on occupe les enfants en leur mettant des outils de tailleur de pierre entre les mains ; dans l'incomparable réfectoire, l'exposition d'une quelconque peintreuse contemporaine réussit à ruiner non seulement les proportions de la salle, mais aussi son acoustique particulière, qui fait que, parlant normalement vous êtes à peine compréhensible, tandis que vos paroles deviennent d'une limpidité d'eau pure dès lors que vous les psalmodiez ; dans une autre encore, une nouvelle “expo”, didactique celle-là, où, sous prétexte de prophylaxie imagine-t-on, vous sont proposées – masquant murs et piliers – de gigantesques photographies de puces, poux et autres parasites humains. Mais tout cela ne serait encore rien.
J'avais déjà fait trois visites dites “conférences” du Mont. La première en 1979, avec André et Philippe, la seconde avec les mêmes quelques années plus tard, et la troisième avec Catherine en 1998 ou 1999. Toutes trois remarquables, même si je conserve moins de souvenirs de la seconde. Le très précieux avantage de la visite-conférence est (était…) qu'elle dure deux heures au lieu d'une et coûte le double de la visite ordinaire. En outre, elle est (était…) faite par quelques personnes des Beaux-Arts, amoureux du Mont – si passionnés qu'ils n'étaient pas comptables de leur temps et pouvaient prolonger la visite d'une demi-heure ou plus pour peu qu'ils fussent tombés ce jour-là sur un petit groupe particulièrement questionneur. Nous nous faisions donc, depuis plusieurs jours, une joie véritable de celle de ce dimanche matin.
Comme m'a dit l'Irremplaçable le lendemain de ce jour funeste, à propos de la femme qui était en charge de notre groupe : « Rien que la manière dont elle était habillée, on aurait dû se méfier… » On aurait dû, en effet. Mais c'était trop tard, on était là ; pris bel et bien.
Dès que cette “féminine engeance” s'est mise à proférer des sons, j'ai compris que tout était fichu, que le monde d'hier, le monde vivable était définitivement mort. C'est une chose que de discourir doctement sur la décadence qui serait la nôtre ; c'en est une autre que de la voir en action, de toucher du doigt ses résultats, de devoir supporter la voix et les inflexions qui la réalisent. Pour cette femme, le principe même de la conférence semblait de toute évidence appartenir à un passé grisâtre et fort heureusement révolu : place à l'interactif, à l'humeur rigolarde, à la bonne franquette. D'entrée de supplice, ce fut un mitraillage de blagues à deux sous, de clins d'œil participatifs (« Y a des Bretons, parmi vous ? Oui ? Alors mettez-vous de ce côté, passque, là, vous êtes en Normandie ! » ; « Et vous, M'sieur, là : vous vous y voyez, à transporter des blocs de granit de trois tonnes dans les escaliers ? » ; « Et pourquoi que vous voudriez qu'ils aient été moins malins que nous, les gens de c't'époque, Madame ? »). Soudain j'ai compris ce qui clochait : nous n'étions nullement en train d'assister à une conférence, comme on nous l'avait fallacieusement annoncé ; nous tenions tous notre rôle dans un docu-fiction commandé et diffusé par TF1 – à moins qu'il ne s'agît d'une émission de télé-réalité, ma religion n'est pas entièrement faite à ce sujet.
On a tenu une vingtaine de minutes, avant de quitter ostensiblement le groupe. Dont la plupart des membres avaient d'ailleurs l'air de bien s'amuser. Notre guideuse a dû penser que nous nous étions rendu compte de ce que le niveau de sa conférence était trop élevé pour nous. En redescendant, triste et furieux, mais encore plus triste que furieux, je me suis demandé pourquoi l'Archange supporte ce qu'on lui fait subir désormais. Et j'aurais vu d'un assez bon œil qu'il appelât sur l'immense rêve vertical qui lui fut dédié, par des hommes à qui nous ne ressemblons plus en rien, le même sort que celui auquel Ronsard imaginait saint Paul vouer l'Église du XVIe siècle, “s'il revenait ici” :
… et voyant tel méchef,
Prierait qu'un trait de feu lui accablât le chef.
Je pense que je ne remonterai plus jamais jusqu'au cloître de plein ciel, et ce sera sans regret. J'en ai assez de souvenirs, après tout. Il me restera notamment cette nuit de la fin mai 1979 où, durant près de deux heures, lestés de l'énorme trousseau de clés que le père de Senneville avait confié à André, nous avons, lui, Philippe et moi, déambulé dans le Mont désert, parcouru avec un respect intimidé, qui peu à peu se teintait d'une sorte de frayeur d'enfance, ces salles et ces cryptes emplies d'un silence étrangement bruissant – vivant, pour tout dire.
Je comprends parfaitement que votre déception, et peut-être même votre colère, a du être grande.
RépondreSupprimerLa modernitude et les marchands du temple semblent prendre un malin plaisir à pervertir et monnayer le Beau.
De mes visites du Mont, la seule qui fut menée à son terme eut lieu en hiver : nous y profitâmes de la paix et de l'austère (et glaciale) beauté des lieux. Nous y étions quasiment seuls. La pire fut au mois d'août : au bout d'une heure de piétinement, passée à avancer de seulement quelques mètres, nous renonçâmes à aller plus avant...
RépondreSupprimerCe genre de déception vous les avez un peu partout en France désormais. Les visites guidées sont à fuir absolument.
RépondreSupprimerMais d'autres déceptions sont aussi écoeurantes: allez donc visiter ce qu'est devenu ce magnifique village qu'est Salers (Cantal).
le fermer ou le détruire ? N'en conservons que des cartes postales jaunies ou des souvenirs intimes. Voila.
RépondreSupprimerMais l'odeur du vent, tout en haut, tout, tout en haut. Ah malheur !
RépondreSupprimerDécidément, je ne comprendrai jamais les réacs : ils défendent becs et ongles cette société dans laquelle le profit est un saint principe, l'argent représente le dieu des dieux et où la marchandisation de toutes les valeurs (y compris spirituelles) corrompt les corps et les cerveaux, et ce, pour chialer comme des malheureux toutes les larmes de leur corps !
RépondreSupprimerSi ce système ne vous convient pas, cessez donc de le soutenir par vos votes absurdes, merde alors !
Réacs, un peu de lucidité et de logique, que diable !
Ou alors cessez donc de pleurnicher sans cesse !
Cui-cui : vous ne comprenez rien ou vous le faites exprès ? Il n'est absolument pas question d'argent ni de profit, dans le cas du Mont Saint-Michel, dans la mesure où ils ont toujours été bien présents. Il s'agit de pratiquer une sorte d'égalité culturelle, en forçant tout le monde à marcher à quatre pattes afin que personne ne dépasse. Si ce n'est pas une idée de gauche, ça…
RépondreSupprimerComme Jacques-Etienne, je voulais visiter le Mont Saint-Michel avec ma petite famille en 1997.
RépondreSupprimerLe nombre de véhicules garés sur l'immense parking me fit faire demi-tour.
Je suis allé visité un château dans l'arrière pays, je pense que ce château fut pris pour modèle par Pierre Naudin pour son cycle Ogier d' Argouges.
Peu de monde, paysage agnifique et guide sympathique mais depuis peut être tout est différent.
De quoi vous plaignez-vous?
RépondreSupprimerAvec le monde que nous aurait imposé le sinistre Jean de La Varende,vous n'auriez même pas pu visiter le Mont St Michel.
Moi mes nausées arrivent surtout lorsqu'en visitant un haut lieu de ce type on me raconte des sornettes sur la vertu des hommes d’Église, l'héroïsme des militaires,ou la sagesse des puissants.
Le monde d'hier appartient aux vivants d'aujourd'hui( avec leurs défauts ou leurs qualités qui sont à ma connaissance pas très différents des défaut et des qualités des vivants d'hier), vous n'en êtes pas le seul récipiendaire.
Je suis fier de ce qui a été fait par mes ancêtres et fier aussi que ça puisse réjouir mes contemporains quels qu'ils soient.
Et peut-être la guide qui vous a tant déplu fait, ne vous en déplaise, plus pour la culture et la création que vous-même.
Le Mont Saint Michel, c'est comme Salers (que je connais bien) : il faut y aller l'hiver, c'est tout.
RépondreSupprimerLa France, c'est surtout l'hiver qu'elle est belle, sauf là où l'on skie, évidemment.
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RépondreSupprimerJe vous signale tout de même que j'y étais au mois d'octobre, qui n'est pas précisément la haute saison touristique ! De plus, qu'il y ait du monde ou non ne change rien à la vertigineuse chute de qualité des visites conférences.
RépondreSupprimerMais enfin, du moment que Léon est content du monde dans lequel nous barbotons tous, tout va bien.
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RépondreSupprimerLe QI des profs norvégiens a baissé de 10 % en dix ans.
RépondreSupprimerPour les conférenciers du Mont Saint-Michel, les chiffres sont jalousement gardés secrets.
Robert : je comprends ça…
RépondreSupprimerHumeur rigolarde et clins d'œil participatifs: pas de doute, le nivellement par le bas est à l'oeuvre. Un nivellement par le bas, cool et festif. L'important, ce n'est pas que les visiteurs aient appris ou ressenti quelque chose: il suffira qu'ils soient contents, qu'ils arborent à la sortie du Mont le sourire béat du consommateur satisfait.
RépondreSupprimerC'est la même chose dans l'enseignement où le bon vieux cours magistral a été remplacé par des cours interactifs saupoudrés de multimédia: l'élève ne doit-il pas s'épanouir plutôt que s'instruire?
Ceci dit, ne vous plaignez pas: vous avez eu la chance de pouvoir déambuler dans le Mont Saint-Michel désert! Et ce souvenir là, il ne se nivellera jamais par le bas.
Je l'ai visité en hiver, vers la fin. Il y a longtemps. Raisonnablement de monde. Plus autour de la mère Poulard que dans l'abbaye. Une visite comme vous l'avez aimée. Et puis ça s'est vidé. J'ai dormi sur place: une petite chambre d'hôte et le matin, le soleil s'est levé rien que pour moi. Je suis parti quand les premiers visiteurs arrivaient. C'était "la France d'avant". Certains nous demandent d'imaginer "la France d'après". Si elle devient comme "la France de maintenant" en pire, non merci!
RépondreSupprimer"Mais enfin, du moment que Léon est content du monde dans lequel nous barbotons tous, tout va bien."
RépondreSupprimerJe ne suis ni satisfait ni mécontent mais c'est mon monde et je l'observe peut-être avec un œil moins partial, je crois, que le votre.
Sur le plan culturel, architecture, littérature, cinéma, théâtre, danse, musique, arts graphiques, expos, etc. et sur la fréquentation et la curiosité populaire(mais je suis sûr que le terme "populaire" ne vous intéresse pas)nous sommes au moins aussi dignes que les siècles anciens que vous regrettez.
Sans vouloir vous blesser à tout prix, je peux rajouter ceci, il me semble que le public du Mont St Michel, casquette et short, dont vous vous moquez ne doit pas être très éloigné des romans policiers formatés que vous écrivez à leur intention.
L'incohérence gauchiste à son comble :
RépondreSupprimer1. "Je suis sûr que le terme 'populaire' ne vous intéresse pas."
2. "Il me semble que le public du Mont St Michel, casquette et short, dont vous vous moquez ne doit pas être très éloigné des romans policiers formatés que vous écrivez à leur intention."
Le discours gauchiste est littéralement lardé, ainsi, de contradictions flagrantes qui se télescopent à deux lignes de distance.
Mais on a tellement l'habitude d'entendre la petite musique socialiste, on est tellement endormis par des décennies de propagande que tout le monde a fini par répéter, que bien souvent, on ne s'en aperçoit même pas.
Une lueur d'espoir: j'ai déambulé cet été dans l'abbaye avec jubilation...il était 9h du soir, après une journée très pluvieuse, le deuxième jour de "la mise en lumière" du lieu.Nous étions presque seuls, dans un silence respectueux troublé seulement par une flutiste , une violoncelliste et une harpiste qui jouaient, seules, dans certaines salles. La marée haute, un ciel pommelé de nuages au soleil couchant, des enluminures projetés dans une chapelle , des jeux d'ombres et de lumière; une merveille. Des américaines à qui je faisais visiter le Mont saint Michel ont eu ces mots; " c'est une expérience mystique, à se mettre à genoux"
RépondreSupprimerC'est difficile de tuer complètement le beau.
"on est tellement endormis par des décennies de propagande"
RépondreSupprimeroh, monsieur Marchenoir, je ne me fais pas de souci pour la propagande, vous nous servez la votre avec suffisamment de constance d'outrance et de caricature. On comprend bien qu'elle ne va pas dans le sens d'une considération pour l'autre mais plutôt dans celui d'une grande satisfaction pour vous même.
Ouais. La vérité, la voila, et elle est violente : il ne faut jamais compter sur les autres pour atteindre la culture. Dans le meilleur des cas, le guide est bon. Et alors ? Est-ce qu'il fait passer de son cerveau au vôtre une science toute pure, que l'on pourrait pour ainsi dire "télécharger" ? La vérité, c'est qu'il faut avoir lu des bouquins sur le Mont Saint-Michel avant d'y aller (ou après, peu importe). La culture, ça ne se transmet pas. On peut seulement donner le goût, créer une "ambiance" de culture. Sinon tous mes élèves seraient très cultivés !
RépondreSupprimerAlors, au boulot !
Mais quoi Didier !!
RépondreSupprimerLa France c'est Disneyland un point c'est tout.
Votre Mont St Michel c'est le chateau de la Belle au bois dormant et rien d'autre.
Faudra vous y faire.
Pour vous consoler.
RépondreSupprimer"On comprend bien qu'elle ne va pas dans le sens d'une considération pour l'autre mais plutôt dans celui d'une grande satisfaction pour vous même." (Léon)
RépondreSupprimerL'algorithme gauchiste déroule implacablement son programme :
1) Le gauchiste se contredit de façon flagrante, énorme, d'une phrase à l'autre, tout occupé qu'il est à calomnier quiconque n'est pas de gauche.
Dasn le cas présent, Léon commence à reprocher à son adversaire de ne pas se soucier du peuple, puis, dans le même souffle, lui reproche d'écrire des romans populaires.
2) Loin de disparaître sous terre le rouge au front dès lors qu'on le lui fait remarquer, il change de sujet, et prétend que sa position est juste, parce qu'il serait moralement supérieur à son adversaire.
3) Le tout, bien entendu, sans daigner apporter le moindre fait à l'appui de ses infantiles rodomontades, ni s'expliquer une seule seconde sur cet habituel deux poids, deux mesures, typique du discours de gauche.
4) Tout cela est enveloppé dans l'inversion accusatoire, typique elle aussi du discours gauchiste.
Ici, Léon m'accuse d'être par trop satisfait de moi, dans la même phrase où il fait comprendre qu'il est, lui, supérieur aux autres de par son altruisme.
Léon, on pourrait vous remplacer par un ordinateur. Et pas un gros, hein. Un truc récupéré dans une décharge, datant des années 80, ferait fort bien l'affaire.
Un pour cent de la puissance de mon processeur actuel suffirait amplement à émuler votre capacité argumentative.
En revanche, mon ordinateur, même quand il se plante, est largement plus honnête que vous.
Comme je vous comprends!
RépondreSupprimerMais il faut dépoussiérer la fonction de guide, n'est-ce pas. Eviter le classique, le banal, le scolaire. Vous le dites très bien.
Le pire que j'ai vu dans le genre, c'était à Conques. Et pourtant, qu'est-ce que c'est beau, Conques. Et qu'est-ce que c'est facile à expliquer... Le tympan de la cathédrale est un scénario tout prêt éternellement frais... Mais hélas, le curé se prenait pour Nagui, et le résultat était comme ce que vous décrivez. Au lieu d'offrir ses connaissances, d'inciter à l'admiration, ce curé pitre, ridicule, nous balançait une performance artistique de publicitaire braillard avec blagues débiles, gesticulations débiles, clins d'oeil aux enfants,
régurgitations de plaquettes de l'office de tourisme. C'était à pleurer.
Un Disneyland pour vieux cons.
RépondreSupprimerDes vieux cons qui visitent des vieilles pierres taguées par de jeunes cons.
En sortant du Disneyland y'a pléthore de boutiques "souvenirs de France "made in China", tenues par des Chinois, de crèperies halal où se restaure le guide sous-payé et inculte, formé sur le tas, déguisé à l'occasion.
La culture pour tous c'est un bizness comme un autre.
Marco Polo : vous avez évidemment raison, au sujet de la culture. Il n'empêche que des “passeurs” intelligents, passionnés, etc., facilitent bien la tâche, permettent de gagner du temps en donnant l'impulsion primordiale – ce que faisaient fort bien les anciens conférenciers.
RépondreSupprimerSuzanne : et en plus c'était le curé ! En tout cas ce n'est pas mon epérience ni la vôtre qui va me réconcilier avec les visites guidées…
oui, la Société du Spectacle exige le pré-mâché, le bruit, les couleurs criardes et l'infantilisation. Sa peur de ce qu'elle croit être le vide est sidérante.
RépondreSupprimerVoilà une conclusion hâtive ou je ne m'y connais pas...
RépondreSupprimerRésumons, la conférence d'"aujourd'hui" ne vaut pas celle d'"hier" donc les temps ont changé.
Quant à mettre en cause le conférencier, dans son individualité et sa manière de faire, non, non, c'est l'époque qui est coupable bien sur, c'est moins bien qu'avant...
Curieux, cette volonté, à rebours de la logique et du simple bon sens, de dénigrer, à tout prix, le présent (je ne dis pas qu'elle n'est pas critiquable, je dis juste qu'en l'espèce, votre argument n'en est pas un).
J'ai cru voir une critique fondée se profiler à l'horizon, c'était juste une généralisation un peu poussive.
"La vérité, la voila, et elle est violente : il ne faut jamais compter sur les autres pour atteindre la culture."
RépondreSupprimerIl y a, me semble-t-il, une autre vérité : la culture, la vraie, ce sera toujours pour très peu de gens.
Il y a peu de gens qui ont les capacités intellectuelles nécessaires pour être véritablement cultivés (c'est à dire, d'abord, pour lire des ouvrages compliqués) et parmi ceux qui ont ces capacités il y en a peu qui en ont le goût.
Ca n'a rien de dramatique : il est tout à fait possible d'être quelqu'un de bien sans être cultivé.
Mais de nos jours c'est considéré comme insupportable.
Résultat? l'égalisation par le bas, au Mont Saint Michel comme à l'éducation nationale.
Ah, la visite guidée, ou le supplice de l'amateur d'arts et d'histoire...
RépondreSupprimerL'Epoux m'a l'an passé emmenée visiter Versailles au temps des "Grandes Eaux" (en juin)... Nous avons été affreusement déçus par la visite guidée de l'intérieur du château, faite par une "guidesse" qui devait penser que la plaisanterie à deux balles était la seule manière d'accrocher son auditoire. Au quatrième "quand vous sortirez de là vous aurez envie de faire la révolution, hein, hihihi", j'ai ostensiblement levé les yeux au ciel en soupirant... l'Epoux m'a signalé que j'étais peu charitable (mais il était plutôt d'accord avec moi).
Dieu merci, le lendemain, la visite des jardins du château fut faite par un jeune homme fort compétent, cultivé et intéressant !
L'autre plaie des visites de monuments français : les audioguides. Dont le seul avantage est de faire taire les pénibles.
Néanmoins en Espagne, par exemple, les audioguides sont extrêmement bien fichus : ceux de l'Escurial ou de diverses cathédrales présentent des informations claires, précises et pertinentes.
Je me souviens, c'est le privilège du grand âge, de visites de monuments (lesquels, ma mémoire, là, se trouble), faites à la fin des années 50 ou au début des années soixante où les guides pratiquaient la plaisanterie, parfois un peu grasse, donnaient des anecdotes plus ou moins "savoureuses", faisaient participer le public, etc. Et cela pur le plus grand plaisir du public qui exprimait sa satisfaction en n'oubliant pas le guide...
RépondreSupprimerDurant la décennie passée, j'ai pu, au cours de visites du château de Châteaudun, voir que les choses avaient évolué : les visites étaient assurées par de jeunes gens visiblement cultivés, compétents en architecture et capables de répondre aux questions précises qu'on pouvait leur poser.
Je crois que la visite "anecdotique" et la visite "culturelle" correspondent non pas à une époque ou à une autre mais à une visée mercantile: si vous proposez une visite "anecdotique", vous touchez davantage de personnes, le "bon peuple" qui visite en masse n'est pas forcément fasciné par l'érudition en architecture religieuse : il vient passer une partie de l'après-midi à l'abri un jour de pluie ou donner un aspect culturel à ses vacances. Il se peut qu'en emmenant ses enfants visiter des monuments, parmi ceux-ci s'en trouveront qui prendront le goût de la visite, approfondiront leurs connaissances et se montreront plus exigeants en matière de visite culturelle...
S'ils savent d'avance qu'ils seront "assommés" par de doctes conférences, le "bon peuple" ne s'y rendra même pas.
Pour ces raisons, je pense qu'il faudrait que soient organisées des visites de différents niveaux, adaptées aux attentes plus ou moins culturelles des divers publics. Ce serait cependant difficile à mettre en place : peut-on envisager des visites intitulées "Brave Beauf de Base" à côté d'autres de type "Esthète Lettré" ? D'autre part, il est à craindre que le premier type rencontrerait bien plus de succès que le deuxième...
"S'il sait d'avance qu'il sera" !
RépondreSupprimerJacques Etienne,
RépondreSupprimerEn tant que professeur d'histoire, j'émaille souvent mon cours de petites anecdotes destinées à faire rire (du moins sourire) mes élèves. Je pratique même le raccourci historique osé quand il s'agit d'avoir une formule percutante - même si je sais aussi relativiser ledit raccourci...
Cela n'empêche pas d'avoir une haute exigence intellectuelle et scientifique.
Ainsi, je déteste les visites guidées uniquement fondées sur du "admirez à ma droite cette architrave du plus pur style gothique bas-lorrain, remarquez à ma gauche la console en vermeil sur piédouche en bois brésil". J'aime qu'on sache faire revivre une époque, les habitants d'un château, les moines d'une abbaye... mais tout le monde n'a pas ce talent.
Ainsi, la gamine qui fait des blagues sur Louis XIV et sur le manque de toilettes de Versailles est marrante deux minutes, au bout d'un moment on est en droit de remettre en cause sa capacité à guider les visiteurs d'un site historique.
Déjà je suis très beaucoup d'accord avec le commentaire de Jacques Etienne, "il se peut....culturelle" : je pense la même chose pour le théâtre, la musique, la lecture, la découverte d'une œuvre médiocre peut ouvrir à des découvertes bien plus belles, pour peu qu'on soit curieux. (Autrefois il y avait bien des guides qui cachaient leur incompétence derrière des plaisanteries très limites, ne l'oublions pas) ensuite, j'ai eu l'occasion de faire beaucoup de visites récemment avec des groupes d'enfants (niveau CM1 ou CM2) et le niveau des guides m'a le plus souvent paru élevé, pas du tout au ras des pâquerettes ni racoleur mais plutôt stimulant et enrichissant. (en rapport avec mon niveau de culture, je ne le conteste pas)
RépondreSupprimerEnfin, quand désormais on va dans ce genre de lieu couru comme une gare un jour de grand départ, on prend un risque.
Je ne vois pas trop bien comment on peut vous reprocher d'être élitiste puisque vous concédez à faire une visite avec guide. Si ce n'est pas populaire, ça ! Mieux, c'est faire preuve d'humilité à mon sens, mais cette humilité n'est pas un blanc-seing. Ce faisant, vous exigez bien sûr du sachant qu'il soit à la hauteur, non qu'il vous amuse, qu'il parvienne à vous distraire, mais qu'il vous étonne, qu'il témoigne, qu'il vous donne à réfléchir.
RépondreSupprimerCes lieux, je ne peux pas les fréquenter. La foule m'insupporte. Tenez, je suis allé à Lourdes, cet été, c'était la première fois. Comme je fus triste de me rendre compte que je ne pourrais jamais m'approprier ce lieu. Bien sûr, à Lourdes, il y a d'autres choses à vivre, à comprendre, précisément parce qu'il y a tous ces gens, venus de partout, parfois au services les uns des autres, mais tout de même, la déception de ne pouvoir goûter le silence du recueillement prédominait. C'était sans doute sot, égoïste, mais que voulez-vous !
Pouvoir disposer de ces lieux pour soi, c'est un luxe. Si vous avez eu ce privilège une fois, c'est déjà immense. Vous avez cela pour vous que nombre d'autres gens n'auront jamais.
(Bon, après, le couplet sur Modernoeud, je trouve qu'il commence à être légèrement rébarbatif, aussi automatique que les interventions de Léon, c'est dire...)
Bon, je vais essayer de répondre dans l'ordre aux derniers arrivants…
RépondreSupprimerAristide : en effet, cela n'a que peu d'importance, mais c'est une chose que l'époque refuse d'entendre : la culture DOIT être pour tous – ou alors pour personne. Loi de fer de l'égalité obligatoire.
Artémise : sortant de cette consternante “conférence”, Catherine et moi en étions à nous dire, la mort de l'âme, que nous aurions peut-être mieux fait d'opter pour les audioguides. On en est là…
Jacques Étienne : mais c'est précisément à quoi correspondaient, avant, la visite dite "guidée" et celle dite "conférence" : la première durait une heure, coûtait peu cher et accueillait des groupes assez nombreux, cependant que la seconde durait et coûtait le double et avait un numerus clausus assez bas (une quinzaine de personnes, je crois bien). Mais je crois que je vais devoir faire un second billet car je ne suis pas sûr d'avoir été bien compris dans le premier, sans doute de ma faute.
Artémise bis : les visites conférences que j'ai pu faire entre 1979 et 1999 avaient ce point commun, de n'être pas de l'érudition sèche, mais un véritable récit, une riche évocation artistique, religieuse, architecturale, historique, etc. de ce Mont dont les conférenciers étaient de véritables passionnés et non de simples guides ayant appris par cœur un laïus immuable.
Mère Castor : même réponse à peu près que ci-dessus à Jacques Etienne et à Artémise. Mais, là encore, je vais tâcher de préciser tout cela dans un second billet.
Dorham : mais, précisément, il n'y a pas tellement de monde au Mont, à partir du moment où vous faites l'effort de quitter la rue à boutiques et de gravir l'éprouvant et superbe escalier qui vous mène au portes de l'abbaye elle-même ! En semaine et hors saison, le matin, vous pouvez ne pas y croiser plus de trente ou quarante personnes dans l'ensemble des salles.
Quant à mon expérience de mai 1979, faite qui plus est avec deux personnes que je chéris et chérissais, elle m'est en effet infiniment précieuse.
Je garde un très bon souvenir d'un excellent audio guide au "Frick Collection" à New York et je m'en explique ici (après les tableaux).
RépondreSupprimerhttp://oralaboraetlege.blogspot.com/2010/01/new-york-7-frick-collection.html
J'ai écrit : "Mon mari, au bout d'une heure, avait fait le tour mais moi je prenais mon temps, écoutant scrupuleusement l'audio-guide en français, très éclairant, devant chaque tableau et chaque oeuvre d'art. Différentes "voix" expliquaient ce que je contemplais, et je retiens l'accent délicieusement anglais d'un homme d'un certain âge assurément, qui ne pouvait s'empêcher de s'extasier devant ce qu'il nous faisait voir... au milieu d'un exposé formel, il susurrait à mon oreille : "on ne peut que tomber à genoux devant tant de "bweauté"!! "C'était charmant. Je remercie ce compagnon inconnu qui m'a guidée tout au long de cette visite, cette voix qui m'a accompagnée."
Et puis, à la réflexion, l'immense avantage de l'audio-guide est que, s'il se révèle insuffisant ou pénible, on a toujours la ressource de lui faire fermer sa gueule…
RépondreSupprimer… ce qui est plus délicat avec un guide, surtout quand c'est une femme…
RépondreSupprimerJ'ignorais l'existence de ces deux formules. Il est évident que si la conférence se fait visite guidée, il y a tromperie sur la marchandise.
RépondreSupprimerJe suis aussi très sérieuse quand j'ai un bon audioguide, je l'écoute scrupuleusement et compulsivement.
RépondreSupprimer"Le manque de toilettes à Versailles".
RépondreSupprimerDans les années soixante, pour les touristes venus du monde entier visiter le Louvre, il y avait... un WC.
A l'entrée, il y avait une dame qui vendait le papier hygiénique à la feuille.
C'étaient "les Trente glorieuses".
Je me souviens avoir visité, adolescent, le château des Hohenzollern, dans le Bade-Wurtemberg, et j'aime mieux vous dire que le Führer qui nous guidait dans les salles et couloirs n'avait rien d'un plaisantin. En tout cas, rien qu'à l'énoncé de son titre, nous autres petits Français, tout kleine Filous que nous étions, nous nous tenions cois, tant il est vrai qu'on n'est jamais trop prudent.
RépondreSupprimerM'sieur Didier, je ne vais pas vous raconter ma visite au château de Montaigne, en septembre de cette année. Grosso merdo, c'est la même chose qu'au Mont. Entre ça et le Mont, vous pourriez avoir envie de vous flinguer.
RépondreSupprimerJe me faisais une joie de cette visite longtemps reportée, je suis reparti avec l'envie de foutre le feu au château pour qu'au moins ce genre de spectacle lamentable n'ait plus jamais lieu. "Mejor el fuego, la destrucción", disait Luis Cernuda. J'ai déjà vaguement raconté tout ça chez le Pélicastre.
Quelque chose de frappant, tout de même, qui a trait à la "culture" telle qu'on l'envisage aujourd'hui.
Parmi les visiteurs (et ça vaut aussi pour le guide, une négrillone - eh oui), il était évident que personne, à part moi, ne connaissait la vie de Montaigne, ni n'avait lu une page de son oeuvre.
Eh bien, à part moi, tout le monde était très content de sa visite. Logique, me direz-vous.
Mais là où ça devient très fort, c'est que certains, en repartant, parlaient de leur émotion à avoir accompli ce "pèlerinage", Montaigne représentant à leurs yeux un des grands noms de la culture, de l'humanisme, du progrès etc.
Décidé à ne pas lâcher un mot durant toute la visite (car comme vous, je me suis vite rendu compte du genre de machin que ça allait être), j'ai finalement craqué à ce moment et demandé sournoisement à un de ces visiteurs, qui avait montré une méconnaissance totale de M. durant la visite par ses questions absurdes, si M.faisait partie de ses livres de chevet, pour en parler d'une manière aussi émue et exaltée... "heu, oui, quelques essais dans ma jeunesse, enfin, bon... c'est quelqu'un d'important, Montaigne, quoi..."
Voilà : Montaigne est un Nom, un Nom qu'on visite d'autant plus religieusement qu'on ne le connaît pas.
Je dirais même qu'on se doit de ne pas le connaître, si l'on ne veut pas passer pour un pédant (et donc un faux cultivé - le crime est parfait). Car oui, je suis passé pour un pédant auprès de mes proches en pestant ensuite contre ce spectacle de cirque !
Bien sûr, moi aussi j'ai réagi "religieusement", en ressentant cette visite comme la profanation d'un lieu miraculeux, presque sacré. Mais, familier de Montaigne, j'ai aussi ressenti une peine intime.
Mais rien à faire : connaître intimement Montaigne et pester contre le traitement qui lui est infligé fait de vous un pédant (même si le reste du temps, vous ne parlez jamais de Montaigne à vos proches).
Faire l'éloge grandiloquent de Montaigne sans n'en avoir jamais rien lu fait de vous un mec "sympa" et tout de même "cultivé"(les visiteurs ont d'ailleurs trouvé la visite "sympa" - ce qui suffisait à faire taire le moindre doute - le guide était un peu beaucoup nunuche et incompétent ? - oui peut-être, mais il était "sympa").
C'est le monde à l'envers. Certes, on le savait déjà.
Gil
M'sieur Gil : eh bien je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous ! Il peut y avoir quelque chose d'assez attendrissant, chez ses personnes qui n'ont pas lu Montaigne mais qui prennent tout de même une heure de leur temps pour venir rendre leur hommage à celui qu'ils savent être un grand écrivain. Cette révérence faite à la littérature, au génie, à ce qu'on devine plus grand que soi, me paraît nettement préférable à la placide et satisfaite indifférence qui est de plus en plus la règle commune.
RépondreSupprimerLors de ma visite de la fameuse librairie, il m'avait bien semblé que Les Essais n'étaient pas la lecture de chevet de mon guide (mais après tout la mienne non plus) ; au moins faisait-il son travail consciencieusement et sans se prendre pour un animateur de TF1.
"au moins faisait-il son travail consciencieusement et sans se prendre pour un animateur de TF1."
RépondreSupprimerHum, quelle chance, lors de ma visite, c'était nettement plus festif et "interactif"...
Mais je tiens à préciser quelque chose : je ne m'en prenais pas aux petites gens qui n'ont pas lu Montaigne et qui visitent quand même la librairie; pas au principe, du moins... il y a eu récemment ici une belle discussion sur le "taux de culture" du monde ou de la jeunesse actuels... je crois que tout les monde a été d'accord pour conclure que la culture, la vraie, à toute époque, a été la fait d'une minorité.
Et il est honorable pour la majorité de rendre hommage "à ce qu'on devine plus grand que soi", oui.
Mais un problème actuel, n'est pas que la majorité reste imperméable à la culture : c'est qu'elle prétende quand même à la culture (banalité, soit). Et puisqu'elle sent bien qu'elle ne peut réellement y accéder, finit par la rabaisser. (c'est pas un thème camusien, ça ?)
Et justement : dans cette visite, je n'ai pas senti d'hommage, mais plutôt la prétension à participer à la culture sans faire l'effort nécessaire pour cela.
Mais je suis peut-être excessif, c'est vrai.
G.
Gil : excessif ? Ce n'est pas à moi de le dire, puisque je n'ai pas participé à la visite dont vous parlez. Du reste, je m'avise que la mienne à déjà presque dix ans d'âge : il n'est pas impossible que les choses se soient, là aussi, festivisées grave…
RépondreSupprimerJe voulais dire que je me suis peut-être un peu trop focalisé sur certaines personnes de la visite. Les autres ne prétendaient peut-être à rien. Fopagénéraliser, comme dirait RM.
RépondreSupprimerQuant à la visite en elle-même, je ne retire rien : affreux.