Gaston a six ans. Il est né en Catalogne, il vit maintenant au Québec. Le lac a remplacé la mer ; le frette, la chaleur. Gaston s'en fout, comme on se fout des choses à six ans, lorsque les composants de la vie sont éternels : mes parents, ma sœur, Pignon.
Pignon a sept ans (d'après Catherine). C'est-à-dire que, vu par le prisme cérébral de Gaston, il est là de tout temps, et il n'y a aucune raison compréhensible pour qu'il en aille un jour autrement. Pignon, parce qu'il est un bâtard de taille modeste, peut espérer (non, mauvaise formulation : le chien n'espère rien, c'est nous qui espérons pour lui) vivre quinze ans environ. Sauf en cas de maladie proliférante ou d'automobile trop rapide, le petit garçon de la photo sera un adolescent d'un mètre-quatre-vingt-dix (il est déjà très “en avance” pour ses six ans…), lorsque le compagnon éternel recevra la piqûre terminale. Il connaîtra, de moins l'espère-t-on pour lui, sa première dévastation causée par la mort. Il aura la certitude de ne s'en remettre jamais, et ce sera l'ultime preuve d'amour que Pignon lui donnera : celle de l'accoutumer à cette réalité avec laquelle il lui faudra vivre encore. Pignon sera, un jour, le vaccin de Gaston, celui qui fait qu'on ne succombe pas aux coups de massue de la vie comme elle va, qu'on se contente d'en souffrir assez longtemps, avant de marcher vers la prochaine saignée.
En attendant, Pignon veille à la poupe : il sait certaines choses.
Bonsoir Monsieur Goux,
RépondreSupprimerS'habituera-t-on jamais à la mort de nos êtres chers, même en passant par la disparition de nos bêtes chéries ?
Sur ce thème, j'ai aimé la réflexion suivante :
"Que les gens disparaissent est au fond moins surprenant que de les voir apparaître soudain devant nous,proposés à notre coeur et à notre intelligence. Ces apparition sont d'autant plus précieuses qu'elle sont infiniment rares. La plupart des gens sont aujourd'hui si parfaitement adaptés au monde qu'ils en deviennent inexistants." Christiant Bobin, in Ressusciter.
Il nous est donné de vivre, quand vient le temps de la séparation, ...
Ce n'est plus un blog, ici, c'est un chenil. Et paf !ma mère m'a envoyé un mail aujourd'hui où elle me rappelle le nom du premier chien suite à mon billet d'hier, nom que je n'avais pas oublié. Surtout, elle m'a dit qu'ils avaient eu ce chien un an avant ma naissance. Comme Gaston.
RépondreSupprimerIl faudra qu'on trouve un autre sujet de billet à l'occasion. Mais pourquoi ?
Quand on est enfant, le temps passe très lentement. D'un anniversaire, d'un Noël à l'autre, c'est si long...
RépondreSupprimerRien d'étonnant à ce que le chien de notre enfance y tienne tant de place. On m'avait dit, quand j'étais petite, qu'il fallait multiplier par sept l'âge d'un chien pour qu'il corresponde à celui des humains. et j'en avais déduit que les chiens vivaient dans un autre temps, parallèle au nôtre mais beaucoup plus rapide. Je vivais dans une famille qui ne voulait pas de chien, jusqu'à ce qu'un de ces braques qu'on appelle "bleu d'Auvergne", à la robe mouchetée comme le fromage, saute le mur du jardin, sans doute pour se trouver un endroit où crever tranquille. Maigre à faire peur, toussant, couvert de plaies, pelé, l'oreille déchirée, ce n'était pas une affaire et pourtant... Il est resté deux ans, deux ans seulement, mais j'avais le même âge que le petit Gaston et j'ai l'impression d'avoir vécu une éternité avec ce chien qui dormait sur le palier contre la porte de ma chambre. Je l'entendais parfois se retourner et gémir dans ses rêves, et je pouvais regarder sans crainte l'ombre des branches du cerisier bouger sur le mur, à la lueur de la lune, alors qu'avant j'avais peur des ombres de la nuit.
Il dort près du clavier le nez et les yeux cachés dans ses pates. Derrière lui, contre le mur, des photos de mon Mine, mon premier, mon toujours là dans le jardin, dans la marque qu'il a laissé le long du meuble où il se frottait chaque jour. Je riais, lui aussi.
RépondreSupprimerMine jouait avec un chien qu'il avait rencontré dans la rue. Il faisait des roulades devant lui et l'autre le touchait de sa pate. Mine était un guerrier, il savait choisir ses amis.
Mes chats me comblent.
Il me manque un chien.
Majeur
Plus je vous lis, plus je me dis que la théorie de l'animal-machine de Descartes a au moins un intérêt moral.
RépondreSupprimerTrès beau texte, mais je remarque que Pignon n'a pas besoin d'aller chez le coiffeur ; et puis il peut se laver dans le lac.
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