Le monde que l'on tente de nous vendre devient vraiment charmant. Déjà, une rectification s'impose, une sorte de repentir, ou pour mieux dire de scrupule : ce monde, "on" ne nous l'impose pas. Il s'impose tout seul, nul n'est responsable, identifiable en tant que tel. Il se déploie, comme une bête qui bâille et s'étire, dangereux et bonnasse. Il n'empêche.
L'entreprise a, me semble-t-il, longtemps été un lieu plus ou moins ouvert, où circulait, même canalisé et raréfié, l'air extérieur. C'est en voie de terminaison. Elle est devenu un lieu clos, à l'image des locaux qui l'abritent, où l'on ne peut ni ne doit ouvrir les fenêtres, afin de ne pas contrarier les effets de la climatisation.
Se refermant sur elle-même, l'entreprise devient inhumaine, forcément. Il ne peut pas en être autrement, et c'est la grande stupidité des libéraux de croire - après Montesquieu et sans l'avoir bien compris - que le marché (le commerce) peut adoucir les moeurs : bien au contraire, il les durcit, les radicalise ; l'exploitation s'indure en quelque sorte dans la matière grise de tous les salariés, qui finissent par s'imaginer respirer un certain coulis de liberté, lors même qu'ils sont de plus en plus asservis - mais asservis suivant des procédures modernes.
À mesure que l'entreprise devient inhumaine, si elle veut que son visage souriant signifie encore quelque chose, ait un soupçon d'efficacité léthargique, il convient qu'elle demeure capable de distraire l'attention. C'est ce qu'elle fait, en se préoccupant chaque jour davantage de la santé, du bien-être - ou du mieux-vivre, pour employer un langage actuel - de ses salariés, de plus en plus en but à des rafales de répugnante douceur tirées à bout portant, à une immonde sollicitude de chaque instant.
Alors qu'un jivaro cravaté est requis pour "écrémer" tel ou tel service, cette branche d'activité ou cette autre, dans le même temps, d'autres costarisés nous enjoignent, d'abord aimablement, de cesser de fumer (ou alors dehors) et de boire (ou bien de minuit à deux heures du matin et en cachette). C'est pour notre bien. Si nous refusons de voir où est notre bien, de l'admettre pour tel, apparaissent rapidement les expressions mielleusement menaçantes, comme "tolérance zéro".
Ces deux tendances se donnent la main, leurs courbes sont rigoureusement parallèles : Il y a encore peu de temps, le sigle DRH signifiait "Direction des Relations Humaines" ; il dit aujourd'hui : "Direction des Ressources Humaines" - on ne saurait être plus clair. De toute façon, ces barbares à sourire humain, pour paraphraser Philippe Muray, sont toujours trahis spar le langage, lequel ne peut mentir et dissimuler qu'un temps. Les actionnaires (du mot action, du verbe agir) sont ces gens qui ne font rien et décident de tout. Ceux qui produisent, travaillent, fabriquent, créent, sont désormais désignés comme les charges salariales.
La messe est presque dite. Enfants d'aujourd'hui, bienvenus dans le monde de demain...
L'entreprise a, me semble-t-il, longtemps été un lieu plus ou moins ouvert, où circulait, même canalisé et raréfié, l'air extérieur. C'est en voie de terminaison. Elle est devenu un lieu clos, à l'image des locaux qui l'abritent, où l'on ne peut ni ne doit ouvrir les fenêtres, afin de ne pas contrarier les effets de la climatisation.
Se refermant sur elle-même, l'entreprise devient inhumaine, forcément. Il ne peut pas en être autrement, et c'est la grande stupidité des libéraux de croire - après Montesquieu et sans l'avoir bien compris - que le marché (le commerce) peut adoucir les moeurs : bien au contraire, il les durcit, les radicalise ; l'exploitation s'indure en quelque sorte dans la matière grise de tous les salariés, qui finissent par s'imaginer respirer un certain coulis de liberté, lors même qu'ils sont de plus en plus asservis - mais asservis suivant des procédures modernes.
À mesure que l'entreprise devient inhumaine, si elle veut que son visage souriant signifie encore quelque chose, ait un soupçon d'efficacité léthargique, il convient qu'elle demeure capable de distraire l'attention. C'est ce qu'elle fait, en se préoccupant chaque jour davantage de la santé, du bien-être - ou du mieux-vivre, pour employer un langage actuel - de ses salariés, de plus en plus en but à des rafales de répugnante douceur tirées à bout portant, à une immonde sollicitude de chaque instant.
Alors qu'un jivaro cravaté est requis pour "écrémer" tel ou tel service, cette branche d'activité ou cette autre, dans le même temps, d'autres costarisés nous enjoignent, d'abord aimablement, de cesser de fumer (ou alors dehors) et de boire (ou bien de minuit à deux heures du matin et en cachette). C'est pour notre bien. Si nous refusons de voir où est notre bien, de l'admettre pour tel, apparaissent rapidement les expressions mielleusement menaçantes, comme "tolérance zéro".
Ces deux tendances se donnent la main, leurs courbes sont rigoureusement parallèles : Il y a encore peu de temps, le sigle DRH signifiait "Direction des Relations Humaines" ; il dit aujourd'hui : "Direction des Ressources Humaines" - on ne saurait être plus clair. De toute façon, ces barbares à sourire humain, pour paraphraser Philippe Muray, sont toujours trahis spar le langage, lequel ne peut mentir et dissimuler qu'un temps. Les actionnaires (du mot action, du verbe agir) sont ces gens qui ne font rien et décident de tout. Ceux qui produisent, travaillent, fabriquent, créent, sont désormais désignés comme les charges salariales.
La messe est presque dite. Enfants d'aujourd'hui, bienvenus dans le monde de demain...
Ouh lala, il est temps de prendre ton année sabbatique et qu'on se barre à Tromsø. Je sens comme une légère dépression, là !
RépondreSupprimerPas faux...
RépondreSupprimerN'en déplaise à d'autres lecteurs de ce blog, il m'arrive d'être d'accord avec vous et c'est ici le cas !
RépondreSupprimerOn nous impose le monde préfabriqué comme un phénomène naturel, nécessaire et obligatoire alors qu'il n'est aucun des trois !
Clap, clap, clap !
:-))
Monsieur Poireau : ce billet n'a évidemment qu'un seul but : préparer ma candidature pour devenir un left blogueur z'influent.
RépondreSupprimer(Smiley !)
Didier : J'adore "jivaros cravatés", j'ai les mêmes à l'hosto qui rognent sur les draps, le PQ et sur les médicaments ! Me couperont pas la tête car ils sont incompétents et trop cossards pour prendre les gardes à ma place...
RépondreSupprimer;²)))
On ne saurait mieux écrire la vie en entreprise, "l'enfer climatisé" pour paraphraser Henry Miller.
RépondreSupprimerC'est d'ailleurs une raison qui m'a poussé à devenir homme au foyer en suivant ma chère et tendre à l'étranger.
Pensées un peu en parallèle, il me semble... Tiens TROMSO pour ce que j'ai appelé DESTINATION AILLEURS...
RépondreSupprimerDans le Beaujolais pas fait exprès... Une idée comme ça
haha MMontesquieu!! ouiii! .. la prochaine fois dézinguez Tocqueville et ce sera parfait pour moi..
RépondreSupprimerIl y a du Bernanos chez vous (La France contre les robots). Bravo !
RépondreSupprimerPurée, le dernier paragraphe, mais...
RépondreSupprimerSORS DE CE CORPS, KARL MARX !!!
Geneviève : s'il y a du Bernanos en moi, je crains qu'il y en ait vraiment fort peu...
RépondreSupprimerMarie-Georges : oui, je ne sais pas ce qui m'a pris. Peut-être devrais-je consulter ?
Encore une occasion de me réjouir d'avoir échappé à tout ça ! Plus celle de saluer un de vos billets sans retenue. Vous devriez en effet vous réfugier au plus vite sur la banquise, avant qu'on vous edvige en gauchiste.
RépondreSupprimerLe menu peuple a toujours su qu'il se faisait empapaouter - sinon, comment y aurait-il eu des Spartacus et autres graines de cimetière ? Il me semble, à vue de nez, qu'on a, historiquement parlant, assassiné plus de bons que de méchants, lesquels persistent à mourir dans leur lit - comme tout un chacun aimerait le faire.
RépondreSupprimerLes gens ayant des postes de D.R.H. = soit très bien, soit nuisibles planqués.
RépondreSupprimerSoit conscients d'être des humains, ayant le sens des réalités et de leur responsabilités, soit étant des peureux qui ont trouvé un poste confortable, et ne veulent pas se poser de questions sur ce qu'ils font.
Selon les circonstances le même individu d'habitude infect, peut aussi tout à coup montrer un tout autre aspect. Mais je comprends bien que se prendre une année sabbatique, c'est une idée qu'elle est bonne (en Norvège il y a beaucoup de gentils trolls ! )
Anna R.
Tiens, coïncidence, ceci rejoint ce qui s'est passé dans mon entreprise, ce matin. Je voulais en faire un billet, mais à quoi bon, c'était tenter d'en extraire une quelconque "morale", ce qui aurait été bien vain...
RépondreSupprimerOn reçoit un mail nous annonçant le départ d'un collègue, le 26 septembre. On est tous dans la même pièce. Pas d'annonce orale. On se retourne vers le collègue : "alors, tu pars ? T'es pas bien ici ?" Il répond non :" - Non. Je suis pas assez performant". On répond " - Ah bon." Puis murmures, "quand même, par email". L'autre nous dit : "allez c'est pas grave, les gars, c'est juste une période d'essai, et puis il y a des trucs plus grave dans le monde".
moui, la main invisible du marché est une main de fer
RépondreSupprimeret la fable de Mandeville...une fable
didier, vous avez relu Badiou, avouez!!
"Qu'il s'intitule capitaliste ou socialiste, ce monde s'est fondé sur une certaine conception de l'homme, commune aux économistes anglais du XVIIIe siècle, comme à Marx ou à Lénine. On a dit parfois de l'homme qu'il était un animal religieux. Le système l'a défini une fois pour toutes un animal économique, non seulement l'esclave mais l'objet, la matière presque inerte, irresponsable, du déterminisme économique, [...]". (Bernanos)
RépondreSupprimer"Ceux qui produisent, travaillent, fabriquent, créent, sont désormais désignés comme les charges salariales". (Didier Goux)
Vous voyez, Didier, combien l'homme que vous décrivez comme étant maintenant une "charge salariale" est proche de celui décrit par Bernanos : "matière presque inerte" !
la "démonie de l'économie" (Evola)
RépondreSupprimerDidier, vous virez à gauche.
RépondreSupprimerGaffe quand même, la nouvelle risque de se répendre comme une trainée de poudre dans la blosphère...
Lecoucou : banquise = glaçons, ça me va !
RépondreSupprimerMifa : il y a eu très peu de Spartacus. Et, à la fin, nous dit l'histoire, ils se font fourrer (sauf vot'respect...).
Emma : bien sûr, on peut toujours basculer, c'est ce qui fait, au bout du compte, le charme de l'être humain. Sauf qu'on peut basculer des deux côtés...
Balmeyer : il y a toujours des choses PLUS graves, en effet. Néanmoins, ce type qui s'excuse presque d'être viré au moment où ça lui tombe sur la tronche, les sourires gênés et vaguement compatissants autour...
Hoplite : je ne risque pas d'avoir RElu Badiou...
Geneviève : j'ai trop d'admiration pour Bernanos pour accepter de voir mon nom rapproché du sien.
(Deux fois "pour" dans la même phrase : Flaubert est en train de me vomir...)
Olivier : depuis le temps que je clame n'être pas "de droite" sans que personne ne me croie...
mais si! moi je vous crois..
RépondreSupprimerDidier : oui, c'est justement ce que je dis. Avant, on disait "menu peuple", maintenant on dit "charges salariales". D'où "empapaouter", sauf vot'respect !(smiley)
RépondreSupprimerDidier, le "plus grave dans le monde", c'est lui dit que le dit, avec une conviction feinte assez terrible.
RépondreSupprimerPour rajouter dans le Cosette, je diras qu'il est arrivé à 7h30, deux heures avant d'autres, pour "terminer à temps son travail avant le week-end".
Pour en rajouter encore une louche, je dirais que beaucoup s'étaient plaint depuis longtemps de l"'absence de communication", à savoir qu'on apprenait nos déménagements, nos rachats par des allemands ou des belges, par hasard, quand le type arrivait pour prendre les mesures.
Là, très pro, l'info circule, même l'aspect "propre" nous a paru pathétique...
Che Gouvarra, on compte sur vous !!!
Balmeyer : je vais vous surprendre. J'ai décidé de laisser s'exprimer le gauchiste qui est en moi.
RépondreSupprimerEt aussi le féministe trans hétéro-décentré qui est également en moi, pour faire mouiller Mademoiselle S...
Bon du coup vous y allez à la Fête de l'Huma ?
RépondreSupprimerJ'peux pas, j'ai piscine, comme dirait M. Dorham...
RépondreSupprimerje pensais que c'était vous qui aviez eu l'invitation du facteur suite à votre article !
RépondreSupprimer(smiley !)
Didier, Je n'ai pas dit que vous étiez un deuxième Bernanos (cela n'aurait d'ailleurs aucun sens). Simplement que dans le texte que vous avez écrit aujourd'hui, je trouvais une certaine similitude avec quelques-unes de ses "imprécations". Et si, dans mon premier commentaire, j'ai dit "Bravo", c'est parce que je trouve salutaire que de temps en temps quelqu'un pousse un bon coup de gueule qui nous réveille de la léthargie loukoumisée ambiante !
RépondreSupprimerBon, vous faites des billets antisociaux (ce qui va vous valoir d'être fiché Edvige ; bien fait !) et puis vous me piquez mes expressions (qui me permettent de passer pour le con incognito), ça va bien maintenant...
RépondreSupprimerDidier Goux est extraordinaire, y a pas. Une sorte de vieux frère, de vieil indien buriné à qui on a envie de dire : « T'inquiète pas ma poule, continue, c'est toi qui as raison et on les emmerde... et je reboirais bien de ce p'tit... quoi déjà ? » Ben oui, ben oui... Dépression ? Mais non que diable ! C'est d'la santé et rien de plus, de la bonne vie bien enfumée, bien fumante, bien écœurée, bien gouleyante et vive les Papoux ! J'adore ce moment du type apparemment blasé qui semble remettre sa démission et qui jubile en fait du simple fait d'être well, alive and living anywhere out of this world, tout en étant dedans, jusqu'au cou, bien plus et mieux que ces prêcheurs de vie et d'humanité et de bonté qui vous donneraient l'envie de vous pendre par leur enthousiasme délétère mais citoyen !
RépondreSupprimerPS - Norway = no way. Soit dit en passant...
Yanka : merci pour votre commentaire.
RépondreSupprimerYanka : merci d'être passé, et de le faire savoir de cette façon...
RépondreSupprimerTiens, Yanka n'a pas tort. Ca ne vous fait pas du bien, les bons sentiments, on se retrouve à y aller de son anecdote, quel traquenard, vous êtes un sphynx. Z'inquietez pas, on saura se tenir, on ne fera plus ceux qui se frottent.
RépondreSupprimerAlive and kicking.
RépondreSupprimer(Bien que mon petit cerveau ait sûrement raté une articulation logique entre la privation d'air et la déshumanisation triomphante de l'entreprise et -subséquemment- de la société tout entière)
P.S. à Pluton : un peu moins de coulage à l'hôpital et les jivaros cravatés n'y seraient pas
Plus le temps passe, plus j'aime votre blog, Didier.
RépondreSupprimerDom : les jivaros cravatés dont je parle ont ruiné l'hôpital (le mien) par une gestion calamiteuse, fermant les yeux volontairement sur des pratiques quasi-mafieuses (emplois rémunérés pour du travail fictif), absence totale de lutte contre un absentéisme ravageur, usage de matériel public à des fins privées et j'en passe.. Si vous appelez cela coulage, alors oui, il faut des jivaros honnêtes et "couillus", réglant les vrais problèmes au lieu de collecter les bouts de chandelles !!
RépondreSupprimerP.S : je n'habite pas à Naples . Au fait, portez vous machette et cravate ? ;-)
Tu as pris ta carte du PS c'est ça ?
RépondreSupprimerPluton, nous partageons donc le diagnostic.
RépondreSupprimerGauchiste !
RépondreSupprimerNicolas : c'est pour ça que, juste après, j'ai fait le billet sur le pape : il s'agissait de rééquilibrer.
RépondreSupprimerCe n’est pas non plus archi surprenant de votre part, ce billet, quand même. « Réaction » n’est pas « libéralisme », la première n’éprouve pas trop de fascination pour l’efficacité technocratique, me semble-t-il.
RépondreSupprimerPas trop, en effet...
RépondreSupprimer"L'entreprise a, me semble-t-il, longtemps été un lieu plus ou moins ouvert, où circulait, même canalisé et raréfié, l'air extérieur"
RépondreSupprimerPauvre con.